c- Le Puy et les autres pèlerinages

Outre l’attraction propre du culte marial, rappelons ici que Le Puy se trouve extrêmement bien placé sur des routes conduisant à d’autres sanctuaires importants, comme Saint-Gilles ou Sainte-Foy, voire majeurs comme Saint-Jacques-de-Compostelle.

Indirectement l’organisation des routes de pèlerinage de Saint-Jacques, décrite dans le célébrissime Guide du pèlerin de Saint-Jacques, nous renseigne aussi sur le niveau de développement déjà atteint par le pèlerinage marial ponot, et sur le fait qu’affluent en ville des voyageurs « en transit » ( 1543 ). Aymeri Picaud, prêtre d’origine Picarde, auteur du Guide, écrit dans le courant du XIIè siècle, soit 150 ans environ après les débuts du pèlerinage de Compostelle. Il consigne alors par écrit l’usage commun des pèlerins se rendant à Saint-Jacques ( 1544 ). Quatre routes sont présentées, dont l’une, la seconde de l’itinéraire, part du Puy : la via Podiensis ( 1545 ). A partir de la cité mariale, elle se dirige en traversant l’Aubrac en direction de Sainte-Foy de Conques, puis de Rocamadour, passant à Figeac, dont l’église est dédiée à Notre-Dame du Puy. On peut donc penser que dès le XIIè siècle, la cité vellave est le point de rassemblement « naturel » des pèlerins venant de l’est et du nord-est, seule l’attraction déjà grande du sanctuaire pouvant expliquer ce choix. L’auteur précise même a Burgundionibus et Theutonicis per viam Podiensem ad Sanctum Jacobum pergentibus... laissant penser que les pèlerins originaires de l’Europe Centrale affectionnent déjà tout particulièrement cette voie et se regroupent au Puy avant de continuer par Saint-Foy de Conques et Figeac ( 1546 ). De même, c’est bien comme une voie du Puy à Saint-Jacques qu’elle est perçue par le vicomte Adalard, issu de la haute aristocratie de Flandres, qui fonde l’hôpital d’Aubrac au XIIè siècle, précisant que ce lieu est tout à la fois sur la route du Puy, de Rocamadour, de Sainte-Foy et de Saint-Jacques ( 1547 ). L’un des hôpitaux accueillant les pèlerins de Saint-Jacques à Toulouse est d’ailleurs dédié à Notre-Dame du Puy ( 1548 ), de même que l’église paroissiale de Figeac où passe la route la via podiensis ( 1549 ).

Outre une route se dirigeant vers la Galice, un axe majeur part également du Puy en direction de Saint-Gilles, le chemin de Régordane. Décrit par ailleurs ( 1550 ), nous rappellerons uniquement ici les principaux éléments de sa vocation pérégrinante. L’hagiographie elle-même lie Le Puy et saint Gilles. Alors que ce dernier doit, à la demande de Charlemagne, se rendre à Orléans, il emprunte le chemin de Régordane et passe au Puy, effectuant un miracle à Portes ( 1551 ). Même s’il est évident que ni ce récit, ni l’existence du pèlerinage du Puy sous le règne de Charlemagne ne sont attestés, ce n’est pas le cas par la suite lorsque la vita de Saint-Gilles est mise en forme au XIIè siècle par Guillaume de Berneville ; le passage au Puy apparaît alors comme normal pour se rendre du nord de la France à Saint-Gilles. A la fin du Moyen Age, le chemin de Régordane sort d’ailleurs de la ville du Puy par la porte de Saint-Gilles. En 1108, en Auvergne, la route est appelée publica via qua ad Sanctum Egidium itur ( 1552 ) et caminus Sancti Aegidi en 1323 aux portes du Puy ( 1553 ). Parallèlement, l’abbaye de Saint-Gilles montre le souci évident de garder le contrôle du chemin venant du Puy, ou à l’obtenir, n’hésitant pas à faire preuve de beaucoup de mauvaise foi lorsque le besoin s’en fait sentir, comme au sujet de la possession du péage de Villefort ( 1554 ). Les portraits de nombreux pèlerins célèbres se rendant successivement au Puy et à Saint-Gilles peuvent en outre être évoqués, de Robert le Pieux à Saint Louis ( 1555 ).

Le Puy est d’abord le centre vers lequel confluent dès les XIè-XIIè siècles les pèlerins venant invoquer et rendre grâce à Notre-Dame, ce qui ne peut manquer de générer un trafic considérable sur les routes conduisant à la cité. En outre, c’est aussi un point de passage presque obligé pour nombre de pèlerins se rendant vers Saint-Gilles et Saint-Jacques ou Racomadour et Conques depuis l’est ou de nord de la France et de l’Europe.

Notes
1543.

Vielliard (J.) : Le guide du pèlerin de Saint-Jacques de Compostelle, 5ème édition, Mâcon, 1979, XXI-152 p.

1544.

) Sur le fait qu’Aimery Picaud consigne par écrit des itinéraires déjà éprouvés et parcourus par le plus grand nombre, cf. Jugnot (G.) : « Les chemins de pèlerinage dans la France médiévale », art. cité, p. 63-64.

1545.

) Veilliard (J.) : Le guide du pèlerin de Saint-Jacques de Compostelle, op. cit., p. 2. Sur cette route, cf. Jugnot (G.) : Autour de la Via podiensis du Guide du Pélerin de Saint-Jacques de Compostelle, thèse d’état dactylographiée, Paris, 1979, .

1546.

) Veilliard (J.) : Le guide du pèlerin de Saint-Jacques de Compostelle, op. cit., p. 48.

1547.

) Delaruelle (E.) : « Les pèlerinages de Rocamadour », art. cité, p. 30.

1548.

) La Coste-Messelière (R.) de, Jugnot (G.) : « L’accueil des pèlerins à Toulouse », art. cité, p. 127-128.

1549.

) Lartigaut (J.) : Atlas historique des villes de France, Figeac, op. cit.

1550.

) Cf. t. II, p. 553-597.

1551.

) Paris (G.) : Edition de la vie de Saint-Gilles par Guillaume de Berneville, poème du XII è siècle, op. cit., v. 2615 et ss.

1552.

) Chronique de Saint-Pierre-le-Vif, Recueil des historiens de la France, t. XII, p. 281-282.

1553.

) AD 43, hôtel-dieu, 1B 243.

1554.

) Sur cette question, cf. t. II, p. 588.

1555.

) Cf. t. II, p. 585-586.