3.3. Synthèse et discussion des résultats issus des expériences d’amorçage non masqué (Expérience 1) et masqué (Expérience 2)

Les Expériences 1 et 2 ont toutes les deux révélé des effets d’amorçage de répétition. Simplement, l’effet d’amorçage  était globalement plus important lorsque l’amorce n’était pas masquée (87 ms) que lorsqu’elle l’était (25 ms). De plus, il semble possible de conclure des deux expériences présentées, que les effets d’amorçage de répétition dépendent de la fréquence des informations lorsque celles-ci sont parfaitement visibles (Expérience 1), et sont insensibles à cette variable dès lors que les informations deviennent difficilement identifiables ou bien moins visibles (Expérience 2, SOA de 270 et 1520 ms). Nous avons interprété ces effets en supposant que dans des conditions d’amorçage non masqué, l’activation peut atteindre un niveau lexical tandis que dans des conditions d’amorçage masqué, l’activation concerne des représentations de nature pré-lexicale.

Toutefois, avant de conclure quant aux résultats obtenus et quant à la validité des interprétations conséquentes, il faut souligner l’existence d’un problème au niveau de la condition de base, c’est-à-dire la condition expérimentale dans laquelle l’amorce et la cible étaient des mots différents. En effet, l’observation des temps de réponse moyens obtenus sur les mots (Expérience 1) a révélé que pour chacun des SOA (de 75, 270 et 1520 ms) de la condition “Mots fréquents, Amorce/cible différentes” (condition nommée “F, di” sur la Figure 16 ci-dessous), les temps de réponse moyens (respectivement 622, 601 et 600 ms) étaient équivalents, alors que dans la condition “Mots rares, Amorce/cible différentes” (“R, di”), les temps de réponse moyens (respectivement 813, 784 et 740 ms) étaient significativement différents entre le SOA de 270 et de 1520 ms, Fs(1, 34) = 5.9, p < .05. La condition de base n’étant pas équivalente pour les mots rares, les interprétations concernant l’influence de la fréquence sur les effets d’amorçage selon le SOA doivent être considérées avec prudence.

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Figure 16 - Illustration du problème relatif à la condition de base.

Dans l’Expérience 2, le problème relatif à la condition de base persistait aussi et se situait précisément au niveau des valeurs de SOA pour lesquelles des effets d’amorçage imprévisibles ont été observés. Pour chacun des SOA de 75, 270 et 1520 ms de la condition “Mots fréquents, Amorce/cible différentes”, les temps de réponse moyens étaient de 608, 586 et 604 ms, respectivement. Dans la condition “Mots rares, Amorce/cible différentes”, les temps de réponse moyens étaient de 757, 719 et 713 ms, respectivement et les temps obtenus avec un SOA de 75 et de 270 ms étaient significativement différents, Fs(1, 70) = 10.03, p < .005. Par conséquent, ce biais méthodologique pourrait rendre compte de l’atténuation de l’effet de fréquence obtenue à 75 ms sous des conditions d’amorçage masqué. A noter que le problème inhérent à la condition de base existait aussi à propos des pseudomots, dans les deux expériences.

Dans les expériences utilisant une procédure d’amorçage, le choix de la condition de base (i.e., neutre) est souvent problématique. Des auteurs comme Segui et Grainger (1990b) et Sereno (1991) ont testé les effets d’amorçage en comparant la condition amorce/cible identiques avec une condition amorce/cible différentes et avec une condition où l’amorce était neutre (e.g., XXXXX). Des effets d’amorçage de répétition facilitateurs équivalents ont été obtenus quelle que soit la condition de base. Aussi, résoudre le problème observé dans nos expériences en changeant radicalement de condition “neutre” ne nous semblait pas vraiment être une solution appropriée. L’Expérience 3 a été réalisée pour tenter de surmonter cette difficulté en conservant la condition de base amorce/cible différentes.