3.2.4. Discussion

Le but de cette expérience, réalisée avec des amorces difficilement perceptibles et identifiables, était de mettre en évidence des effets d’amorçage de répétition dépendant d’une variable “lexicale” (i.e., la fréquence des informations), l’objectif sous-jacent étant d’en déduire la nature lexicale  des traces activées à un tel niveau de perception. Dans leur première expérience, Forster et Davis (1984) présentaient une amorce masquée pendant 60 ms, puis la cible juste après la disparition de l’amorce. Sous ces conditions, ils ont observé des effets d’amorçage  de répétition masqués indépendants de la fréquence des mots. Les auteurs ont attribué ce résultat à la composante lexicale  des effets d’amorçage masqués, puisque la composante épisodique était censée ne pas pouvoir intervenir en raison de la procédure de masquage utilisée. Dans une condition expérimentale similaire (amorce masquée, présentée 15 ms, suivie d’un délai de 75 ms, puis de la cible), nous avons obtenu un effet d’amorçage  de répétition plus important pour les mots rares que pour les mots fréquents. Comme nous l’avons précisé précédemment, cet effet est difficilement interprétable. En considérant les effets obtenus avec des SOA de 270 et 1520 ms, il semblerait plutôt que les effets de répétition observés dans cette expérience soient insensibles à la fréquence des mots. S’il était confirmé, ce résultat suggèrerait  alors que la trace activée lors de la présentation de l’amorce masquée n’est pas de nature lexicale (Bodner & Masson, 1997).

Pourtant, puisque des effets d’amorçage de répétition ont été obtenus, il semble qu’une activation a tout de même eu lieu. Les effets obtenus sur les pseudomots cibles nous renseignent à ce sujet. Sous les conditions d’amorçage masqué de cette expérience, les résultats ont montré qu’il existait des effets d’amorçage orthographiques significatifs. Ainsi, il semble qu’une trace épisodique préexistante ait été activée au cours du traitement de l’amorce, mais que la procédure de masquage l’ait empêchée de réaliser tout son potentiel. En fait, on peut penser que le masquage contraint le type d’information pouvant être activé dans une trace épisodique. Les amorces masquées activeraient d’abord des informations orthographiques et/ou phonologiques. Ces activations seraient suffisantes pour produire un effet d’amorçage orthographique et/ou phonologique sur les pseudomots (le facteur Relation était significatif) mais ne pourraient pas se traduire par une atténuation (ou une accentuation) de l’effet de fréquence, celle-ci nécessitant l’activation d’une représentation lexicale.

Toutefois, d’autres expériences sont nécessaires pour confirmer l’absence d’effet de fréquence sur l’amorçage de répétition masqué. Ce sera précisément l’objectif de l’Expérience 3.