3.3.3 Enjeux pour la recherche en sciences de gestion

Notre recherche se situe dans le champ de l'ergonomie des organisations. Nous définissons l'ergonomie des organisations comme un ensemble de connaissances scientifiques relatives aux organisations humaines ayant pour but, par l'interaction finalisée des acteurs individuels et collectifs, de rechercher, concevoir, adapter, mettre en œuvre de systèmes organisationnels pertinents en matière réduction des déficits systémiques cindynogènes, donc d'amélioration des condition de travail. L'ergonomie des organisations est à la convergence des sciences de gestion et des sciences du danger, les cindyniques selon l'approche de J-L. Le Moigne (1990 ⁴⁶² ) enrichie par G-Y. Kervern (1991 ⁴⁶³ ).

Ces auteurs nous renvoient au modèle constructiviste du système des sciences, le paradigme positiviste d'Auguste Comte se caractérisant par une classification linéaire et hiérarchique des disciplines que Weaver ⁴⁶⁴ remettait en cause dès 1947 pour son impuissance à intégrer les nouvelles sciences dont celles de l'organisation et de l'information. Le paradigme de l'épistémologie constructiviste s'impose donc à nous puisque "le paradigme positiviste ne permet pas de modéliser de façon pertinente les phénomènes complexes que rencontrent nos sociétés contemporaines"⁴⁶⁵.

Le modèle constructiviste se caractérise par une classification cyclique et spiralée des disciplines ⁴⁶⁶ qui permet à J-L. Le Moigne (1990 ⁴⁶⁷ ) de présenter un modèle constructiviste du système des sciences qui fait l'hypothèse de la genèse des sciences de l'Ingénierie (les nouvelles sciences). G-Y. Kervern a complété ce modèle en positionnant les cindyniques, sciences du danger, à la jonction des sciences de l'ingénierie et des sciences de la vie. Ce modèle (voir figure suivante) nous éclaire sur les domaines d'action possibles en matière de prévention en articulant l'ingénierie comme science, aux autres sciences : les sciences de la vie, les sciences du mouvement et les sciences de la matière.

Partant de ce modèle du système des sciences J-L. Le Moigne a construit une théorie épistémo-génétique explicative de la modélisation systémique en reprenant les paradigmes de la mécanique galiléenne ou mécanique rationnelle, de la mécanique statistique, de la régulation, cybernétique, structuraliste. Nous présentons ci-après le tableau de la genèse du paradigme de la modélisation systémique qui en est la représentation.

Ce tableau nous confirme, comme le fait également G-Y. Kervern (1994 ⁴⁶⁸ ) que la phase "technologique" de la prévention, aujourd'hui à maturité, doit être enrichie par une phase scientifique riche d'incertitude et de promesses, puisque le risque n'existe pas en tant que tel, c'est un construit social. Le risque technique n'existe pas, il est simplement le résultat d'une activité où l'homme est au centre. S'agissant d'opérations de construction considérées comme organisations éphémères évoluant dans un cadre espace temps prédéterminé, l'enjeu pour les sciences de gestion est donc ici l'approfondissement des connaissances et des singularités éventuelles de ce type d'organisations notamment au plan du risque organisationnel.

Quelques courants susceptibles d'alimenter et de porter nos travaux de recherche semblent se dégager de nos approches théorique et contextuelle que nous venons de faire. Nous les présentons succinctement comme leviers d'action potentiels.