1.4 Synthèse : le concept de régulation finalisée 

1.4.1 Régulation et équilibration

La régulation, envisagée comme l'ajustement du comportement où de la décision d'un où plusieurs acteurs à des structures où comportements d'autres acteurs afin de réaliser son (où ses) propre(s) objectifs (Savall H., 1979 243 ) nous semble limitée à la recherche de survie immédiate et à court terme de l'organisation. Le caractère dynamique de la recherche active d'un équilibre "précaire" à assurer de manière permanente est inclus dans le concept d'équilibration, qui est davantage un ensemble d'actions coordonnées sous l'influence d'un projet sur les court, moyen et long termes.

F. Perroux (1975 244 ) définit l'équilibration comme "un enchaînement de décisions et d'actes dans une suite de temps. L'état d'équilibre est la persistance plus où moins durable de séquences traduisant, sous les contraintes explicitées des structures, l'inter-compatibilité des projets et des activités des agents".

H. Savall (1979 245 ) a emprunté ce concept d'équilibration à F. Perroux et à J. Piaget dès les fondements de l'analyse socio-économique, pour justifier l'intention scientifique du chercheur dans la recherche de qualité et de finalisation des régulations, et non se limiter au constat de régulations.

J. Piaget (1970 246 ) évoque l'équilibration dans ses travaux sur l'épistémologie génétique comme un processus actif "d'autoréglage". En effet, chez l'enfant, les structures cognitives se construisent dans l'interaction entre un sujet non encore conscient de son existence et les objets où plus généralement le milieu qui l'entoure. Le passage d'un stade au suivant dans la formation des connaissances s'explique par un double processus d'assimilation des données à des schèmes préexistants et d'accommodation des schèmes cognitifs d'où résultera une structure nouvelle plus proche à un nouveau stade d'équilibre.

P. Lorino (1995 247 ) reprend le concept d'équilibration de Jean Piaget, et l'érige comme l'un des deux principes du pilotage l'autre étant la coordination. L'équilibration doit traiter le temps, le changement et la continuité, et assurer assurer un équilibre acceptable entre continuité et changement.

Cependant, qui dit système en équilibre ne dit pas système statique. L'équilibre procède de l'action et de la contre-action permanentes, de l'adaptation par la déformation, du traitement des perturbations externes. La préservation d'une structure en équilibre impose au pilotage de modifier en permanence les représentations pour les rendre aptes à absorber le nouvel état des choses et à reconstruire un équilibre. L'équilibration à moyen et long terme s'oppose alors au concept de régulation.

Comme le dit H. Savall, "la régulation est un processus de déploiement d'activités en interaction enchaînées par des boucles d'information tandis que l'équilibration est le rapprochement entre le résultat obtenu et le résultat désiré, elle appelle non une information quelconque en retour (suffisante pour qu'il y ait régulation), mais une information assez transparente de son champ des possibles". Et citant F. Perroux, il conclue : "la régulation de l'activité de l'agent, phénomène universel, ne donne pas mécaniquement et à coup sûr une équilibration correcte" 248 .

V. Zardet (1986 249 ), pour sa part, présente trois formes de régulation dans l'organisation, comme réponse organisationnelle aux dysfonctionnements observés, la régulation d'abandon, la régulation d'absorption et la régulation d'équilibration. Elle définit cette dernière ainsi : suite au constat d'un dysfonctionnement, l'acteur fait un acte décisif* pour obtenir un effet positif à court terme, mais en outre, il réalise d'autres actes pour prévenir les dysfonctionnements futurs. Ainsi, il libère du potentiel, le dysfonctionnement a ainsi permis un effet d'apprentissage et la régulation d'équilibration produit des effets positifs à moyen et long termes.

En pratique nous considérons que la régulation est l'ajustement du comportement où de la décision d'un où plusieurs acteurs (où unités actives)en vue de réaliser son (où leurs) propre (s) objectif (s), alors que l'équilibration correspond à la coordination des régulations pour réaliser un objectif individuel où collectif, ce qui suppose, lorsque l'objectif est collectif l'existence d'un projet et d'un consensus. La régulation est une action sous l'influence d'une information référée au court terme. H. Savall (1979 250 ) définit l'équilibration comme un ensemble d'actions coordonnées sous l'influence d'un projet référé aux court, moyen, long terme.

Notes
243.

SAVALL H., "Reconstruire l'entreprise" , 1979, op. Cit. p. 255.

244.

PERROUX F., "Unités actives et mathématiques nouvelles, révision de la théorie de l'équilibre économique général", Dunod, 1975, 274 p., p. 71.

245.

SAVALL H., "Reconstruire l'entreprise" , 1979, op. cit. p. 37.

246.

PIAGET J., "L'équilibration des structures cognitives, problème central du développement", PUF, 1975, 188 p. Cf. aussi L'épistémologie génétique, PUF, lère édition, Que sais-je n°1399, 1970, 123 p.

247.

LORINO P., "Les deux fonctions du pilotage de l'entreprise : coordination et équilibration", working paper 95041, CERESSEC, 1995,25 p.

248.

PERROUX F., "L'équilibre des unités passives et l'équilibration générale des unités actives", in Revue Economie Appliquée, 3-4, 1978, cité par SAVALL H.," Reconstruire l'entreprise", 1979, op. cit. p. 208.

249.

ZARDET V., "Contribution des systèmes d'information stimulants à l'efficacité de l'entreprise - Cas d'expérimentation", thèse de Doctorat d'Etat es Sciences de Gestion, Université Lumière Lyon 2, 1986, 473 p.+ 390 p. d'annexes, pp. 116-118.

250.

SavallH., "Reconstruire l'entreprise" Analyse socio - économique des conditions de travail, 1979, op. cit.