4.2.3 Les fondements scientifiques de la recherche du centre

Le refus d'opposer l'économique et le social, c'est l'idée-force qui ressort des hypothèses définies par H. Savall (1978 ⁴⁸⁶ ), dans "Propos d'étape sur la régulation socio-économique de l'entreprise par la recherche de la compatibilité de l'efficience économique et du développement humain".

Ce concept est à la base de l’analyse socio-économique des organisations dont le principal objectif est d’identifier par l'expérimentation les zones et les conditions de compatibilité entre la performance sociale et l'efficacité économique. Ce concept est à la base du management socio-économique qui s'appuie sur une démarche structurée, méthodique et outillée comprenant quatre phases : le diagnostic socio-économique, le projet d'innovation socio-économique, la mise en œuvre, et l'évaluation des résultats

L'approche socio-économique élaborée par le Professeur H. Savall à partir de 1973 et développée avec les chercheurs de l'ISEOR propose un mode de management innovant s'appuyant sur le développement de l'ensemble du potentiel humain des entreprises et des organisations et intégrant la performance sociale et la performance économique.

L'hypothèse fondamentale de l'approche du fonctionnement général des organisations est à la fois d'ordre descriptif, explicatif et prescriptif. Cette hypothèse présente une organisation comme un ensemble de structures et de comportements en interaction et déterminant la qualité de son fonctionnement.

Une organisation est définie comme un ensemble de structures et de comportements, dont l'interaction produit, d'une part, l'orthofonctionnement* (le fonctionnement attendu est équivalent au fonctionnement réel) et, d'autre part, des dysfonctionnements (le fonctionnement réel est différent du fonctionnement attendu).

L'interaction des structures et des comportements, mais aussi des structures entre elles et des comportements entre eux, provoque des dysfonctionnements (hypothèse descriptive), c'est à dire des écarts entre les résultats attendus et les résultats obtenus. Les régulations de ces écarts génèrent des coûts-performances cachés affectant la performance socio-économique de l'entreprise (hypothèse explicative). Il est possible de réduire les dysfonctionnements, et donc les coûts-performances cachés qui en découlent, par des actions de management socio-économique synchronisées portant simultanément sur les structures et les comportements, afin d'améliorer la performance économique et l'efficacité sociale consubstantielles à l'efficience de l'entreprise (hypothèse prescriptive).

Pour mettre en place une gestion socio-économique innovatrice intégrant étroitement la dimension sociale de l'entreprise et sa performance économique, des méthodes et des outils innovants ont été proposés pour un management vivant. Ce mode de management consiste à mettre en place une évolution de l'organisation progressive, structurée, évaluée et adaptée selon trois axes de pilotage présentés ci-après.

Les décisions politiques et stratégiques sont appliquées d'une part, au travers de tactiques et d'un processus de mise en œuvre considérés comme des cycles périodiques de résolution de problèmes et, d'autre part, au moyen de six outils créés, expérimentés, implantés et évalués par l'ISEOR. Concernant l'axe "Tactiques et processus de mise en œuvre", il s'agit d'introduire au sein d'un micro espace une démarche progressive comprenant quatre phases : le diagnostic, le projet, le mise en œuvre et l'évaluation. Cette approche a été largement utilisée au cours de nos travaux.

• Le diagnostic est une phase permettant de mettre à jour les dysfonctionnements et leurs effets économiques. Il est construit de façon à provoquer une réaction dégageant l'énergie nécessaire au changement souhaité. L'objectif de cette première phase est donc de créer un effet stimulant, de "choc culturel".
• Le projet d'amélioration du fonctionnement est une phase de recherche de solutions visant à réduire les dysfonctionnements et leurs effets économiques afin d'augmenter la performance socio-économique de l'entreprise.
• La mise en œuvre du projet d'amélioration socio-économique comprend, d'une part, la programmation de la réalisation des actions et leur budgétisation et, d'autre part, la réalisation effective des actions, contrôlée et évaluée par un audit permanent.
• L'évaluation des actions est réalisée par l'élaboration d'un bilan comparatif des performances sociales et économiques engendrées par le projet mis en œuvre.

Progressivement, au cours de ce processus en quatre phases, une instrumentation peut être réalisée dans le but de créer une base d'information stimulante pour surveiller le fonctionnement de l'organisation et l'évolution de ses dysfonctionnements. Cette instrumentation est composée de six outils stimulants (tous n'ont pas été utilisés lors de nos travaux).

• Le contrat d'activité périodiquement négociable (CAPN) formalise les objectifs prioritaires et les moyens mis à disposition, pour chaque personne de l'entreprise (y compris ouvriers et employés), au travers d'un double dialogue semestriel personnalisé avec le supérieur hiérarchique direct. Il lui est attaché un complément de rémunération substantiel, lié à l'atteinte d'objectifs collectifs, d'équipe et individuels, autofinancé par la baisse des coûts cachés.
• Le plan d'actions prioritaires (PAP) est un inventaire concerté des actions à mener dans un semestre pour réaliser les objectifs prioritaires après arbitrage sur les priorités et test de faisabilité.
• La grille d'auto-analyse du temps (GDT) est la recherche d'une structure plus efficace de l'emploi du temps en développant la programmation individuelle et collective, ainsi que la délégation concertée*.
• La grille de compétences (GQ) est un synoptique permettant de visualiser les compétences effectives disponibles "une équipe et de son organisation. Elle permet d'élaborer un plan de formation intégrée particulièrement bien adapté à chaque personne et aux besoins évolutifs de l'unité.
• Le tableau de bord de pilotage (TDBP) regroupe les indicateurs qualitatifs, quantitatifs ou financiers utilisés par chaque membre de l'encadrement pour piloter concrètement les personnes et les activités de sa zone de responsabilité. Il permet de mesurer, d'évaluer, de suivre la réalisation des actions et de surveiller les paramètres sensibles des activités opérationnelles et stratégiques.
• Le plan d'actions stratégiques internes et externes (PASINTEX) clarifie la stratégie de l'entreprise à 3 ans voire 5 ans, aussi bien vis-à-vis de ses cibles externes (clients, fournisseurs, concurrents, ...etc.) que de ses cibles internes (du PDG à l'employé et ouvrier). Il est réactualisé chaque année pour tenir compte de l'évolution de son environnement externe pertinent.

Ce processus d'implantation socio-économique est régulièrement utilisé et amélioré par les équipes de l'ISEOR.