Conclusion de la deuxième partie

Constitué de sentiers plus que de routes, de pentes abruptes plus que de longues rampes, ce réseau est le domaine exclusif du mulet, rejetant le charroi à la périphérie, comme dans le sillon rhodanien où il apparaît timidement. Les modernistes qui se sont penchés sur le réseau routier vivarois des XVIIè et XVIIIè siècles ont rapidement conclu à sa très mauvaise qualité : routes sinueuses et pentues, passages en escaliers, ponts trop étroits, etc. constituent à leurs yeux le signe d’un sous-développement routier certain, allant jusqu’à retenir comme caractéristique « la ténuité du réseau d’échange » et « l’enclavement du Vivarais » ( 861 ). S’il ne fait pas de doute que le réseau routier du début du XVIIIè siècle, héritier direct des axes médiévaux, n’est plus adapté à des besoins nouveaux liés au roulage, ce n’est pas le cas aux siècles précédents. Une route devant être jugée par rapport au trafic qu’elle supporte, l’adéquation est justement complète entre les modestes sentiers vivarois et les caravanes de mulets qui les empruntent. Une telle permanence du réseau routier médiéval jusqu’à l’avènement du roulage se rencontre d’ailleurs en d’autres régions du Massif Central tel le Rouergue, preuve qu’il était encore très bien adapté aux conditions de transport jusqu’à cette révolution technique ( 862 ).

La présence de nombreux établissements hospitaliers isolés, auxquels succèdent des auberges à la fin du Moyen Age, ne correspond pas non plus aux descriptions misérabilistes. Ces points d’accueil jalonnent régulièrement la totalité des axes importants, surtout ceux traversant les régions inhospitalières, et constituent au contraire la preuve directe de la qualité du réseau routier. A la fin du Moyen Age, il est possible de traverser le Vivarais sans risquer de ne pas trouver d’hébergement, même sur les crêtes isolées battues par les vents.

Reste maintenant à comprendre pourquoi ce dense réseau routier est polarisé selon un axe est-ouest, et ce que transportent les centaines de mulets qui l’empruntent.

Notes
861.

) Molinier (A.) : « Voies de communication et moyens de locomotion en Vivarais à l’époque moderne et jusqu’en 1750 », art. cité, p. 85.

862.

) Bousquet (J.) : « Les premiers textes concernant les hôpitaux en Rouergue, essai d’interprétation », art. cité, p. 121, note 67.