1.3.2.2. Whittlesea (1987)

Whittlesea (1987) a également proposé un modèle de mémoire épisodique à traces multiples pour expliquer que les connaissances abstraites proviennent d’un phénomène émergeant qui survient de l’encodage de plusieurs événements spécifiques. Les idées qu’il développe sont très proches de celles de Hintzman, quoique différentes sur certains points. Whittlesea cherche à rendre compte d’une part, de l’effet de typicalité, c’est-à-dire de l’effet de proximité entre un exemplaire d’une catégorie et le prototype de cette catégorie (Rosch & Mervis, 1975) et d’autre part, du fait que la proximité entre deux exemplaires peut l’emporter sur la proximité entre un exemplaire et son prototype (Whittlesea, 1987).

Whittlesea suppose que chaque épisode de confrontation à un item consiste à traiter l’item dans un but précis, ce qui donne lieu, à chaque fois, à une trace en mémoire. De multiples traces sont donc encodées séparément. Ce postulat de base, commun à plusieurs modèles de mémoire (e.g., Hintzman, 1986) permet de préserver les informations propres à chaque événement particulier. Whittlesea, comme Hintzman, fait l’hypothèse que le contexte est encodé dans chaque trace lors de chaque expérience de rencontre avec un exemplaire. Mais l’aspect épisodique d’une trace, pour Whittlesea ne se limite pas simplement à l’influence de l’information contextuelle au moment de la formation de la trace. La tâche demandée au sujet, le traitement à réaliser sur l’information, dictent aussi l’allocation d’attention à divers parties du stimulus et déterminent la façon dont le stimulus est traité, c’est-à-dire en quelque sorte, la variation de l’organisation des composantes au sein d’une trace. Ainsi, différentes expériences du même événement peuvent résulter en des représentations mnésiques qui varient de manière importante. Whittlesea rend compte de ce phénomène en supposant que la trace reflète le degré avec lequel les composantes sont intégrées au moment de l’encodage, c’est-à-dire traitées comme faisant partie d’une unité ou traitées en tant que parties séparées. Il apparaît clairement que l’aspect multidimensionnel d’une trace est plus présent dans la conception de Whittlesea (il parle de différentes composantes plus ou moins intégrées) que dans celle de Hintzman. Ceci a un impact important sur la récupération de l’information. Pour Whittlesea, puisque le poids des traits dans la trace varie selon le degré d’intégration, il est possible de récupérer les composantes d’une trace plus ou moins indépendamment les unes des autres.

Lors du traitement d’une information, toutes les traces encodées peuvent être recrutées en parallèle. Des indices de récupération, fournis par le traitement en cours, permettent d’activer simultanément plusieurs traces si ces deux entités ont des traits en commun. Ainsi, n’importe quelle trace ayant un degré de similarité avec l’information traitée peut faciliter son traitement. A l’opposé d’autres modèles, celui-ci ne suppose pas que la similarité d’un indice et d’une trace est une fonction invariante (soit linéaire, soit non linéaire) de la somme des composantes qu’ils partagent. En effet, si les traits ne sont pas traités indépendamment, compter le nombre de traits partagés est certainement une façon inappropriée de mesurer la similarité. Ainsi, Whittlesea émet l’hypothèse selon laquelle, si les composantes d’une trace sont accessibles indépendamment les unes des autres, sa similarité par rapport à l’indice de récupération est une fonction linéaire du nombre de composantes partagées. Par contre, si la trace est constituée de composantes non indépendantes, la relation est non linéaire. Plus précisément, le modèle de Whittlesea suppose qu’un trait d’une trace et un trait correspondant de l’indice ont une similarité évaluée par le degré d’appariement physique entre les deux et la saillance de cette paire de traits (ce modèle suppose des différences de saillance entre les dimensions de la même façon que le modèle contextuel de Medin et Schaffer, 1978). Cette similarité varie entre 0 et 1, la valeur 0 représentant une paire de traits sans aucun appariement physique ou sans aucune saillance. La facilitation totale reçue par un indice est la somme de sa similarité par rapport à toutes les traces.

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pij, le degré d’appariement (ou proximité) entre l’élément i de la cible et l’élément i de la trace j (valeur attribuée arbitrairement).

r, un paramètre indexant la valeur moyenne du degré de dépendance des composantes des traces (paramètre d’intégration).

Par la suite, Whittlesea a développé un modèle connexionniste, VISA (Variable Integration and Selective Attention) conçu notamment pour simuler le fait qu’il est possible de traiter un stimulus comme un tout ou comme une collection de parties indépendantes. Le modèle montre que des variations au niveau du traitement attentionnel (i.e., au niveau de l’intégration des composantes) conduisent bien à des représentations mnésiques différentes du même événement, idée généralement admise dans les modèles épisodiques à traces multiples.