3.3.2.2 Deuxième enjeu : transformer le système relationnel par la mise en œuvre de nouvelles règles du jeu

La Caisse Nationale d'Assurance Maladie (CNAMTS), relayée par les Caisses Régionales d'Assurance Maladie (CRAM), promouvoit depuis 1987 une politique contractuelle rendue possible par la loi 445 .

Ce nouveau dispositif régulatoire induit de façon implicite de nouvelles règles du jeu.

Cette politique conventionnelle, en rupture avec la régulation juridique hétéronome unilatérale (Sanial J-L., 1993 446 ; Bonhomme C., 1994), existante depuis 1947 dans le champ de la prévention du risque professionnel, modifie profondément notre système relationnel, du fait de sa nature plus procédurale que substantive (Simon H-A.1969 447 ).

Apartir de la négociation des conventions d'objectifs, les organisations professionnelles, au niveau intermédiaire deviennent actrices de droit. La négociation des contrats de prévention facilite l'expression d'une autonomie au niveau local, autonomie revendiquée par les entreprises.

Dans le cadre de la segmentation spatio-temporelle qu'il met en place, ce dispositif juridico-social novateur, introduit une ré-articulation des niveaux de régulation juridique et social qui incite les PME concernées à formuler et à négocier des demandes pouvant sortir du cadre normatif technique habituel.

Enfin, passant d'une organisation de la prévention plus centrée sur son système de mémorisation que sur son système de contrôle (Le Moigne J-L., et BartoliJ-A., 1990 448 ), les acteurs du niveau local (Entreprises, syndicats des salariés, organisations professionnelles, agents des CRAM), deviennent en quelque sorte coproducteurs de règles pour les micro espaces*-temps concernés.

Le rapport de prescription* unilatéral du DRF s'efface pour faire place à un processus d'apprentissage organisationnel, finalité implicite des demandes faites aujourd'hui par les entreprises et souvent concrétisée par la négociation d'un contrat de prévention 449 .

La métaphore de la gestion des carrefours routiers 450 de J-L. Le Moigne , J-A. Bartoli (1990) est parfaitement explicative des changements de comportements des acteurs face à cette perspective nouvelle.

Ces nouvelles règles du jeu transforment le système relationnel traditionnel, et, par voie de conséquences nos missions.

La figure suivante (Bonhomme C., 1995 451 ) nous permet de comparer les traits caractéristiques des deux dispositifs régulatoires et de mesurer les enjeux au plan stratégique et opérationnel pour l'institution et ses agents.

Figure 80 : Les traits distinctifs du Dispositif Régulatoire Fondateur et du Nouveau Dispositif Régulatoire
  Type de dispositif
Traits descriptifs référents Dispositif Régulatoire Fondateur Nouveau Dispositif Régulatoire
Valeur fondatrice Loi Loi cadre - convention - contrats
Forme relationnelle dominante Rapport de prescription unilatéral institution- entreprise (injonction) Rapport de prescription réciproque (négociation)
Mode de régulation Hétéronome unilatéral Autonome négocié
Trait culturel dominant du processus décisionnel Autorité surtout marquée par le couple statut /moyens Autorité surtout marquée par le couple compétences /moyens
Rationalité dominante Substantive Procédurale
Orientation dominante Interne et fonctionnelle (besoins de l'organisation) Externe et opérationnelle (besoins du client)
Univers Compliqué Complexe
Approche Analytique Systémique
Mise en œuvre de l'intelligence des acteurs 452 (compréhension) Non sollicitée à priori Sollicitée à priori
Stratégie et compatibilité des comportements des acteurs individuels et collectifs Aléatoire Recherchée
Caractéristique principale du système d'information Hiérarchique et souvent unilatéral Transversal et multilatéral
Structure pure la plus proche Entreprise structure Entreprise projet
Type de gestion le plus proche Gestion de structures Management projet
Processus de décision Plutôt centralisé Plutôt décentralisé
Processus de coordination Plutôt hiérarchique Plutôt partenarial
Autonomie des acteurs et responsabilité implicite Relativement faible Relativement forte
Notes
445.

Partant de la loi de 1987(op. cit), il s'agit des Conventions d'objectifs négociées pour trois ans entre l'institution sécurité sociale (CNAM et CRAM) et les organisations professionnelles du BTP dans notre cas..

446.

Sanial J-L., "Sécurité sociale et politique contractuelle de sécurité ", Mémoire pour le DEA en économie et sociologie du travail, LEST / CNRS, Aix en Provence, 1993.

447.

Simon H-A "Sciences des systèmes - Sciences de l'artificiel", AFCET Systèmes / Dunod, 1991.

448.

Le Moigne J-L. , Bartoli J-A., "Une nouvelle forme d'organisation; l'organisation de type M", Grasce n° 90, Aix en Provence, 1990.

449.

C'est un contrat d'adhésion à certaines dispositions énoncées dans la convention d'objectifs nationale, spécifique dans notre cas aux activités du bâtiment et des travaux publics signée le 30 Juin 1993, entrée en vigueur le 1er Avril 1993 au plan national renouvelée en 1997.

450.

Nous nous reportons à la métaphore de la gestion des carrefours routiers particulièrement explicative de Le Moigne, Bartoli 1990.

451.

Bonhomme C., 1995, op. cit.

452.

Intelligence au sens défini par le modèle canonique du processus de décision - résolution organisationnelle; processus selon lequel le problème décisionnel est construit Le Moigne J-L., "La modélisation des systèmes complexes", Bordas, Paris, 1990, p. 127.