1.2.1.3. Le modèle ACT (Anderson, 1983 , Elliot & Anderson, 1995)

Une façon quelque peu différente, mais toujours issue des modèles en réseau, a été proposée pour représenter les informations en mémoire. Les modèles propositionnels (e.g., le modèle ACT -Adaptative Control of Thought- décrit par Anderson en 1983 ; le modèle HAM -Human Associative Memory- de Anderson & Bower en 1973) sont fondés sur l’hypothèse selon laquelle les concepts sont stockés sous la forme d’une proposition ; la proposition étant la plus petite unité par laquelle la signification d’une phrase peut être traduite. Cette conception met l’accent sur le fait que la représentation de l’information en mémoire se situe principalement au niveau de la signification, celle-ci pouvant être représentée sous forme d’un réseau. En effet, les modèles propositionnels caractérisent la représentation sémantique d’une phrase en rendant compte de la relation exprimée par le verbe (i.e., le prédicat) entre les deux entités sujet et objet (i.e., les arguments).

Ainsi, Anderson (1983) considère qu’une proposition est une unité cognitive (un concept) qui consiste en un noeud-unité et des éléments. Le noeud est la proposition elle-même et les éléments constituent la relation ainsi que les arguments de la proposition. Les propositions peuvent être organisées hiérarchiquement : du fait de la complexité des phrases que nous traitons généralement, les propositions sont liées les unes aux autres et peuvent être imbriquées les unes dans les autres. Même si Anderson (1983) considère qu’une unité cognitive est une proposition, il ne signifie pas pour autant qu’il n’existe pas d’autres types d’unités cognitives : une image, un mot peuvent aussi avoir ce statut. Quelle que soit la nature d’une unité cognitive, Anderson la représente à l’intérieur d’un réseau, sous la forme d’un noeud-unité connecté à d’autres éléments. En ce sens, ses idées ne diffèrent pas fondamentalement de celles de Collins et Quillian (1969) ou Collins et Loftus (1975).

Anderson (1983) suppose que les unités cognitives sont des unités d’encodage et de récupération. Le réseau encode des propositions, c’est-à-dire un ensemble composé du noeud prédicat et des noeuds arguments. Cette unité de base est encodée et récupérée comme un tout, c’est-à-dire que l’activation d’un seul noeud du réseau, par une entrée provenant de l’environnement ou par l’activation qu’il reçoit d’un autre noeud du réseau, entraîne l’encodage ou la récupération de l’unité cognitive entière (“loi du tout ou rien”).

Anderson (1983) décrit les processus d’encodage d’une unité cognitive comme suit. Lorsqu’une unité cognitive est créée (comment ? Anderson ne le précise pas), une copie transitoire est placée en mémoire de travail et peut être transférée en mémoire à long-terme. Cette probabilité de transfert en mémoire à long-terme est constante et ne dépend pas du temps pendant lequel l’information est présentée. Ce qui importe, c’est que l’information soit traitée activement. La répétition d’une information est supposée créer une nouvelle copie en mémoire de travail et donc, augmenter la force de l’unité cognitive.

Une fois formée, la force d’une unité cognitive peut diminuer. A ce propos, les théories diffèrent quant au poids relatif qu’elles attribuent aux unités selon que celles-ci sont encodées plus ou moins récemment (Elliot & Anderson, 1995). Certaines font l’hypothèse que des poids plus importants doivent être attribués aux unités les plus récentes et que les poids relatifs des unités doivent décliner exponentiellement au fur et à mesure que d’autres unités sont ajoutées. Le déclin exponentiel des unités “anciennes” est incorporé dans certains modèles basés sur la notion d’exemplaires (e.g., Estes, 1994 ; Nosofsky, Kruschke, & McKinley, 1992), modèles que nous présenterons au cours de la troisième partie de ce chapitre. Pour d’autres auteurs (Anderson, 1990), l’impact des unités “anciennes” décline selon une fonction puissance du temps. Le déclin selon ce type de fonction nécessite que toutes les unités “anciennes” soient représentées séparément, ceci parce que leurs poids déclinent avec des taux différents. Ce point de vue selon lequel les représentations sont séparées rapproche le modèle ACT des modèles épisodiques basés sur la notion de traces multiples séparées (voir paragraphe 1.3.2). La théorie ACT suppose donc que la force d’une unité cognitive n’est pas une fonction exponentielle (une telle fonction traduisant un oubli plus rapide que celui généralement observé) mais une fonction puissance du temps.

L’efficacité du processus de récupération dépend de la force de l’unité cognitive ; cette quantité est supposée déterminer le niveau de l’activité diffusée dans le réseau, ce qui détermine à la fois la probabilité et la vitesse avec laquelle une unité stockée peut être récupérée.

Conclusion

Les trois modèles associationnistes présentés jusqu’ici donnent un aperçu particulier de la notion d’unité mnésique. Quelle que soit l’organisation proposée (hiérarchique, selon un principe de distance sémantique, ou propositionnelle), les unités mnésiques sont des unités de sens sé©parées, localisées, permanentes et peu évolutives, et toute situation de traitement de l’information implique un processus d’activation et de diffusion de l’activation. Parmi les critiques émises à propos de ces modèles, l’une d’entre-elles concerne le fait qu’un noeud du réseau (qu’il soit lexical ou propositionnel) ne prend son sens que par rapport à l’ensemble des noeuds auxquels il est lié. Les modèles componentiels tentent de proposer une alternative.