1.3. L’unité mnésique ? Une trace

1.3.1. Les modèles épisodiques basés sur la notion d’exemplaires

1.3.1.1. Medin et Schaffer (1978)

Medin et Schaffer (1978) cherchent aussi à rendre compte de performances obtenues dans des épreuves de catégorisation. Leur “modèle contextuel” repose sur le postulat selon lequel la mémoire contient des informations contextualisées, spécifiques ; ou en d’autres termes, des exemplaires, plutôt que des informations de niveau catégoriel. Les auteurs supposent que tous les exemplaires d’une catégorie sont conservés en mémoire et que chaque exemplaire distinct est encodé séparément en mémoire.

Un exemplaire est défini par un ensemble de dimensions ou traits, représentant les différents aspects de l’exemplaire (e.g., sa couleur, sa forme, sa taille...). Medin et Schaffer (1978) supposent que certains des traits qui composent un stimulus peuvent être plus saillants que d’autres, selon les hypothèses que l’on forme par rapport à un trait particulier, c’est-à-dire selon l’attention que l’on porte à ce trait. Par exemple, si lors d’une tâche de catégorisation, un sujet se focalise sur l’hypothèse selon laquelle les cartes rouges appartiennent à la catégorie A et les cartes noires à la catégorie B, alors le sujet ne sera pas capable de conserver, ni de retrouver beaucoup d’informations à propos d’un autre trait des cartes. Le modèle contextuel tente de représenter cet effet de stratégie qui fait que l’information sur les exemplaires peut être incomplète.

Medin et Schaffer (1978) postulent donc que les traits d’une information sont séparés et indépendants les uns des autres. Cette hypothèse représente une contrainte importante sur l’accessibilité de l’information conservée en mémoire. Les auteurs supposent qu’un stimulus test agit comme un indice de récupération permettant d’accéder à l’information associée aux stimuli similaires, c’est-à-dire appartenant à la même catégorie. Le fait qu’un exemplaire soit associé à une catégorie ou à une autre dépend de la similarité globale entre le stimulus test et les exemplaires des catégories stockés en mémoire. La similarité d’un stimulus test à tous les exemplaires est calculée à partir de la similarité sur chaque trait. La similarité de deux exemplaires sur une dimension donnée est représentée par un paramètre dont la valeur varie entre 0 et 1 (1 représente la similarité maximale, c’est-à-dire des dimensions identiques). Par exemple, soient les paramètres c et f représentant la similarité sur les dimensions couleur et forme (respectivement) entre un cercle jaune et un triangle bleu. Si les couleurs des deux stimuli étaient jaune et orange, le paramètre c aurait une valeur plus importante que dans le cas proposé, ceci parce que la couleur orange est supposée être plus proche (similaire) de la couleur jaune que le bleu. Pour déterminer la similarité globale de deux exemplaires, les différents traits sont combinés de façon interactive et plus précisément, de façon multiplicative. Ceci signifie que la similarité globale d’un cercle jaune et d’un triangle bleu est égale au produit des paramètres cf. Ainsi, si les différences au niveau de la dimension forme sont très saillantes (i.e., f proche de 0), alors des variations de la similarité sur la dimension couleur ne peuvent pas altérer la similarité globale puisque, quelle que soit la valeur de c, le produit cf sera également proche de 0. Cette règle multiplicative s’accorde bien avec certaines intuitions à propos des concepts. Par exemple, bien qu’un chien tel qu’un berger allemand ressemble à un loup sur de multiples traits, ils ne sont pas jugés comme tels. Avec une règle de combinaison multiplicative, les effets de similarité sur plusieurs dimensions peuvent effectivement être dépassés par une différence sur une seule dimension (e.g., l’agressivité). D’après Medin et Schaffer (1978), lorsque le calcul de similarité globale est basé sur une règle additive (une somme de traits, une similarité moyenne), il est plus difficile et maladroit de représenter la différence entre un berger allemand et un loup : deux stimuli différents pourraient être jugés similaires.

L’idée générale du modèle contextuel est que la catégorisation est basée sur l’activation, provoquée par la présentation de l’item test, de tous les exemplaires et se traduit par un calcul de probabilité : la probabilité de classer un exemplaire i dans la catégorie J. Cette probabilité est une fonction croissante de la similarité de l’exemplaire i aux exemplaires stockés appartenant à la catégorie J (notés j), et une fonction décroissante de la similarité de l’exemplaire i aux exemplaires stockés (notés k), appartenant à une autre catégorie K :

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Medin et Schaffer (1978) introduisent la notion d’attention sélective dans leur modèle. Celle-ci est représentée par des changements au niveau de la saillance ou au niveau des paramètres de similarité sur les traits. En d’autres termes, le paramètre de similarité de deux exemplaires sur un trait est moindre lorsque ce trait a fait l’objet d’un traitement attentionnel. L’oubli est également représenté par des modifications au niveau des paramètres de similarité : la similarité entre les traits serait accrue, rendant ainsi les exemplaires moins discriminables les uns des autres. L’oubli correspondrait donc à une perte de “distinctivité” entre les exemplaires.