A- La documentation ecclésiastique

De grandes différences apparaissent entre les fonds d’archives émanant des diverses institutions religieuses, qu’il s’agisse des ordres monastiques, militaires ou des églises cathédrales et des paroisses.

Les archives des églises cathédrales de Vienne, Valence et Viviers, dont relève le diocèse civil de Vivarais, sont globalement mal conservées et ne renferment que quelques rares pièces médiévales. Aucun chartrier ne subsiste pour l’église cathédrale de Viviers. Seuls les travaux des premiers historiens de l’église cathédrale au XVIIè siècle ( 23 ) et un inventaire des pièces détruites à la Révolution ( 24 ), permettent de combler très partiellement cette lacune. L’église de Valence n’a pas non plus conservé ni chartrier, ni cartulaire et les quelques épaves subsistant encore sont particulièrement pauvres, même pour la fin du Moyen Age ( 25 ). Pour leur part, les archives de l’église cathédrale de Vienne ne sont composées que de copies modernes très partielles d’un cartulaire compilé dans le courant du XIIè siècle ( 26 ).

Les archives des églises diocésaines périphériques s’avèrent finalement les plus riches, principalement le chartrier de l’église cathédrale du Puy, largement possessionnée sur toute la Montagne, particulièrement conséquent pour les XIIIè, XIVè et XVè siècles ( 27 ). Plus marginale, l’église cathédrale de Mende a aussi conservé un fonds documentaire relativement important ( 28 ). Par contre, les archives de l’église d’Uzès sont sinistrées, puisqu’il n’en subsiste que quelques liasses essentiellement modernes, fort heureusement partiellement complétées par des inventaires anciens, conservés à l’heure actuelle dans le chartrier d’Uzès ( 29 ).

Les fonds monastiques, hospitaliers, templiers ou canoniaux sont par contre beaucoup plus conséquents et fournissent une documentation, certes de qualité variable, mais généralement abondante. Les archives des abbayes bénédictines ne sont pas les mieux conservées, puisque celles de l’abbaye de Cruas se limitent à quelques liasses modernes. En effet, son chartrier a totalement disparu à une date ancienne, puisqu’au début du XVIIIè siècle il n’est plus à l’abbaye ( 30 ). C’est regrettable car cet établissement, fondé au début du IXè siècle, est dans une région globalement mal documentée par ailleurs. Les archives de moniales de Soyons ont pâti des Guerres de Religion et d’un incendie survenu alors. Ce fonds ne renferme donc qu’un nombre limité de pièces médiévales, les trois premiers siècles de vie de l’abbaye n’étant absolument pas documentés, mais se signale par plusieurs remarquables terriers du XVè siècle ( 31 ). Bien que vellave, l’abbaye de Saint-Chaffre est très largement orientée vers le Vivarais tant par sa situation limitrophe que par l’implantation de ses possessions ( 32 ). Son chartrier, le Liber de reparatione chartarum, composé entre 1084 et 1136, est la source principale, presque unique, d’une large partie du Vivarais avant le milieu du XIIè siècle ( 33 ), auquel il faut associer un modeste chartrier dont les pièces les plus anciennes remontent au XIIIè siècle ( 34 ). Aux archives des abbayes bénédictines locales, il faut ajouter celles de leurs dépendances et celles relevant parfois d’établissements lointains (Cluny, La Chaise-Dieu, Saint-Gilles, Saint-Oyend, Pébrac, etc.). Très limitées, elles ne concernent qu’un nombre restreint de prieurés ( 35 ). Celui de Colombier-le-Cardinal émerge toutefois avec un chartrier fort de plusieurs centaines de pièces, intégré au fonds du couvent des célestins qui lui a succédé ( 36 ).

Les abbayes cisterciennes ont conservé une documentation plus abondante ( 37 ). Outre un chartrier devenant important à compter du XIVè siècle ( 38 ), l’abbaye de Mazan nous a légué l’un de ses trois cartulaires ( 39 ), le liber compositionum, compilé dans la première moitié du XVè siècle et couvrant la période 1197-1451 ( 40 ). Aucun véritable chartrier n’a par contre été conservé pour l’abbaye des Chambons ( 41 ). Néanmoins, un inventaire précis en a été dressé en 1788 par maître de Broa, notaire de Langogne ( 42 ), recensant plus de 700 actes dont ceux contenus dans un cartulaire rédigé à la fin du XIIè siècle ( 43 ), comblant ainsi partiellement les pertes révolutionnaires. Le chartrier de l’abbaye cistercienne d’Aiguebelle, au diocèse de Saint-Paul-Trois-Châteaux, implantée sur le Plateau ( 44 ), a disparu, mais il a fait l’objet d’une tentative de reconstitution livrant de nombreux actes à compter de la fin du XIIè siècle ( 45 ).

Le chartrier de la seule chartreuse vivaroise, Bonnefoy, est avare de documents médiévaux ( 46 ), mais son cartulaire, regroupant 201 actes pratiquement tous antérieurs aux années 1220-1230, constitue, avec celui de l’abbaye de Saint-Chaffre, une base documentaire essentielle pour l’histoire de la Montagne vivaroise avant le milieu du XIIIè siècle ( 47 ).

Les archives des couvents mendiants sont particulièrement peu conséquentes, et souvent postmédiévales. Seul le couvent dominicain d’Aubenas, malgré un chartrier très lacunaire ( 48 ), a conservé un cartulaire. Composé au milieu du XVIIè siècle, il renferme de nombreux actes à compter des années 1270 ( 49 ). Les clarisses d’Annonay ont aussi conservé un fonds important, regroupant plus de deux cents pièces des XIVè et XVè siècles ( 50 ), incontournable pour l’étude de la région d’Annonay. Par contre, les archives des franciscains de Largentière, Annonay, Aubenas et Tournon, ou les carmes de Chomérac, les augustins de La Voulte et les observants de Bourg-Saint-Andéol ne se signalent que par quelques rares pièces.

Les ordres militaires, qu’il s’agisse des templiers ou des hospitaliers, sont bien représentés dans la région, leurs établissements fournissant une documentation abondante débutant pour l’essentiel dès la seconde moitié du XIIè siècle. Le chartrier de la commanderie templière de Jalès ( 51 ) constitue l’un des plus gros fonds documentaire ecclésiastique antérieur au XIVè siècle ( 52 ), auquel il faut associer celui des hospitaliers de Trignan ( 53 ). Le chartrier de la commanderie des hospitaliers de Devesset, pour l’essentiel un peu plus tardif, constitue un fonds majeur pour l’histoire du nord du Vivarais, et principalement des régions d’Annonay, de Tournon et de Saint-Agrève ( 54 ). Marginale, la commanderie de Valence possède un membre en Vivarais, à Grozon, mais il apparaît peu dans les archives de cet établissement ( 55 ). Une autre commanderie extérieure au Vivarais, celle de Palhers, située au sud de la Margeride, possède deux membres vivarois, à Lavilatte et à Aubenas et apporte quelques renseignements ponctuels sur la haute vallée de l’Ardèche ( 56 ).

Parmi les établissements canoniaux, les préceptories antonines d’Aubenas et Annonay ont conservé quelques fragments de chartriers ( 57 ) alors que deux prieurés ruffiens, Bonnevaux ( 58 ), en Uzège, et Valence ( 59 ) ont aussi laissé des fonds significatifs. Ces ensembles sont toutefois sans commune mesure avec le chartrier de la collégiale Saint-Julien de Tournon, fondée en 1316 ( 60 ), qui renferme plus de 500 pièces des XIVè et XVè siècles, constituant l’un des plus gros fonds documentaires vivarois de la fin du Moyen Age ( 61 ). Par contre, le fonds de la collégiale Notre-Dame d’Annonay ( 62 ), peu conséquent, ne nous a apporté que quelques pièces éparses, tout comme les archives de la collégiale Saint-Pierre du Bourg ( 63 ), ces dernières remontant cependant à la seconde moitié du XIIè siècle.

Pour finir, les archives des hôpitaux sont très minces, et seul émerge l’Hôtel-Dieu du Puy dont la fondation est sans doute à placer au XIIè siècle. Son chartrier, remarquablement bien conservé, renferme de nombreuses pièces à compter du milieu du XIIIè siècle ( 64 ).

Le bilan des archives ecclésiastiques et hospitalières est très contrasté. Elles constituent une source presque unique pour la période précédant le milieu du XIIIè siècle, mais les chartriers intégralement conservés ou presque sont rares, les fonds diocésains étant particulièrement sinistrés.

Notes
23.

) Banne (J. de) : Mémoyres des antiquités de l’église de Viviers recherchées par moy J. de Banne, chanoine d’icelle, et de plusieurs autres choses arrivées en divers temps et particulièrement de celles qui se sont passées durant ma vie et Banne (J. de) : Chronologie des évesques de Viviers et encore de ceux qui ont siégé dans la ville d’Aps auparavant que le siège épiscopal fut transféré en cette ville et plusieurs mémoyres touchant l’ancienneté, dotations et privilèges de l’église cathédrale, le tout tiré sur des actes très authentiques. Les deux ouvrages sont restés manuscrits, conservés aux archives diocésaines, mais ils sont microfilmés aux AD 07 (1Mi 4) ; Columbi (J.) : De rebus gestibus episcoporum vivariensium, Lyon, 1648.

24.

) AD 07, Q 499. Cf. André (M.) : « La destruction des archives ecclésiastiques du Vivarais sous la Révolution », art. cité.

25.

) AD 26, 12G pour l’évêché et 15G pour le chapitre cathédral.

26.

) Il a fait l’objet d’une tentative de restitution et de publication. Cf. Chevalier (U.) : Description du cartulaire de Saint-Maurice de Vienne, suivie d’un appendice de chartes, op.cit. et Chartes de l’abbaye de Saint-Maurice de Vienne, de l’abbaye de Léoncel et de l’église de Valence, op. cit.

27.

) AD 43, série G. Un des multiples inventaires d’hommages dressés au XVIIIè siècle a été publié, ce qui en facilite l’accès. Cf. Lascombe (A.) : Répertoire général des hommages des évêques du Puy, op. cit.

28.

) Cf. Boulier-de-Branche (A.) : Feuda gabalorum, op. cit. ; publication d’une enquête réalisée au début du XIVè sur les fiefs de l’évêque et ceux du roi en Gévaudan.

29.

) AN, 265AP 41, 42, 43 et 44. Le plus ancien a été publié cf. Chassin du Guerny (Y.) et Pellet (J.) : Inventaire des archives de l’évêché d’Uzès en 1578, op. cit.

30.

) Dom Durand et Dom Martène : Voyage littéraire de deux religieux bénédictins de la congrégation de Saint-Maur, op. cit., p. 297. Les Archives de l’Ardèche ne conservent que deux maigres dossiers modernes composant la sous-série 2H.

31.

) AD 26, 23H. Cf. Darnaud (O.) : Le site médiéval de Soyons, VI è -XIII è siècles, recherches archéologiques et apports documentaires, op. cit., p. 129-163.

32.

) Sur les églises et les prieurés en possession de Saint-Chaffre en Vivarais, cf. Laffont (P.-Y.) : « L’abbaye de Saint-Chaffre et le Vivarais (Xè-XIIIè siècles) : premier essai de cartographie historique », art. cité.

33.

) Le Liber de reparatione chartarum original a lui-même disparu mais a pu largement être reconstitué grâce à plusieurs copies partielles. Cf. Chevalier (U.) : Cartulaire de l’abbaye de Saint-Chaffre du Monastier, ordre de Saint-Benoit, suivi de la chronique de Saint-Pierre du Puy et d’un appendice de chartes,op. cit. Cf. pour une présentation, toutefois peu critique, Merle-Comby (M.-C.) : « Le cartulaire de Saint-Chaffre du Monastier », art. cité.

34.

) AD 43, 17H. Sur l’état des archives de Saint-Chaffre et leurs tribulations postmédiévales, cf. Framond (M.) de : « Notes sur les archives du Monastier (abbaye, prieurés de Haute-Loire, Ardèche et Lozère) », art. cité.

35.

) On citera Andance (AD 43, 1H 292) ; Arlempdes (AD 43, 1H 295) ; Asperjoc (AD 07, 1J 106) ; Charay (AD 07, 33H, 29J 11) ; Charnas (AD 07, 1J 16) ; Cros de Géorand (AD 43, 87H 1, 1H 297, 1F 71) ; Dompnac (AD 43, 44H 20) ; Goudet (AD 43, G 558 et G 564) ; Issarlès (AD 43, 1H 298) ; Lablachère (AD 43, 91H 1) ; Lachapelle-Graillouse (AD 43,1H 296) ; Macheville (AD 43, 3D) ; Mariac (AD 43, 17H 153) ; Meyras (AD 43, 1H 299) ; Rompon (d’Albigny (P.) : « Inventaire de 1606 », Revue du Vivarais, 1896) ; Saint-Paul-de-Tartas (AD 43, 1H 302 et 303) ; Saint-Front (AD 43, 17H 167) ; Saint-Jean-Roure (AD 07, 66H) ; Saint-Julien-Boutières (AD 43, 17H 155) ; Saint-Julien-d’Orcival (Payard (J.B.) : Cartulaire du prieuré de Saint-Julien-d’Orcival) ; Saint-Julien-du-Serre (AD 07, 67H) ; Saint-Sauveur-en-Rue (Charpin-Feugerolles, Guigue (C.) : Cartulaire du prieuré de St Sauveur en Rue) ; Thueyts (AD 43, 17H 157) ; Ucel (AD 07, 81H) ; Vesseaux (AD 07, 86H 2) ; Veyrines (AD 43, 3D).

36.

) AD 07, 11H. Il n’a fait l’objet d’aucun classement depuis son intégration aux archives, mais un inventaire dressé en 1635 permet une première approche du fonds.

37.

) Cf. Dupraz (D.) : « L’ordre de Cîteaux dans les Archives départementales de l’Ardèche », art. cité.

38.

) AD 07, 3H, 29J 7 ; AD 43, 74H.

39.

) Sur les anciens cartulaires de l’abbaye, cf. Coste (C.) : Enquête sur les sources de l’abbaye de Mazan au Moyen Age, op. cit., p. 122-129 et Coste (C.) : « Le liber compositionum, ou le second cartulaire de l’abbaye de Mazan », art. cité.

40.

) AD 07, 3H 1.

41.

) Signalons toutefois quelques copies modernes d’actes médiévaux, AD 07, 1H.

42.

) AD 48, 6J 1.

43.

) Laffont (P.-Y.) : « Le livre de donations de l’abbaye des Chambons. Analyse d’un cartulaire perdu du XIIè siècle », art. cité.

44.

) Cf. Besson (Ch.) et Michaux (A.-M.) : « Au milieu du XVè siècle, le Goudoulet, seigneurie d’Aiguebelle », art. cité, et Wullschleger (M.) : « Aiguebelle et ses dépendances vivaroises », art. cité.

45.

) de la Croix-Bouton (J.) : Chartes et documents de l’abbaye d’Aiguebelle, op. cit.

46.

) AD 07, 4H et 29J ; AD 43, 66H.

47.

) AD 07, 4H 11. Lemaître (J.-L.) : Cartulaire de la chartreuse de Bonnefoy, op. cit.

48.

) AD 07, 17H.

49.

) AD 07, 17H 1.

50.

) AD 07, 90H.

51.

)AD 13, 56H 2174 à 56H 2360, 56H 4521 à 4563 et enfin 56H 5218 à 56H 5246, cf. Baratier (E.) et Villard (M.) : Archives départementales des Bouches-du-Rhône, répertoire de la série H. 56H : Grand prieuré de Saint-Gilles des hospitaliers de Saint-Jean de Jérusalem.

52.

) Une très faible partie de ce fonds a été analysée et publiée. Cf. Régné (J.) : « Petites annales de la commanderie de Jalès du XIIè siècle à la fin du XVè siècle », art. cité.

53.

) AD 13, 56H 4564 à 56H 4609. Cf. aussi la sélection d’actes publiée dans Régné (J.) : « La commanderie de Trignan », art. cité.

54.

) AD 69, 48H, cf. Guigue (G.), Faure (C.) : Inventaire sommaire des Archives départementales antérieures à 1790. Rhône, archives ecclésiastiques, série H : ordre de Malte, langue d’Auvergne ; AD 07, 105H.

55.

) AD 13, 56H 5108 à 56H 5116  et 56H 5320 à 56H 5322.

56.

) AD 13, 56H 2748 à 56H 2750.

57.

) AD 13, 56H 3814 et 5327 (Annonay) ; 56H 3817 et 5328 (Aubenas) ; 56H 5329 (Tournon).

58.

) AD 07, H 921 et H 922.

59.

) AD 26, 2H. Cf. Chevalier (U.) : Codex diplomaticus ordinis Sancti Rufi Valentiae, op. cit.

60.

) AD 07, G 74.

61.

) AD 07, de G74 à G 437.

62.

) AD 07, de G 26 à G 73.

63.

) Le cartulaire de la collégiale a été publié, cf. Chevalier (U.) : Cartulaire de Saint-Pierre du Bourg-lès-Valence, op. cit.

64.

) AD 43, série H hôtel-Dieu, Cf. Jouanne (R.), Fournier (P.) et Delcambre (E.) : Inventaire sommaire des archives départementales antérieures à 1790, département de la Haute-Loire, série H supplément, archives hospitalières du Puy, op. cit.