A- Les mentions textuelles directes

Dès le XIè siècle, les textes nous apportent des mentions précises de routes, l’apparition des terriers au milieu du XIVè siècle et leur multiplication au XVè siècle, fournissant alors une documentation riche d’enseignements et globalement assez bien répartie sur le territoire étudié. Les routes mentionnées dans ces documents le sont le plus souvent comme confronts des parcelles, ou des biens et des droits, dont il est question dans l’acte. Ce sont ces mentions qui renseignent le plus exactement sur la topographie des itinéraires et leur chronologie. En effet, les routes y sont signalées à un moment donné, en des lieux qu’il est encore le plus souvent possible de localiser. Il faut toutefois prendre garde à quelques points précis avant de les exploiter.

Le principal problème posé par l’exploitation des mentions directes de chemins est celui de l’importance de l’itinéraire indiqué dans l’acte. En effet, nombreuses sont les parcelles confrontées par de modestes voies locales ne reliant que le village aux champs ou encore deux paroisses proches entre elles. Dans ces conditions, il faut bien veiller à ne considérer que les mentions portant explicitement sur les principaux itinéraires. Ils sont généralement désignés par une origine et une destination lointaines, par exemple « la route de Valence au Puy », laissant présager que nous avons bien affaire à un trafic dépassant le cadre des circulations locales, celles-ci n’entrant pas dans le cadre de notre travail. Nous n’avons donc pas retenu, sauf cas exceptionnels, les références à des chemins indiqués comme reliant deux localités proches ou voisines.

Afin de sélectionner les seuls axes importants, une approche lexicologique peut paraître séduisante, considérant que les termes employés dans les terriers de la fin du Moyen Age sont le reflet plus ou moins direct de l’importance de l’axe ( 139 ). Une strata serait ainsi plus importante qu’une via et a fortiori, encore plus qu’un modeste caminus ou qu’un simple itinere, pour ne s’en tenir qu’aux principaux termes utilisés. Nous verrons plus loin que si cette approche lexicologique est globalement valable pour la période XIè-XIIè siècle, elle est au contraire sujette à caution voir largement inopérante aux trois derniers siècles du Moyen Age. Il faut donc se garder de tout jugement hâtif en la matière ( 140 ).

A ces quelques noms désignant la route, s’ajoutent parfois des qualificatifs apportant des précisions sur son statut (itinere regio) ou sur sa topographie (via recta par exemple). A l’inverse des flottements lexicologiques constatés dans les termes désignant la route, les qualificatifs d’usage, indiquant le trafic dominant qui emprunte le chemin ou son statut, sont les plus précis et ont été systématiquement retenus comme éléments probants de l’importance des axes routiers. Il en va ainsi de la via mercaderia ou encore de tout iter romeum ou itinere regio mais de telles mentions sont rarissimes, surtout en matière de pèlerinage.

Divers autres problèmes se posent évidemment, mais ils ne sont pas spécifiques à l’identification des itinéraires routiers et relèvent de l’exploitation des actes médiévaux en général ( 141 ). De ce fait, nous ne les aborderons donc pas ici.

A ces très nombreuses mentions de chemins glanées au travers des actes de la pratique, ajoutons quelques indications tirées de récits hagiographiques, de guides, de comptes rendus ou de comptes de voyages. Citons rapidement ici les principaux textes exploités.

A tout seigneur tout honneur, mentionnons le plus ancien, César, qui lors de la guerre des Gaules traverse le Vivarais pour se rendre en pays Arverne et nous relate son passage des Cévennes dans la région d’Aubenas ( 142 ). Chronologiquement intervient ensuite la vita de Saint-Agrève, évêque du Puy au VIIè siècle qu’une tradition hagiographique tardive fait passer en Vivarais au retour d’un voyage à Rome ( 143 ). Le Charroi de Nîmes, une chanson de geste du XIIè siècle, fait pour sa part une courte allusion au chemin de Régordane traversant le Vivarais dans sa partie occidentale ( 144 ). Rappelons aussi les écrits de Jean Buridan, se rendant à Avignon par le même chemin de Régordane au XIVè siècle ( 145 ). Après 1350, ces récits perdent de l’importance face aux actes de la pratique et ont alors été exploités, non plus pour établir le tracé d’un itinéraire, mais pour étudier la vie des voyageurs, thèmes que nous aborderons ultérieurement.

Toutes les autres sources utilisées, comme les cartes et les cadastres, sont postérieures au Moyen Age et ne constituent que des compléments à celles déjà présentées.

Notes
139.

) Sur la multitude des dénominations d’itinéraires et leurs aspects linguistiques, cf. Gilles-Guibert (M.) : « Noms des routes et des chemins dans le midi de la France au Moyen Age », art. cité.

140.

) Cf. infra, p. 334-339.

141.

) Problèmes de datation, actes faux ou interpolés...

142.

) César : De bello gallico, op. cit..

143.

) Fayard (A.) : Saint-Agrève, apôtre des Boutières, op. cit..

144.

) Perrier (J.-L.) : Le charroi de Nîmes; chanson de geste du XII è siècle, op. cit..

145.

) Faral (E.) : Jean Buridan..., op. cit..