b- Les origines réelles et l’essor du pèlerinage

Le premier texte qui laisse penser que le pèlerinage du Puy existe et jouit déjà d’une renommée au moins relative date de 912. En juillet de cette année, un dénommé Boson et sa femme Magenburgis, donnent divers biens situés en Vivarais viennois à la bienheureuse « Vierge Marie de la maison de Dieu qui a été élevée au pagus de Velay dans la ville appelée Le Puy » ( 1510 ). Il est clairement fait mention ici de la dévotion à Notre-Dame, donc le rayonnement s’étend déjà au moins sur les diocèses voisins du Velay au point d’attirer les libéralités de donateurs. De même, la mention de la maison de Dieu qui a été élevée au pagus de Velay renvoie manifestement à des travaux récents à la cathédrale du Puy, que l’on peut éventuellement rattacher à un premier essor du pèlerinage.

Néanmoins, il faut attendre l’épiscopat de Gotescalc, siégeant entre 927 et 962, pour que le pèlerinage connaisse un réel essor lui conférant renommée et attrait lointain. Dès les années 950, Gotescalc s’attache à développer le culte marial dans sa cité, au point qu’à la fin du siècle, plusieurs puissants et prélats, dont saint Mayeul, abbé de Cluny, ont déjà fait le voyage du Puy, ou ont destiné leurs libéralités posthumes à cette église, comme Raymond Ier, comte de Rouergue ( 1511 ).

L’histoire de l’hôtel-dieu du Puy ne peut être dissociée de celle du pèlerinage. Institutionnellement, il est géré comme ce dernier par le chapitre cathédral, et y prend même une part active, puisque la fabrication et la vente des sportelles en plomb sont un fructueux monopole hospitalier concédé au XIIIè siècle ( 1512 ). Au Moyen Age, il n’est d’ailleurs jamais question d’hôtel-dieu, mais bien « d’hôpital de Notre-Dame », ou « d’hôpital des Pauvres de Notre-Dame », dont les bâtiments ouvrent directement devant le porche de la cathédrale, une partie de ses salles d’asile étant même intégrée dans le bâtiment dit « des Machicoulis », qui abrite le chapitre. L’expression la plus directe de l’union entre pèlerinage et hôtel-dieu est bien le sceau de l’établissement à la fin du Moyen Age : un pèlerin priant Notre-Dame du Puy ( 1513 ). Comme pour le pèlerinage, la tradition locale, colportée depuis le XVIè siècle, fait de l’hôtel-dieu une fondation du haut Moyen Age, puisqu’il serait dû à la générosité d’un aubergiste du Puy et de sa femme : Grasmanent ( 1514 ). Outre le fait qu’aucun élément probant ne vient accréditer cette tradition, son analyse montre qu’elle ne peut résister longtemps. Tout d’abord, le nom du donateur, Grasmanent, est tout à fait roman, et n’évoque nullement le très haut Moyen Age. Ensuite, la famille Grasmanent est bien attestée au Puy au XIIIè siècle, alors que la première bulle pontificale confirmant les biens et droits de l’hôtel-dieu, en 1145, évoque un établissement relativement récent au rayonnement limité : les biens énumérés sont encore peu nombreux et avant tout rassemblés aux abords immédiats du Puy ( 1515 ). Les archives de l’hôpital, n’ayant pas eu à subir de pertes majeures, ne conservent en outre aucune pièce antérieure au XIIè siècle, ce qui serait surprenant pour un établissement prétendument aussi ancien ( 1516 ). Sans pouvoir préciser plus clairement la date de fondation de l’hôtel-dieu, on retiendra qu’il est probablement une création du XIè ou de la première moitié du XIIè siècle, qui est la période d’expansion du pèlerinage. On peut donc supposer que les chanoines, ayant la charge de l’organisation du pèlerinage, l’aient doté alors d’un établissement d’accueil susceptible de subvenir aux besoins des pieux pèlerins affluant en nombre de plus en plus grand. Il n’est donc pas nécessaire de faire intervenir les époux Grasmanent dans la décision initiale du chapitre, même si ces derniers ont ensuite pu contribuer par leurs libéralités à sa réalisation. C’est une preuve de plus de l’essor considérable qu’a connu le pèlerinage marial ponot durant ces deux siècles.

Notes
1510.

) AD 43, G 818 ; Chevalier (U.) : Regeste Dauphinois, op. cit., t. I, n°1021.

1511.

) Cubizolles (P.) : « Les débuts du pèlerinage à Notre-Dame du Puy », art. cité, p. 48-54.

1512.

) Sur les enseignes de pèlerinage de Notre-Dame du Puy et leur vente exclusive au profit de l’hôtel-dieu, cf. Dix siècles d’activités hospitalières au Puy-en-Velay, op. cit., p. 144-147 et Gounot (R.) : « Les enseignes de pèlerinage du Puy », Le pèlerinage, cahier de Fanjeaux n°15, 1980, p. 93-95. Des exemples d’enseignes sont présentés dans Enseignes de pèlerinages et enseignes profanes, op. cit., p. 94-95.

1513.

) Pour un exemple bien conservé, datant de 1338, cf. AD 43, hôtel-dieu, 1B 2, pièce n°2.

1514.

) Chassaing (A.) : Chroniques d’Etienne de Médicis, bourgeois du Puy, op. cit., t. II, p. 143.

1515.

AD 43, hôtel-dieu, 1A 1.

1516.

) Cf. à leur sujet Jouanne (R.), Fournier (P.) et Delcambre (E.) : Inventaire sommaire des archives départementales antérieures à 1790, département de la Haute-Loire, série H supplément, archives hospitalières du Puy, Le Puy, 1931-1937, 2 vol., 137 et 221 p.