Il est incontestable que l’élevage ovin ecclésiastique dépasse en importance l’élevage laïc : une dizaine d’établissements, quel que soit leur ordre, s’y livrent, et rassemblent des troupeaux importants à l’échelle de la région.
Nous ne possédons aucune donnée chiffrée sur l’importance de son cheptel, mais l’attention apportée à la transhumance, à l’obtention de pâturages d’hiver et d’été, et à ce que les établissements voisins ne viennent pas perturber son organisation, témoignent à eux seuls de l’importance de ses troupeaux. L’abbaye de Mazan pratique la transhumance inverse, faisant estiver ses troupeaux sur ses propres terres, sur le Plateau. Extrêmement nombreux, nous ne rapporterons pas ici tous les litiges, transactions et compromis ayant abouti à la délimitation des espaces de transhumance de l’abbaye, mais nous retiendrons les principaux, permettant d’en tracer les contours généraux. Le coeur de l’espace d’estive est centré sur l’abbaye qui possède un vaste domaine pastoral aux sources de l’Ardèche, sur la vallée de la Veradeyre et sur la haute vallée de la Loire ( 1132 ). A son sujet, elle est en conflit presque permanent avec les chartreux de Bonnefoy au nord, comme en 1199 ( 1133 ) ou en 1205 ( 1134 ), et avec les cisterciens d’Aiguebelle à l’est, conflit qui débouche parfois sur des engagements violents, comme en 1215 ( 1135 ). A l’ouest, l’abbaye de Mazan se heurte aux prétentions de l’abbaye de Saint-Chaffre, avec laquelle les conflits ne semblent pas atteindre la violence de ceux connus avec Aiguebelle. L’abbaye possède aussi des droits de dépaissance au pied du mont Mézenc, sur la paroisse de Saint-Front, au sujet desquels elle transige en 1210 avec l’abbaye de Saint-Chaffre ( 1136 ), mais aussi encore plus au nord, dans le mandement de Beaudiner ( 1137 ).
Les pâturages d’hiver de Mazan sont tous situés dans une zone homogène au pied sud du Coiron. Ils sont centrés sur sa grange de Berg, acquise au XIIè siècle, et où la pratique de la dépaissance est attestée dès 1200 ( 1138 ). En outre, alors que les terres de Berg ne semblent pas suffir à accueillir tous les troupeaux mazanais, l’abbaye se fait concéder des droits de pâture dans de nombreuses seigneuries des environs, comme en 1202 à Alba ( 1139 ), 1220 à Saint-Laurent-sous-Coiron ( 1140 ), 1226 à Mirabel ( 1141 ), 1233 à Alba ( 1142 ), 1234 à Saint-Germain et Vogüé ( 1143 ), 1246 ( 1144 ) et 1255 ( 1145 ) à Alba, ou en 1310 à Saint-Laurent-sous-Coiron ( 1146 ). La zone d’estive de l’abbaye de Mazan constitue donc à la fin du XIIIè siècle une bande d’une dizaine de kilomètres de largeur du nord au sud, sur vingt-cinq environ d’est en ouest, au contact du Bas-Vivarais calcaire et du Coiron.
) Les limites de cet espace pastoral sont globalement confirmées en 1245, cf. AD 07, 3 H 1, f°208.
) Lemaître (J.-L.) : Cartulaire de la chartreuse de Bonnefoy, op. cit., p. 117, n°135.
) Ibidem., p. 27, n°19.
) Chartes et documents de l’abbaye de Notre-Dame d’Aiguebelle, op. cit., t. I, p. 182, n°44.
) AD 07, 29J 7, pièce n°3.
) AD 07, 3 H 1, f°136-137v°.
) AD 07, 2E 2195 bis, f°686.
) Columbi (J.) : Opuscula varia, op. cit., p. 560.
) Galia Christiana Novissima, op. cit., t. XVI col. 599.
) Galia Christiana Novissima, op. cit., t. XVI, col. 599.
) Columbi (J.) : Opuscula varia, op. cit., p. 560.
) Vogüé (E.-M. de) : Une famille Vivaroise..., op. cit., P.J. n°Vbis.
) Columbi (J.) : Opuscula varia, op. cit., p. 561.
) AD 07, 2 E 2195 bis, f° 686.
) BNF, coll. Chérin, vol. 204, f°2.