5.2.4. Discussion

Cette deuxième expérience pilote nous a permis d’éclaircir les principaux points en suspend à l’issue de la première. Tout d’abord, le fait de ne présenter que les rectangles désignés comme fréquents dans la phase d’étude a amélioré  l’impact de cet effet en phase test. En effet, même s’il n’atteignait pas encore le seuil de significativité (fixé à .05), il existe tout de même une amélioration par rapport à l’Expérience 7a. Augmenter le nombre de présentation des stimuli en phase d’étude (au-delà de 6 fois chacun) pour que ceux-ci soient considérés comme “fréquents” permettrait peut-être d’assurer l’effet de cette variable sur les temps de réponse et sur l’amorçage (voir Grant & Logan, 1993), mais cela allongerait le temps de passation et risquerait de lasser les sujets avant même que la phase test ne leur soit proposée. Aussi, nous avons décidé de conserver ce mode d’induction de la fréquence dans les expériences suivantes.

Cette étude a surtout été conçue pour nous aider à choisir la meilleure condition de base parmi deux possibilités. Nous hésitions entre les conditions “amorce/cible différentes, de même catégorie” ou “amorce/cible différentes, de catégories opposées”. Les résultats obtenus ont montré que la condition “amorce/cible différentes, de même catégorie” perturbait fortement les sujets. Comme l’Expérience  7a le laissait supposer, cette nouvelle étude a effectivement mis en évidence des temps de réponse significativement plus longs dans cette condition que dans les deux autres. Il est plausible de supposer que, si l’épisode de traitement d’un rectangle amorce permet d’associer l’amorce en question à une catégorie particulière (rappelons que le temps de présentation de l’amorce était de 1000 ms), alors le fait de présenter peu de temps après l’amorce (i.e., 100 ms), un rectangle cible perceptivement différent, provoque un “conflit” au moment du traitement de la cible. En effet, lorsqu’une cible perceptivement différente de l’amorce est associée à la même catégorie que l’amorce, la sélection de la catégorie appropriée interfère probablement avec la récupération de l’épisode d’amorçage, puisque celui-ci contient l’information selon laquelle la catégorie en question est associée à un stimulus différent. Alors que, lorsqu’une cible perceptivement différente de l’amorce est associée à une catégorie différente de l’amorce, aucune interférence n’est censée se produire au moment de répondre à la cible. Dans une tâche de décision de genre (i.e., décider si le mot cible est un nom de genre masculin ou féminin), Versace et Allain (soumis) ont effectivement mis en évidence des temps de réponse plus lents lorsque l’amorce et la cible (deux noms communs différents sur le plan sémantique, orthographique et phonologique) étaient de même genre que lorsqu’elles étaient de genres différents (Expérience 1). De même, dans une tâche de catégorisation sémantique (i.e., décider si le mot cible désigne un objet naturel ou manufacturé), la catégorisation sémantique était plus lente lorsque l’amorce et la cible appartenaient à la même catégorie que lorsqu’elles appartenaient à des catégories différentes (Expérience 6). Ainsi, le fait de devoir associer la même catégorie à différents stimuli dans la condition “amorce/cible différentes, de même catégorie” de l’Expérience 7b, expliquerait les temps de réponse plus longs obtenus dans cette condition. La condition dans laquelle la cible est différente de l’amorce, sur le plan perceptif d’une part et par rapport à la catégorie d’autre part, semblait donc être la condition la plus “neutre”. En effet, des patrons de résultats similaires ont été observés pour ces deux conditions.

Soulignons que l’explication ci-dessus à propos de l’effet perturbateur de la condition “amorce/cible différentes, de même catégorie” repose sur l’hypothèse selon laquelle l’épisode de traitement de l’amorce permet d’associer l’amorce à une catégorie particulière. En effet, ce n’est que si les sujets ont effectivement suffisamment de temps pour extraire la catégorie de l’amorce, qu’ils devraient être perturbés lorsque la cible est perceptivement différente mais de même catégorie. Puisque c’est effectivement ce que l’on a observé, il semble que 1000 ms (plutôt que de 700 ms) soit un temps de présentation suffisant pour permettre aux sujets d’extraire la catégorie de l’amorce, ce qui répond à la dernière interrogation que nous nous posions quant à la valeur du temps de présentation de l’amorce nécessaire. Pourtant, le fait d’avoir augmenté le temps de présentation de l’amorce ne nous a pas permis d’obtenir d’effet de fréquence sur l’amorçage  (l’interaction entre les facteurs Fréquence et Relation n’était pas significative). C’est pourquoi, nous avons décidé d’augmenter encore le temps de présentation des amorces et de le fixer à 1200 ms dans les expériences suivantes.