2.2.1. Accès au lexique et effets de fréquence

Différents modèles d’accès au lexique ont été décrits. Les modèles conventionnels d’une part, c’est-à-dire les modèles de type “détecteurs de mots” tels que le modèle des logogènes de Morton (1969, 1979) ou le modèle d’activation-interactive de McClelland et Rumelhart (1981) ; les modèles de recherche sérielle tels que celui de Forster (1976) ; les modèles hybrides tels que le modèle d’activation-vérification de Paap, Newsome, McDonald et Schvaneveldt (1982) et les modèles connexionnistes d’autre part (e.g., Masson, 1995 ; McClelland & Rumelhart, 1986 ; Seidenberg & McClelland, 1989). La différence majeure entre les modèles conventionnels et les modèles connexionnistes est que les premiers considèrent le lexique comme un système mnésique particulier dont les représentations localisées  correspondent à un mot de la langue. Les seconds reposent sur une conception nouvelle du lexique. Celui-ci est conçu comme un réseau ne contenant aucune entrée lexicale individualisée. Les représentations des mots (i.e., l’information relative aux mots, phonologique ou orthographique par exemple) sont distribuées sur l’ensemble des unités et des connexions constituant le réseau.

La plupart de ces modèles ont pris en compte la variable “fréquence” pour expliquer pourquoi certains mots sont plus rapidement identifiés que d’autres. Par exemple, pour Morton, le seuil d’activation d’un logogène (voir Figure 10) varie en fonction de sa fréquence lexicale : plus un mot est fréquemment utilisé, plus le seuil d’activation du logogène  correspondant est bas. De ce fait, le temps mis pour atteindre ce seuil (qui correspond au temps d’identification du mot) est d’autant plus court que le seuil est bas, c’est-à-dire que le mot est fréquent. Ainsi, le modèle de Morton rend compte de l’effet de fréquence sur les temps de décision lexicale :  les mots fréquents sont toujours plus vite identifiés que les mots rares. Le modèle d’activation-interactive explique l’effet de fréquence en termes de variations du niveau d’activation résiduel (voir Figure 11) des mots fréquents et rares : le niveau d’activation résiduel d’un mot fréquent doit être plus élevé que le niveau d’activation résiduel d’un mot rare. Ainsi, la quantité d’activation à fournir pour atteindre le seuil d’identification est moins importante pour les mots fréquents. Dans le modèle connexionniste de Seidenberg et McClelland (1989), les effets de fréquence deviennent intrinsèques au réseau au fur et à mesure de l’accumulation d’expériences. L’ensemble des connexions est le plus souvent ajusté aux patrons correspondant aux mots les plus fréquents. Ces patrons sont donc ceux vers lesquels le réseau converge le plus facilement. Par conséquent, la rapidité et la précision de la réponse dépendent du patron d’activation dans lequel le réseau se stabilise.

Les trois modèles brièvement exposés illustrent le fait que tous les modèles de la reconnaissance visuelle des mots ne rendent pas compte de la même manière de l’effet de fréquence. Nous ne détaillerons cependant pas les autres modèles, parce que quels qu’ils soient, ils sont basés sur un principe d’activation et ne nous apportent par conséquent, rien de plus (que ceux présentés au paragraphe 2.1.2.1 et ci-dessus), ni sur les processus concernant l’amorçage ni, a fortiori, sur les effets de fréquence sur l’amorçage.