C- Les fonds de l’administration royale et des Etats provinciaux

Les XIVè et XVè siècles sont marqués par de nouveaux types de documents issus de la chancellerie royale, ou produits par les Etats provinciaux naissants et par les Parlements.

Pour l’essentiel, les archives de la chancellerie royale forment le Trésor des Chartes ( 92 ). A la fin du Moyen Age, la principale richesse des archives royales ne réside pas dans les Layettes ( 93 ) mais se trouve avant tout dans les registres d’enregistrement, classés par règnes successifs ( 94 ). Les pièces les plus instructives pour nous sont les lettres patentes et les arrêts royaux portant sur des questions commerciales (créations de foires, etc.) et routières (litiges liés aux péages, etc.), ou encore les lettres de rémission délivrées pour des crimes commis par des voyageurs. En outre, nous avons aussi largement exploité les différents catalogues et recueils d’actes, mandements et ordonnances royales publiés aux XVIIIè et XIXè siècles ( 95 ).

Jusqu’au XVIè siècle, la sénéchaussée de Beaucaire, ainsi que les cours bailliagière qui en dépendent, constitue le relais unique de l’administration royale dans la région ( 96 ). Les actes des sénéchaux sont donc de nature à concerner de très nombreux domaines, mais ils ne sont pas de consultation aisée. En effet, le fonds documentaire de la sénéchaussée rassemblé aux archives de la Cour des Comptes de Montpellier en 1690 ( 97 ) a disparu, sans doute au XVIIIè siècle ( 98 ). Ne subsistent donc plus que des épaves de ce fonds, conservées dans plusieurs dépôts ( 99 ). Le Présidial, conseil secondant le sénéchal en matière judiciaire dès le XIIIè siècle, constitue une juridiction royale de premier appel ( 100 ). Néanmoins, l’apport des archives de cette cour est assez maigre, dans la mesure où elles ne sont pas toutes classées et où il n’en existe pas inventaire précis ( 101 ).

Comme la majorité des institutions de la fin du Moyen Age, le Parlement de Toulouse, dans le ressort duquel est intégré le Vivarais, cumule de nombreuses attributions et fonctions, administratives et judiciaires. Ses archives se composent donc de plusieurs fonds complémentaires ( 102 ). L’activité administrative, caractérisée par l’enregistrement d’actes royaux, a laissé deux registres couvrant la période 1358-1500 ( 103 ), alors que les archives de l’activité judiciaire sont constituées de trois parties distinctes : une longue série de registres d’arrêts du Parlement ( 104 ), la série des registres d’audience ( 105 ), et un ensemble de 80000 sacs contenant les pièces des procès et des affaires ayant été examinées par le parlement, pas encore classés à ce jour ( 106 ). Bien que postérieure au Moyen Age, l’administration centrale des Eaux et Forêts, dite « Table de Marbre », a rassemblé des documents anciens lors de la réformation générale des Eaux et Forêts dite « Réformation de Froidour » dans les années 1660-1670. Cette institution relevant du Parlement, ses archives ont été intégrées à la série B des Archives départementales de la Haute-Garonne mais n’ont pas encore fait l’objet d’un classement moderne et sont donc encore accessibles grâce à une série d’inventaires anciens non cotés. De nombreuses affaires concernant le Languedoc ont aussi été traitées au Parlement de Paris, avant la création de celui de Toulouse, pendant les périodes où il n’a pas fonctionné mais aussi très souvent en parallèle avec ce dernier. La situation archivistique du Parlement de Paris est plus simple que pour celui de Toulouse. Les fonds sont entièrement classés et surtout, de nombreuses sections ont été publiées, ou au moins analysées en détail ( 107 ).

L’Intendance de Montpellier, dont dépend la totalité du Vivarais, n’est pas une création médiévale, puisqu’elle n’apparaît qu’au milieu du XVIè siècle ( 108 ). Ses archives apportent cependant de nombreux documents au médiéviste. Tout d’abord, pour traiter un certain nombre d’affaires, les intendants ont dû recourir à des documents probants anciens, conservés sous forme de copies ou d’analyses. De plus, à partir du XVIIè siècle, l’Intendance a eu en charge les questions routières, produisant plusieurs enquêtes sur les tracés des chemins, accompagnées de plans remarquables ( 109 ). Aux archives de l’Intendance, il faut associer celles de la Commission des péages du Conseil d’Etat, fournissant des documents souvent proches. Chargée d’examiner tous les droits de péages et de supprimer ceux qui ne s’appuient pas sur des titres anciens, un dossier a été constitué pour chaque péage levé au milieu du XVIIIè siècle, renfermant les titres présentés par les détenteurs de ces droits ( 110 ). Ces dossiers contiennent ainsi nombre de copies de pièces datant parfois des XIIè ou XIIIè siècles. C’est dans cette série qu’ont été rassemblées de très nombreuses pancartes de péage inconnues par ailleurs ( 111 ).

Parallèlement aux institutions administratives et judiciaires royales, les Etats de Languedoc commencent à se réunir au XIVè siècle, avant que leur existence ne soit confirmée en 1418 ( 112 ). Si leur principale prérogative est fiscale, à compter de la seconde moitié du XVè siècle ils commencent à développer une politique administrative, routière et commerciale ( 113 ). Initialement itinérants, les Etats ne se préoccupent de leurs archives qu’à partir de 1486. Jusqu’à cette date, elles sont dispersées dans tous les dépôts d’archives de l’ancien Languedoc, ce qui ne permet pas d’appréhender aisément l’ensemble de ce fonds documentaire ( 114 ).

En Vivarais, comme en Velay et en Gévaudan, les assemblées dites « d’assiettes », chargées de répartir les impositions au sein de chaque diocèse civil composant le gouvernement de Languedoc, se sont structurées en Etats particuliers. La première réunion des Etats du Vivarais connue est de 1381, mais par analogie avec les Etats voisins qui se structurent pour les mêmes raisons, il est permis de penser qu’ils voient le jour au milieu du XIVè siècle ( 115 ). Les attributions fiscales des Etats sont à l’origine d’une source majeure de l’histoire régionale : les estimes générales réalisées en 1464. Soixante-treize registres d’estimes détaillées couvrant cent cinquante paroisses vivaroises ont été conservés. Paroisse par paroisse, les biens fonciers de chaque contribuable sont déclarés et leur valeur estimée, avant qu’il ne soit fait de même pour une partie des biens mobiliers, les redevances seigneuriales, les charges et les rentes étant scrupuleusement consignées. Les registres détaillés de deux cents paroisses ne nous sont pas parvenus, mais deux registres dits « d’abrégés » synthétisant les données pour l’ensemble du Vivarais comblent partiellement cette lacune ( 116 ).

Les administrations royales et les Etats fournissent une documentation variée, qui sans être la plus abondante, n’en est pas moins incontournable pour l’étude des péages, des tracés routiers ou des foires et marchés.

Notes
92.

) Sur le Trésor des Chartes lui même, cf. Delaborde (H.-F.) : Layettes du Trésor des Chartes, op. cit., t. V, p. I-CCXXIV et sur la série K dite des « Monuments historiques », s’apparentant à un second Trésor des Chartes, cf. la très succincte présentation qui en est faite dans Archives nationales, état général des fonds, t. I, L’Ancien Régime, op. cit., p.  231-232.

93.

) Delaborde (H.-F.) dir. : Layettes du Trésor des Chartes, op. cit.

94.

) AN, JJ 35 à JJ 235. Cf. Glénisson (J.), Guérout (J.), Vallée (A.) et Viard (J.) : Registres du Trésor des Chartes op. cit. Pour le Languedoc, cf. Dossat (Y.), Lemasson (A.-M.), Wolff (Ph.) : Le Languedoc et le Rouergue dans le Trésor des Chartes, op. cit.

95.

) Entre autres : Delisle (L.) : Mandements et actes divers de Charles V (1364-1380), op. cit. ; Ordonnances des Rois de France, op. cit. ; etc.

96.

) Sablou (J.) : Introduction à Caramel (A.) : Actes royaux des archives de l’Hérault..., op. cit., p. 4.

97.

) Martin-Chabot (E.) : Les archives de la cour des comptes aides et finances de Montpellier, op. cit., p. IV.

98.

) Sablou (J.) : Introduction à l’ouvrage de Caramel (A.) : Actes royaux des archives de l’Hérault..., op. cit., p. 4.

99.

) On retrouve des archives de la sénéchaussée aux :

- AD 30, A 1 à A 12 : registres d’analyses d’hommages, aveux et dénombrements dressés au XVIIè siècle ;

- AD 34, A 1 à A 16 : registres de lettres patentes copiées au XVIIè siècle ;

- AD 34, A 17, A 18, A 19, A 46 et A 50 : registres des arrêts et ordonnances du sénéchal ;

- AD 34, A 238 : registre de copies réalisées au XVIIè siècle par Dom Pacotte ;

- AD 34, anciennes côtes B 8, B 456 et B 457 : registres d’hommages au sénéchal ;

- B.N.F., Mss latins 11016 et 11017 : registres d’enregistrement ;

- BM de Nîmes, Ms 455 : recueil d’hommages au sénéchal.

Un catalogue général de actes des sénéchaux ouvrirait l’accès à une documentation souvent insoupçonnée. Nous en avons déjà deux exemples significatifs pour le XIIIè siècle : Michel (R.) : L’administration royale ..., op. cit., p. 347-370 et Martin-Chabot (E.) : Les archives de la cour des comptes aides et finances de Montpellier, op. cit., p. 1-60.

100.

) Dognon (P.) : Les institutions politiques et administratives du pays de Languedoc du XIII è siècle aux guerres de religions, op. cit., p. 336-337.

101.

) AD 30, 1B. Cf. Gouron (M.) : Répertoire numérique dactylographié de la série B, généralités, registres du conseil, plumitifs et pièces antérieures à 1700, 1B 1 à 1B 2888, op. cit. Plusieurs dizaines de mètres linéaires restent encore à classer.

102.

) Cf. Aubry (M.-Th.) et alii : « Les archives des parlements », art. cité, p. 142-143.

103.

) AD 31, B 1899 à B 1900 pour les registres médiévaux. Cf. Moudenc (J.) : Inventaire sommaire des archives départementales antérieures à 1790, Haute-Garonne, archives civiles, série B, Parlement de Toulouse, op. cit., t. IV, p. 1-23.

104.

) AN , X1A 9808 ; AD 31, 51B 1 et 51B 2 ; AD 31, 2Mi 511 et 513 ; AD 31, B 1 à B 11. Cf. Roques (Ch.) : Inventaire sommaire des archives départementales antérieures à 1790, Haute-Garonne, archives civiles, série B, n°1 à 92 N, op. cit., p. 1-92, complété par Moudenc (J.) : Inventaire sommaire des archives départementales antérieures à 1790, Haute Garonne, archives civiles, série B ,t. I : n°1 à 92 N, table des matières, op. cit.

105.

) AD 31, B 2297 à B 2330.

106.

) Pour l’heure, seuls un peu plus de 7000 sacs sur les 80000 ont été partiellement répertoriés. Cf. Cau (Ch.) et alii : Répertoire chronologique et index topographique manuscrit des sacs à procès. Ils portent cependant pour l’essentiel sur les XVIIè et XVIIIè siècles.

107.

) Principalement :

- Boutaric (E.) : Actes du parlement de Paris, première série : de l’an 1254 à l’an 1328, op. cit.

- Furgeot (H.) : Inventaire des actes du Parlement de Paris. Deuxième série, jugés (1328-1350), op. cit.

- Labat-Poussin (B.), Langlois (M.) et Lanhers (Y.) : Actes du parlement de Paris. Parlement criminel. Règne de Philippe VI de Valois, inventaire analytique des registres X 2A 2 à 5, op. cit.

- Lanhers (Y.) et Langlois (M.) : Confessions et jugements de criminels au Parlement de Paris (1319-1350), éditions de textes, op. cit.

- Stein (H.) : Inventaire analytique des ordonnances enregistrées au Parlement de Paris jusqu’à la mort de Louis XII, op. cit.

- Clémencet (S.), François (M.) : Lettres reçues ou envoyées par le Parlement de Paris, 1376-1596, op. cit.

108.

) Dognon (P.) : Les institutions politiques et administratives du pays de Languedoc du XIII è siècle aux guerres de religions, op. cit., p. 426-428.

109.

) Selon le principe archivistique du respect des fonds, les archives de l’Intendance de Montpellier n’auraient pas dû échoir ailleurs qu’aux Archives départementales de l’Hérault. Il a toutefois été procédé à une répartition partielle entre les départements lors de leur création.

- AD 34, C 1 à C 5811. Cf. Thomas (E.), La Cour de La Pijardière (L.), Berthélé (J.) et Gouron (M.) : Inventaire sommaire des archives départementales antérieures à 1790, Hérault, Archives civiles, série C Intendance de Languedoc, op. cit., ainsi que l’inventaire manuscrit des plans de la série C, l’introduction générale dactylographiée de la série et l’index sur fiches, qui tous trois complètent les 5 volumes imprimés.

- AD 07, C 1 à C 184. Cf. Mamarot (M.) : Inventaire sommaire des archives départementales antérieures à 1790, Ardèche, archives civiles, séries A, B, C, D, op. cit., p. 1-17.

110.

) Cf. Les Archives Nationales, état général des fonds. t. I : L’ancien régime, op. cit., p. 141-142.

111.

) AN, H4. Cf. Petit (J.) : Index manuscrit des noms géographiques de la série H 4, op. cit.

112.

) Gilles (H.) : Les états de Languedoc au XV è siècle, op. cit., p. 23-32.

113.

) Ibidem, p. 217 et ss.

114.

) Pour la localisation précise des fonds, cf. Gilles (H.) : Les états de Languedoc au XV è siècle, op. cit., p. 11-12, 162-163 et 287-292.

115.

) Le Sourd (A.) : Essai sur les Etats du Vivarais depuis leurs origines, op. cit., p. 40-41.

116.

) AD 07 ; registre sommaire, C 557 ; registres d’abrégés : C 558 et 559 ; registres détaillés : C 560 à C 628.