1.2.3.2 Filtres de régulation

A. Le filtre "institutionnel" de régulation

Selon R. Salais (1999 152 ), on entend par institution un objet collectif conçu pour mettre en œuvre une intention normative lié à la définition du bien commun, aux questions de justice, à l'Etat et l'action publique. Il ajoute que sans objectivation de l'État et sans attente d'une posture d'extériorité de la part de ce dernier, aucune pluralité des valeurs et des principes de justice légitimes n'est permise dans une société, rappelant le principe de J. Rawls 153 d'antécédence du juste sur le bien, pour qui seules ont une valeur économique les actions manifestant un principe de justice.

Les inégalités entre les individus sont pour J. Rawls des inégalités de moyens, c'est à dire de dotations initiales en biens premiers 154 . L'hypothèse de R. Salais fonde l'effectivité de l'action "publique" sur la formation entre les participants à la situation d'un accord conventionnel sur la définition du bien commun, autrement dit d'une "convention de l'État" (Salais R., 1999 155 ). Elle nous paraît en harmonie avec la politique volontariste d'intervention des organisations institutionnelles dans le champ des opérations de construction.

Dans cette perspective, le filtre institutionnel (activation du champ politico-légal générateur de régulations institutionnelles au niveau macro quadrant 1 de la figure précédente) a pour fonction d'objectiver, ex ante les composants des activités élémentaires générés par ce champ politico-légal afin d'encadrer le choix des valeurs attendues par l’ensemble des acteurs, des niveaux d'allocation de ressources pertinents ainsi que des conditions d'existence et de fonctionnement de l'OC.

La puissance de ce filtre devrait être plus forte pour les opérations de construction que pour les organisations permanentes car l'étape d'objectivation des activités élémentaires, obligatoire pour chaque opération de construction ne l'est pas forcement pour les processus industriels. Or cette condition est rarement tenue.

Notes
152.

SALAIS R., "Institutions et conventions, la réflexivité de l'action économique", Salais R., Chatel E., Rivaud Danset D, éditions de l'Ecole des Hautes Etudes en Sciences Sociales, 1999, pp. 255-189.

153.

Certaines institutions comme l'esclavage sont absolument injustes et conduisent à des actions que chacun, dès qu'il agit en être moral, juge sans valeur aucune et ce, en tant que common knowledge. C'est en ce sens qu'il y a pour Rawls antécédence du juste sur le bien; seules ont une valeur économique les actions manifestant un principe de justice. In Salais OP CIT - Rawls J. " Justice as Fairness ", Philosophical Review, 67, 1958, pp. 169-194. Rawls J., "Théorie de la justice", Paris, Seuil, 1987. Rawls J., " Démocratie et justice ", Paris, Seuil, 1993.

154.

Un " bien premier " est, chez Rawls, rappelons-le, ce que tout homme rationnel est supposé désirer : droits, libertés et possibilités offertes à l'individu; revenus; richesse; respect de soi; etc. Rawls, 1987, OP. CIT , pp. 91-96.

155.

Ce qui conduit, bien évidemment, à ne pas traiter de l'État selon l'opposition habituelle, fondée sur le statut administratif ou la propriété, entre " public " et " privé ", ni selon la séparation entre État et société civile, mais à partir des formes de sa présence dans la coordination. Cette présence est, à la fois, postulée dans la coordination en cours et réalisée d'une manière spécifique par elle. Voir Salais R., op. cit.