Concordance des traitements (ou Transfert Approprié de Processus)

Le principe de la spécificité de l’encodage (Tulving, 1984 ; Tulving et al., 1973) énonce que le contexte prévalant lors de l’encodage détermine le contenu de la trace mnésique. De plus, selon cette conception, l’efficacité d’un indice de récupération est proportionnelle à la compatibilité qui existe entre l’information fournie par cet indice et la trace mnésique de l’événement qui résulte d’un encodage spécifique. En d’autres termes, un indice de récupération n’est efficace que s’il correspond à une information encodée spécifiquement. L’encodage  et la récupération sont donc considérés comme des processus interactifs.

La théorie de la concordance des traitements (Kolers et al., 1984 ; Morris et al., 1977 ; Roediger, 1990 ; Roediger et al., 1987a ; 1987b ; 1989) est basée sur le principe de la spécificité de l’encodage. Mais plus précisément, les tenants de l’approche TAP supposent que la concordance des traitements requis pendant l’encodage  et pendant le test conduit à de meilleures performances qu’une non concordance des traitements. Ainsi, un effet d’amorçage plus important est observé dans le cas d’une concordance des traitements sollicités entre les phases d’encodage et de test. Ils émettent aussi l’hypothèse selon laquelle cette compatibilité des traitements influence la qualité et la persistance de la trace mnésique. Deux types de traitements ont été dissociés : les traitements dirigés par les données et les traitements dirigés par les concepts. Les premiers seraient impliqués lorsque la tâche nécessite plutôt une analyse perceptive, tandis que les seconds le seraient lorsque la tâche demande un traitement sémantique ou conceptuel.

Par exemple, Jacoby et ses collaborateurs (e.g., Brooks, 1987 ; Jacoby, 1983a ; 1983b ; Jacoby, Baker, & Brooks, 1989 ; Jacoby & Brooks, 1984 ; Jacoby & Hayman, 1987) soutiennent l’idée selon laquelle la mémoire d’un événement particulier a un effet plus ou moins important sur l’identification ultérieure de cet événement. Ils supposent que cet effet épisodique dépend du traitement dont le stimulus fait l’objet pendant la phase d’étude et de la compatibilité de ce traitement avec les conditions de récupération offert par le test. En effet, lorsque les traitements impliqués lors des phases d’étude et de test n’étaient pas suffisamment similaires, certains auteurs, notamment Jacoby et Dallas (1981), n’ont observé aucune influence de la nature des traitements réalisés à l’encodage sur les effets d’amorçage. Au contraire, lorsque les processus étaient compatibles d’autres (Jacoby, 1983a ; Jacoby et al., 1984 ; 1987 ; 1989 ; Whittlesea & Brooks, 1988) ont observé des effets significatifs. Par exemple, selon Jacoby et Hayman (1987), l’ampleur des effets d’amorçage est lié à la similarité perceptive entre les formes des mots lors des phases d’encodage et de test. En effet, dans un test d’identification perceptive, les auteurs ont montré que les mots testés en lettres minuscules qui avaient été présentés en lettres minuscules au préalable étaient plus facilement identifiés que ceux qui avaient été présentés en lettres majuscules. Ainsi il semble que l’effet des expériences antérieures dépende de la préservation des détails visuels d’un mot entre les deux phases. Cette influence des caractéristiques perceptives des informations sur l’amorçage a beaucoup été étudiée. De manière générale, les effets d’amorçage  sont réduits par des changements de surface entre les phases d’étude et de test. C’est le cas lorsque la typographie entre l’amorce et la cible (e.g., écriture dactylographiée puis manuelle) varie (Roediger & Blaxton, 1987). De même, le changement de modalité sensorielle (e.g., présenter l’amorce auditivement et la cible visuellement) supprime ou diminue les effets d’amorçage (Jacoby & Dallas, 1981 ; Roediger & Blaxton, 1987).

Plutôt que de rendre compte de ces effets par une explication en termes d’activation de représentations pré-stockées, les tenants du point de vue épisodique des effets d’amorçage préfèrent l’explication selon laquelle les opérations mises en oeuvre pour encoder un stimulus sont réutilisées lors du test de rétention.