3.2.3. Résultats

Des analyses identiques à celles réalisées pour l’Expérience 1 ont été reproduites sur ces nouvelles données et suivaient les mêmes plans expérimentaux que précédemment.

3.2.3.1. Effets observés sur les mots

Le Tableau 5 montre les temps de réponse moyens mis pour identifier correctement les mots cibles et les effets d’amorçage de répétition correspondants obtenus.

Tableau 5 - Temps de réponse moyens et effets d’amorçage de répétition correspondants calculés par sujet (en ms). Les erreurs standards sont indiquées entre parenthèses.
Conditions expérimentales Relation amorce/cible Amorçage de répétition
SOA Fréquence Différentes Identiques
75 ms Fréquents 608 (9.7) 600 (11.4) 8
Rares 757 (15.7) 711 (16.8) 46
270 ms Fréquents 586 (9.0) 560 (10.8) 26
Rares 719 (15.6) 695 (16.4) 24
1520 ms Fréquents 604 (12.0) 570 (12.7) 34
Rares 713 (16.5) 701 (16.2) 12

Les analyses de variance ont montré des effets principaux significatifs des variables Fréquence, Relation et SOA. Les sujets décidaient en moyenne plus rapidement que l’item présenté était un mot lorsque celui-ci était fréquent (588 ms) que lorsqu’il était rare (716 ms), Fs(1, 35) = 288.4, p < .0001 et Fi(1, 94) = 243.4, p < .0001. Une cible précédée d’une amorce identique était identifiée plus vite (640 ms) qu’une cible précédée d’une amorce différente (664 ms), Fs(1, 35) = 22.5, p < .0001 et Fi(1, 94) = 23.2, p < .0001. Les temps de réponse diminuaient au fur et à mesure que le SOA augmentait, Fs(2, 70) = 9.9, p < .001 et Fi(2, 188) = 14.4, p < .0001.

Seule l’analyse par sujet a révélé une interaction significative entre les facteurs Fréquence, Relation et SOA, Fs(2, 70) = 3.2, p < .05. Des analyses séparées ont donc été réalisées pour chaque SOA. Les effets d’amorçage de répétition obtenus dans chaque condition expérimentale sont illustrés sur la Figure 15.

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Figure 15 - Effets d’amorçage de répétition masqués (en ms) en fonction de la Fréquence des stimuli et du SOA.

L’interaction entre les facteurs Fréquence, Relation et SOA observée avec l’analyse par sujet provenait du fait que les effets d’amorçage étaient plus importants pour les mots rares que pour les mots fréquents avec le SOA de 75 ms seulement, Fs(1, 70) = 5.1, p < .05. En effet, aucune atténuation de l’effet de fréquence n’a été observée pour les autres valeurs de SOA. De plus, les analyses locales ont révélé des effets d’amorçage significatifs à 75 ms, pour les mots rares seulement, Fs(1, 70) = 14.7, p < .001 et Fi(1, 47) = 4.4, p < .05 ; à 270 ms, pour les mots fréquents, Fs(1, 70) = 4.8, p < .05 et Fi(1, 47) = 8.1, p < .01, et rares Fs(1, 70) = 4.2, p < .05 d’après l’analyse par sujet uniquement ; et à 1520 ms pour les mots fréquents, Fs(1, 70) = 8.1, p < .01 et Fi(1, 47) = 13.4, p < .001.

Conclusion

Conformément aux résultats d’autres recherches (e.g., Evett & Humphreys, 1981 ; Forster et al., 1984 ; Humphreys, Evett, & Taylor, 1982), cette expérience a montré que des effets d’amorçage de répétition pouvaient avoir lieu avec des amorces masquées. Toutefois, les effets d’amorçage obtenus sur les mots cibles n’ont pas tout a fait confirmé nos prédictions. En effet, avec un SOA de 1520 ms, nous pensions obtenir des effets d’amorçage plus importants pour les mots fréquents que rares. Il semble que l’effet évoluait effectivement dans ce sens, mais la différence n’était pas significative. Avec un SOA de 270 ms, nous nous attendions à observer une atténuation de l’effet de fréquence, et des effets d’amorçage  équivalents quelle que soit la fréquence des informations avec un SOA de 75 ms. Or, nous avons obtenu les résultats inverses : des effets d’amorçage plus importants pour les mots rares que fréquents à 75 ms et des effets d’amorçage équivalents à 270 ms.

Deux explications peuvent être proposées pour rendre compte de ces résultats. La première consiste à essayer de situer les valeurs des SOA manipulés par rapport aux effets d’amorçage obtenus sur les courbes d’activation présentées en début de chapitre. Par exemple, il est possible d’admettre que 75 ms est un délai situé entre x1 et x2 sur la Figure 12 puisqu’à ce moment là, le niveau des courbes d’activation est supposé décroître, ce qui est compatible avec le fait que, dans cette condition, nous ayons observé des effets d’amorçage plus importants pour les mots rares que fréquents. Ceci implique alors de supposer que 270 ms est un délai “intermédiaire” pendant lequel les effets d’amorçage  sont équivalents, avant qu’ils ne s’inversent et deviennent plus importants pour les informations fréquentes que rares. La deuxième explication met en cause deux types de biais méthodologiques possibles. (1) Un biais dû à l’amorçage  rétroactif de la cible sur l’amorce, qui se manifesterait d’autant plus que le délai est court (75 ms). L’amorce serait alors plus facilement (rapidement) identifiée avec un SOA de 75 ms qu’avec un délai de 270 ms. Il semble que cette hypothèse puisse être écartée, puisque les cibles étaient plus vite identifiées à 270 ms (643 ms) qu’à 75 ms (681 ms) et non pas le contraire (l’effet du facteur SOA était significatif). (2) Un biais dû à une interférence de l’amorce et du masque sur la perception de la cible. Nous reviendrons plus en détail sur cette explication par la suite, notamment dans l’introduction de l’Expérience 3.