Le poisson

Si la consommation de poisson de rivière est bien attestée dans la documentation vivaroise, qu’il s’agisse des lamproies et autres gros poissons rhodaniens que l’on rencontre à de nombreuses reprises dans la documentation ( 1473 ), où des produits des lacs et des rivières de montagne ( 1474 ), le poisson de mer est aussi présent. Ainsi, le cartulaire-chronique de l’abbaye de Saint-Chaffre, présentant le fonctionnement de cet établissement à fin XIè siècle ou au début XIIè siècle, nous apprend que l’approvisionnement en poisson de mer est du ressort du cellérier, ce dernier ayant droit de prendre sur les revenus de l’abbaye les sommes nécessaires à son voyage jusqu’en bord de mer. Le legs d’une rente d’une saumée de poisson salé consenti par Guilhem VIII, seigneur de Montpellier, à la chartreuse de Bonnefoy, en 1204, confirme l’existence de courants d’échange en la matière ( 1475 ). Certes, il ne s’agit pas directement ici d’une transaction commerciale, mais est-il pensable qu’une telle libéralité ait été concédée sans que l’usage de transporter du poisson salé aussi loin du bord de mer, dès le début du XIIIè siècle ait existé ? On peut en douter.

Par la suite, plusieurs tarifs de péages vivarois attestent clairement de l’existence de tels courants commerciaux. Ainsi, le poisson de mer salé est-il clairement taxé à six des dix péages pour lesquels on a conservé un tarif complet ou presque complet. Le poisson salé est de la sorte taxé à Saint-Ambroix en 1325 ( 1476 ), à Montpezat en 1378 ( 1477 ), à Aubenas en 1397 ( 1478 ), à Alès en 1412 ( 1479 ) et enfin à Privas en 1466 ( 1480 ) pour ce qui est des péages portant sur des routes transversales. Le tarif de La Voulte en 1331 s’appliquant, lui, au sillon rhodanien, mentionne aussi du poisson de mer ( 1481 ). Le tarif de Privas de 1466 précise même que les poissons salés transitant par le mandement sont des « arans blancs et saurets ». Là encore, la documentation notariale vivaroise ne nous livre aucun acte concernant une vente de poisson, mais il est vrai que ces derniers devaient être débités au détail dans la région, ce qui n’occasionnait pas, bien entendu, la rédaction d’un acte authentique. Il en va différemment à Marseille, où les archives notariales ont conservé le souvenir de nombreux achats de poisson salé conclu par des marchands de l’intérieur des terres, dont des Privadois, des Montiliens ou des Valentinois qui doivent ensuite rediffuser leur marchandise dans la région, au moins sur les marchés urbains( 1482 ). Ce poisson à destination du nord passe au port d’Arles et suit le sillon rhodanien ( 1483 ). Néanmoins, pour d’évidentes raisons de conservation d’une marchandise hautement fragile, ce commerce est avant tout saisonnier, concernant uniquement ou presque la période septembre-mai, la période de carême constituant même un véritable pic de consommation sur les marchés de l’intérieur de la Provence ( 1484 ).

Notes
1473.

) AD 34, B 26, f°LXVIIv°-LXVIII ; Chevalier (U.) : Cartulaire de l’abbaye de Saint-Chaffre du Monastier, ordre de Saint-Benoit, suivi de la chronique de Saint-Pierre du Puy et d’un appendice de chartes, op. cit., n°CCCXXXVII, p. 113

1474.

) Lemaître (J.-L.) : Cartulaire de la chartreuse de Bonnefoy, op. cit., n°38, p. 50.

1475.

) Germain (A.) : Liber instrumentorum memoralium, op. cit., p. 195.

1476.

) AN, H4 3079/2, pièce 11.

1477.

) AD 07, 39J 358.

1478.

) AN, H4 3101, n°18.

1479.

) AD 30, C 163, pièce 19.

1480.

) AD 07, E dépôt 75, AA 3, 4 et 5.

1481.

) AN, H4 2960.

1482.

) Stouff (L.) : Ravitaillement et alimentation en Provence aux XV è et XV è siècles, op. cit., p. 207 ; Baratier (E.), Rambert (G.) : Histoire du commerce de Marseille, op. cit., t. II, p. 576-577.

1483.

) Stouff (L.) : Arles à la fin du Moyen Age, op. cit., p. 201.

1484.

) Stouff (L.) : Ravitaillement et alimentation en Provence aux XIV è et XV è siècles, op. cit., p. 209.