L’élevage ovin laïc

A la fin du Moyen Age, les moutons ont conquis les Cévennes : ils sont présents dans plus de 90 % des foyers ruraux estimés en 1464, alors que seulement 20 à 30 % détiennent des bovins. Beaumont constitue même un cas extrême, où seuls 6 % des feux déclarent des bovins contre 91 % détenant des ovins. Sur une paroisse comme Sablières, 2317 ovicaprinés sont déclarés en 1464, 1528 le sont à Beaumont, 1294 à Rocles, 1015 à Saint-Mélany ou encore 947 à Thines ( 1123 ). Le Bas-Vivarais calcaire est aussi une région où les ovins sont bien implantés : 50 à 70% des feux en possèdent. Tout comme dans les Cévennes, en 1464, le cheptel de certaines paroisses dépasse mille têtes. Ainsi, les déclarant de Balazuc signalent 1344 ovins et ceux de Vogüé 1059 têtes ( 1124 ). Les troupeaux paroissiaux moyens sont plus réduits et s’établissent généralement entre 300 et 500 têtes. Même en Haut-Vivarais, où les dispositions naturelles sont pourtant favorables à l’élevage bovin, les ovins dominent. Dans le triangle formé par les paroisses de Vaudevant, Saint-Jeure-d’Andaure et Bosas, 70% des feux déclarent posséder des ovins et des caprins, alors que seulement 20% détiennent des bovins ( 1125 ). La Montagne est, comme nous l’avons expliqué, la seule région où les bovins dominent. Parallèlement, notons aussi qu’en 1464, la région du Bas-Vivarais où le cheptel est le plus réduit est celle qui, d’Aubenas aux Vans, connaît un essor important de la viticulture, les ceps et les dents des moutons ne faisant pas bon ménage ( 1126 ).

La part importante tenue par les ovicaprinés dans l’élevage en 1464 ne doit pas faire illusion : c’est avant tout un élevage à vocation familiale, la majeure partie des troupeaux ne dépassant pas une vingtaine de têtes. Ainsi, le troupeau moyen de la région de Saint-Félicien se compose de neuf ovins et quatre caprins ( 1127 ). De ce point de vue, la situation est différente en Bas-Vivarais. Si l’essentiel des feux ne possède que quelques têtes en 1464, plusieurs personnes peuvent paraître relativement spécialisées dans l’élevage ovin. Leurs troupeaux dépassent la cinquantaine de têtes, et parfois même la centaine, comme dans plusieurs paroisses de la dépression de la vallée de l’Ardèche, d’Aubenas à Vallon, et des Gras. Sur la paroisse de Balazuc, six éleveurs se partagent 75 % des 1344 têtes déclarées aux estimateurs. Il en est de même à Vogüé, où sept éleveurs regroupent à eux seuls 72 % des 1059 têtes de la paroisse. Sur les paroisses de Vogüé, Balazuc et Pradons, le troupeau moyen de ces éleveurs s’établit respectivement à 109, 165 et 113 têtes ( 1128 ). En 1310, un éleveur de Villeneuve-de-Berg possède à lui seul plus de 300 moutons, que le seigneur de Vogüé lui confisque après les avoir trouvés dans ses devès ( 1129 ). Si, en 1464, quelques éleveurs possèdent des cheptels suffisamment grands pour que l’on puisse les considérer comme des troupeaux à vocation commerciale, aucun ne peut soutenir la comparaison avec les grands éleveurs bastidans de la région aixoise ( 1130 ) ou les gros propriétaires arlatans ( 1131 ), qui possèdent des troupeaux forts de plus de 500 têtes, dépassant souvent même le millier.

Notes
1123.

) AD 07, C 605.

1124.

) AD 07, C 582.

1125.

) Foriel-Destezet (C.) : « Etat économique et social de sept paroisses rurales du Haut-Vivarais d’après un registre d’estimes de 1464 », art. cité, p. 179.

1126.

) Farcis (D.) : Etude sur le Bas-Vivarais d’après les Estimes de 1464, op. cit., p. 178. L’auteur qui signale le faible nombre de têtes élevées dans ce secteur ne l’explique toutefois pas et ne le rapproche pas de la présence massive de la vigne.

1127.

) Foriel-Destezet (C.) : « Etat économique et social de sept paroisses rurales du Haut-Vivarais d’après un registre d’estimes de 1464 », art. cité,p. 179.

1128.

) Données calculées à partir du relevé brut fourni par Farcis (D.) : Etude sur le Bas-Vivarais d’après les Estimes de 1464, op. cit., p. 177-178.

1129.

) Vogüé (E.-M.) de : Une famille vivaroise, op. cit., t. I, preuve 18.

1130.

) Coulet (N.) : Aix-en-Provence, espace et relations d’une capitale (milieu XIV è siècle, milieu XV è siècle), op. cit., t. I, p. 198-199.

1131.

) Stouff (L.) : Arles à la fin du Moyen Age, op. cit., t. I, p. 448-449.