d- La route de Privas à Alès

On peut suivre cette route, se dirigeant vers Aubenas par le col de l’Escrinet depuis Privas. Passé Aubenas, elle gagne Joyeuse en passant par Lachapelle-sous-Aubenas, Uzer et Rosières. De là, une première branche rejoint directement Saint-Ambroix par Beaulieu, alors qu’une seconde va aussi à Saint-Ambroix mais par Les Vans. A partir de Saint-Ambroix, elle gagne directement Alès par Rousson ( 312 ).

Cet axe n’est pas clairement identifié de bout en bout dans la documentation médiévale mais il y apparaît par tronçons, jalonné par les localités importantes du Bas-Vivarais. Ainsi, on le trouve qualifié en 1414 de route d’Aubenas à Joyeuse ( 313 ), en 1394, de route des Vans à Saint-Ambroix ( 314 ), en 1406 de route d’Alès ( 315 ), ou encore en 1270 de route d’Alès à Joyeuse ( 316 ). Néanmoins, plusieurs facteurs nous poussent à le retenir parmi les axes importants, au moins sur la section Aubenas-Alès. Tout d’abord, sa situation géographique en fait un axe privilégié pour relier le nord de la vallée du Rhône au Bas-Languedoc. En effet, elle représente un trajet sensiblement plus court, épargnant de l’ordre de 50 à 60 kilomètres au voyageur se rendant de Valence à Montpellier. Cette solution a cependant contre elle le fait de ne pas passer à Avignon, mais si la cour pontificale attire effectivement beaucoup de monde, il ne faut pas pour autant étendre son influence sur toutes les catégories de voyageurs. De plus, la route de Privas à Alès s’apparente à une rocade sur laquelle se greffent de nombreux axes traversant les Cévennes, ce qui lui amène un trafic certain. Ainsi, lorsque la population de Saint-Laurent-les-Bains remarque en 1434 que leur village est sur la grande route « de Montpellier au marchez de France » ( 317 ), il faut comprendre que les marchands se rendant vers le sud empruntent la route des Cévennes par Saint-Laurent, Peyre et Les Vans ou Joyeuse et qu’ensuite, ils cheminent par la route de Privas à Alès qui se poursuit jusqu’à Montpellier ( 318 ). De même, la route de la haute vallée de l’Ardèche par Montpezat et Aubenas qui arrive du Puy conduit, comme nous l’avons expliqué, jusqu’à Viviers, mais il est plus simple pour se rendre à Nîmes, Montpellier ou en un quelconque port languedocien, de longer le pied des Cévennes par Joyeuse et Alès. On peut donc avancer que la route de Privas à Alès, et au-delà à Montpellier, connaît probablement un essor à partir du milieu du XIVè siècle, contrecoup de celui de la route de la haute vallée de l’Ardèche. Le rôle de « rocade » collectant le trafic issu des vallées cévenoles est d’ailleurs confirmé en 1424 lorsqu’un convoi de contrebandiers rouerguats descend la vallée de l’Ardèche jusqu’à Aubenas, avant d’emprunter la route du pied des Cévennes jusqu’à Privas et au Pouzin afin de rejoindre le sillon rhodanien ( 319 ). Par certains aspects du trafic qui l’emprunte, cet axe pourrait donc s’apparenter à un axe majeur tel que nous les avons définis. Néanmoins, il ne peut nullement prétendre rivaliser avec le sillon rhodanien ou le chemin de Régordane qui lui sont parallèles et, sans doute, sert-il avant tout au trafic entre Uzège, Bas-Vivarais et Velay.

Notes
312.

) Cf. t. II, p. 388-413.

313.

) AD 07, 2E 32, f°37r°.

314.

) AD 07, 2E (MJ) 7, f°32.

315.

) AD 34, 2E 96/1, f°41.

316.

) AD 13, 56H 5231 (vidimus de 1445), AD 13, 56H 5219 (original).

317.

) AD 34, A 10, f°267v°.

318.

) AD 34, A 10, f°267v°.

319.

) Bautier (R.-H.) : « Marchands, voituriers et contrebandiers du Rouergue et de l’Auvergne. Trafics clandestins d’argent par le Dauphiné vers les foires de Genève (1424) », art. cité, p. 677.