a- La route de la vallée du Doux, de Tournon au Puy

Quittant le sillon rhodanien au niveau de Tournon, cette route gagne Le Puy en longeant la vallée du Doux. Passant par Boucieu puis Lamastre, elle gagne ensuite Désaignes et Saint-Agrève, avant d’entrer en Velay au niveau de Mars. De là, elle continue par Saint-Julien-Chapteuil et Brives jusqu’au Puy ( 280 ).

La route est incontestablement importante, ce dont témoigne le nombre de péages qui portent sur le trafic l’empruntant. Ainsi, sur la seule section vivaroise du tracé, le premier péage est localisé à Tournon ( 281 ), puis il s’en prélève un dans le mandement de Saint-Romain ( 282 ), probablement perçu à Boucieu. Ensuite la route est taxée à Lamastre ( 283 ) et à Retourtour ( 284 ), puis Saint-Agrève ( 285 ). En Velay, le château de Montusclat ( 286 ) prélève aussi un péage, puis la route arrive à proximité du Puy où se lève le péage de Brives ( 287 ). Seuls les châteaux de Désaignes, Montréal et Fay ne semblent pas prélever de péage, mais les connaissances sur ces derniers sont lacunaires du fait d’une documentation assez réduite. Notons cependant que Désaignes appartient au même lignage que Retourtour, de même pour Montréal et Saint-Agrève. Il se pourrait donc que nous soyons dans la configuration observée en d’autres lieux où seul un château par famille et par itinéraire est péager, les droits attachés aux autres sites y étant transférés pour des raisons pratiques.

Notons aussi qu’aux cours des deux derniers siècles du Moyen Age, cette route est très souvent qualifiée d’iter regium ou d’itinere publico regio ou encore de « route de Tournon au Puy » ( 288 ).

Bien qu’étant l’une des plus importantes du Vivarais, cette route n’atteint manifestement pas le degré de développement de celles que nous venons de décrire et ne peut compter au nombre des axes majeurs. En effet, si elle joue un rôle primordial dans les relations entre Velay et sillon rhodanien, il est difficile de savoir si les circulations l’empruntant dépassent ce cadre interrégional. Quelques indices le laisseraient penser sans pouvoir cependant l’assurer, mais la prudence nous conseille de ne pas en surestimer le développement. Tout d’abord, remarquons que le port de Tournon est, aux yeux des marchands dauphinois interrogés sur leurs activités en 1514, le meilleur du Rhône moyen, où ils traversent de préférence lorsqu’ils se rendent en Velay et en Auvergne ( 289 ). En outre, non loin de Tain-Tournon, plusieurs routes alpines débouchent dans le sillon rhodanien, axes qui peuvent drainer des circulations en direction de l’Italie via Grenoble ( 290 ). Au XVè siècle, la vallée du Doux pourrait d’ailleurs être le chemin normal pour se rendre du Puy en Italie. C’est en effet ce qui ressort de l’étude de la Vita Agripani. Cette dernière nous apprend que le saint évêque du Puy du VIIè siècle aurait été martyrisé à Saint-Agrève, alors Chiniacum, au retour d’un voyage à Rome. Néanmoins, si son martyr ne semble pas devoir être remis en cause, il faut reconsidérer la question du voyage à Rome. Il apparaît en effet que ce dernier est le fruit d’une interpolation du XVè siècle, l’église cathédrale du Puy cherchant alors à justifier la présence de leur illustre évêque hors de son diocèse. Il est révélateur que cette explication ait été trouvée, montrant par là même que la route de la vallée du Doux est l’axe normal pour se rendre du Velay en Italie ( 291 ). Néanmoins, cet indice est faible, ne permettant pas à lui seul d’affirmer que la route de Tournon au Puy est un axe majeur.

Notes
280.

) Cf. t. II, p 92-111.

281.

) Chevalier (U.) : Cartulaire de l’abbaye Notre-Dame de Léoncel au diocèse de Die, ordre de Citeaux, op. cit., n°LIX.

282.

) Poncer (J.-A.) : Mémoires historiques sur le Vivarais, op. cit., vol. 1, p. 58.

283.

) AN, 513AP 14.

284.

) AD 07, C 196.

285.

) AD 38, B 3894.

286.

) AD 07, 29J 4, n°5.

287.

AD 43, 1J 523.

288.

) AD 43, 17H 24, n°8.

289.

) AM Romans, CC 472, f°280.

290.

) Sclafert (M.-Th.) : Le Haut-Dauphiné au Moyen Age, op. cit., p. 729-730.

291.

) Sur le texte de la Vita Agripani et les problèmes qu’il pose, de même que sur saint Agrève lui-même, nous renvoyons à l’étude la plus aboutie qui en ait été faite. Cf. Fayard (A.) : Saint Agrève évêque du Puy et apôtre des Boutières, op. cit.