3.1.3.2. Effets observés sur les pseudomots

Les analyses de variance calculées sur les temps de réponse moyens mis pour identifier correctement les pseudomots cibles suivaient les mêmes plans expérimentaux  que ceux présentés pour les analyses des données obtenues sur les mots.

Le Tableau 4 montre les temps de réponse moyens mis pour répondre correctement aux pseudomots et les effets d’amorçage obtenus dans chaque condition expérimentale.

Tableau 4 - Temps de réponse moyens et effets d’amorçage sur les pseudomots correspondants calculés par sujet (en ms). Les erreurs standards sont indiquées entre parenthèses.
Conditions expérimentales Relation amorce/cible Amorçage
SOA “Fréquence” Differentes Associées
75 ms Fréquents 762 (24.6) 758 (27.9) 4
Rares 740 (24.9) 732 (26.7) 8
270 ms Fréquents 721 (21.4) 707 (22.6) 14
Rares 747 (24.4) 727 (22.5) 20
1520 ms Fréquents 741 (30.4) 694 (14.2) 47
Rares 726 (27.9) 727 (26.4) -1

Les analyses ont mis en évidence des effets principaux significatifs des variables Relation et SOA. Les pseudomots cibles perceptivement associés aux mots amorces (e.g., cahier/capier) étaient plus rapidement identifiés (724 ms) que les pseudomots cibles complètement différents des mots amorces (e.g., siècle/hômel) (740 ms) ; toutefois, cette différence était significative par item, Fi(1, 94) = 5.4, p < .05 mais pas par sujet, Fs(1, 17) = 3.6, p = .074. Les temps de réponse diminuaient lorsque le SOA augmentait, Fs(2, 17) = 5.5, p < .01 et Fi(2, 94) = 5.1, p < .01. Des comparaisons locales ont montré une différence significative entre les SOA de 75 ms et 270 ms, Fs(1, 17) = 6.9, p < .05 et Fi(1, 94) = 6.3, p < .05, mais pas entre les SOA de 270 ms et 1520 ms, Fs < 1. Comme pour les mots, l’augmentation du délai entre l’amorce et la cible semblait faciliter l’identification des pseudomots. L’effet principal du facteur Fréquence n’était pas significatif,  Fs et Fi < 1. Ainsi, le fait que les pseudomots soient dérivés de mots plus ou moins fréquents n’influençait pas leur identification.

D’autre part, l’interaction entre les facteurs SOA et Fréquence était significative, Fs(2, 34) = 4.3, p < .05 et Fi(2, 188) = 3.3, p < .05. L’interaction des facteurs Fréquence, Relation et SOA n’était pas significative par item, mais l’était par sujet, Fs(2, 34) = 3.5, p < .05. Aussi, afin d’expliquer cette interaction, des analyses séparées ont été réalisées pour chaque SOA.

Les analyses réalisées par sujet et par item n’ont montré aucun effet d’amorçage significatif avec les SOA les plus courts. Avec le SOA de 1520 ms, l’amorçage était significatif  pour les pseudomots dérivés de mots fréquents, Fs(1, 34) = 16.3, p < .001 et Fi(1, 94) = 5.3, p < .05 uniquement. De plus, les analyses par sujet ont révélé une interaction significative  entre les facteurs Fréquence et Relation pour cette dernière valeur de SOA seulement, Fs(1, 34) = 8.5, p < .01. Ainsi, comme le montre la Figure 14, l’effet d’amorçage des pseudomots dérivés de mots fréquents était significativement plus important que celui des pseudomots dérivés de mots rares. Les analyses par item n’ont montré aucun effet significatif.

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Figure 14 - Effets d’amorçage orthographiques (en ms) en fonction de la “Fréquence” des stimuli et du SOA.

Conclusion

Les analyses ont révélé des effets significatifs des variables Relation et SOA. Les pseudomots associés aux amorces étaient plus vite identifiés que les pseudomots complètement différents des amorces. Ce résultat est comparable à celui observé pour les mots identiques et différents. Comme les mots, les pseudomots étaient plus rapidement identifiés avec des SOA longs et les temps de réponse ne baissaient significativement plus à partir d’un SOA de 270 ms.

En ce qui concerne l’interaction des facteurs Fréquence, Relation et SOA, Versace (1996, 1998) a obtenu un résultat identique à l’effet d’amorçage observé dans cette expérience avec un SOA de 1520 ms. Avec une amorce non masquée et un SOA de 2000 ms, et dans la condition d’amorçage associatif mot/pseudomot (condition correspondant à la nôtre), Versace (1996, 1998) a mis en évidence un effet d’amorçage positif significatif pour les items fréquents et aucun effet d’amorçage significatif pour les items rares. De plus, cet effet de fréquence sur l’amorçage  étaient significatif. En d’autres termes, ce sont les pseudomots dérivant de mots fréquents qui ont principalement bénéficié du lien orthographique entre l’amorce et la cible. Notons que cet effet est l’inverse de celui observé précédemment avec les mots, couramment appelé “atténuation de l’effet de fréquence”. Nous aurons l’occasion de revenir sur ce point (en particulier, au cours du Chapitre 5) et nous désignerons dorénavant cet effet inversé sous le terme de “accentuation de l’effet de fréquence”. Ainsi, lorsque les amorces et les cibles ne sont pas totalement identiques, mais seulement associées (quand une seule lettre différencie la cible de l’amorce), les effets d’amorçage  orthographiques obtenus peuvent s’expliquer par l’intervention du mécanisme d’activation. Il est supposé qu’un mot fréquent présenté en amorce est fortement activé, ce qui faciliterait l’identification du pseudomot cible lorsque celui-ci est orthographiquement ou phonologiquement très proche du mot amorce. En revanche, un mot amorce rare doit engendrer peu d’activation, donc ne faciliterait pas beaucoup l’identification du pseudomot qui suit. Ceci rendrait compte de l’accentuation de l’effet de fréquence avec un SOA de 1520 ms (voir Figure 14). Il est alors difficile  d’expliquer pourquoi ce résultat n’a pas été obtenu avec des SOA plus faibles.