4.1.4. Discussion

Les résultats de cette expérience ont confirmé nos prédictions concernant l’effet du temps de présentation de l’amorce et de la fréquence des items sur l’amorçage de répétition. L’atténuation de l’effet de fréquence semble nécessiter un minimum de temps de traitement de l’amorce pour apparaître, puisque cet effet a été observé avec un temps de présentation de 700 ms, mais pas avec un temps de présentation de 50 ms seulement. De plus, dans cette expérience, la condition de base était homogène dans toutes les conditions expérimentales (pour les mots fréquents d’une part, et pour les mots rares d’autre part, quel que soit le ISI, les temps de réponse étaient équivalents) et ne remettait donc pas en question les interprétations ci-dessus.

Toutefois, les résultats sont plus ambigus en ce qui concerne l’effet du ISI. Si l’effet d’amorçage  de répétition déclinait avec l’augmentation du délai entre l’amorce et la cible avec un temps de présentation de l’amorce de 50 ms seulement, il restait néanmoins significatif avec un ISI de 3000 ms (ce qui pourrait expliquer l’absence d’interaction entre les facteurs Relation amorce/cible, Temps de présentation de l’amorce et ISI). Cet effet pose problème. En effet, avec un ISI aussi long (de 3000 ms) et une tâche interférente entre l’amorce et la cible, l’activation résiduelle résultant du traitement de l’amorce était probablement très faible au moment de la présentation de la cible. Par conséquent, l’effet d’amorçage obtenu avec un ISI de 3000 ms et une amorce présentée pendant 50 ms ne peut probablement pas être exclusivement expliqué par un mécanisme d’activation. Deux explications de ce résultat peuvent être proposées.

La première consiste à dire que l’hypothèse selon laquelle la composante épisodique nécessite un traitement post-perceptuel, c’est-à-dire non seulement une prise de conscience de l’information mais aussi un temps de traitement supplémentaire, est fausse : l’activation induite par des amorces présentées 50 ms suffirait pour que de nouvelles traces se construisent en mémoire. A cette supposition, il est possible d’objecter que selon le temps de présentation de l’amorce (50 ou 700 ms), les effets obtenus pour les mêmes valeurs de ISI étaient qualitativement différents : avec un temps de présentation de 50 ms, les effets de fréquence sur l’amorçage n’existaient pas, alors qu’avec un temps de 700 ms, de tels effets apparaissaient. Or, si l’explication proposée ci-dessus était valable, nous aurions observé les mêmes effets quel que soit le temps de présentation de l’amorce.

La deuxième explication est que la matrice n’a pas eu l’effet souhaité, c’est-à-dire que la tâche interférente n’était pas suffisamment distractrice et n’empêchait pas les sujets de traiter l’amorce pendant le ISI. Cette proposition nous semble plus plausible. En effet, les participants devaient seulement regarder la matrice. Etant donné qu’aucune réponse n’était exigée sur chacune des matrices présentées, les participants avaient la possibilité de continuer à traiter l’amorce pendant l’exposition de la matrice, surtout lorsqu’elle était présentée pendant 3000 ms. Ce point de vue pourrait rendre compte du fait que les effets d’amorçage de répétition tendaient à être plus importants pour les mots rares que pour les mots fréquents dans cette condition. Les Expériences 5a et 5b ont été réalisées pour tester cette seconde explication.