c- Depuis le sud du sillon rhodanien, par Viviers et Aubenas

Entre Viviers et Le Puy, en 1393, c’est grâce à un litige sur les péages du sire de Montlaur perçus à Montpezat et à Aubenas que nous connaissons un groupe de pèlerins de Villeneuve-les-Avignon se rendant en pèlerinage au Puy ( 1577 ). Là encore, le péager du seigneur de Montlaur, à juste ou à mauvais titre, nous n’en savons rien, les suspecte d’avoir revêtu l’habit de pèlerin uniquement pour échapper aux péages. Il est peu probable que des personnes désireuses de gagner Compostelle soient passées sur cet axe, sauf à vouloir spécifiquement se recueillir au Puy. En effet, rappelons que l’une des quatre principales routes conduisant à Saint-Jacques part d’Arles, pour passer par Saint-Gilles, axe qui est probablement le plus emprunté par les méridionaux. La route de Viviers sert donc sans doute avant tout pour rejoindre le Puy même, ainsi que le rappelle l’Itinerarium de Brugiis à la fin du XIVè siècle, qui la décrit alors comme la route du Puy à Avignon ( 1578 ). Là encore, l’hôtel-dieu du Puy possède un hôpital sur le tracé de cet axe. Il s’agit de celui du Pal, situé au col du même nom, attesté dès 1291 ( 1579 ).

Qu’il s’agisse de se rendre au Puy même, ou de continuer ensuite vers Saint-Jacques ou vers Saint-Gilles, le sanctuaire marial ponot est incontestablement à l’origine d’un pèlerinage mettant en mouvement des foules nombreuses, au moins depuis le milieu du XIè siècle, et plus encore vers la fin du Moyen Age. S’il n’est pas possible de dénombrer les pèlerins se rendant au mont d’Anis, rebaptisé Notre-Dame du Puy par la ferveur populaire, un faisceau d’indices convergeant laisse penser que ces foules sont nombreuses, parfois même très nombreuses comme lors des jubilés institués au XVè siècle. Discret par nature, le pèlerin ne se laisse pas facilement appréhender avant son arrivée au Puy, et seuls de très rares documents nous apportent des indications sur les routes suivies. La géographie inciterait à croire que les axes les plus importants sont ceux traversant le nord du Vivarais, puisque se cumulent là pèlerins à destination du Puy et pèlerins en transit vers Saint-Jacques par cette cité. Au contraire, plus au sud, seuls les pèlerins se rendant spécifiquement au Puy traversent le Vivarais, la route par le Bas-Languedoc, tout aussi riche en sanctuaires de haute valeur spirituelle, s’offrant à eux pour gagner Compostelle. En outre, une place particulière doit être faite pour le chemin de Régordane, dont on sait qu’il est une véritable « allée du pèlerinage », reliant Saint-Gilles au Puy, et qu’il est de ce fait sans doute l’un des axes majeurs en la matière. D’autres routes étaient-elles empruntées ? C’est presque certain, tant la notion de route de pèlerinage n’a de sens qu’à l’approche des sanctuaires alors que les foules sont concentrées sur quelques routes seulement, mais auparavant, il va de soi que les pèlerins pouvaient emprunter les nombreux axes parallèles que nous avons décrits ( 1580 ). Cependant, alors que marchands et voituriers sont de grands habitués de la route, passant à plusieurs reprises chaque année dans la région, les pèlerins ne connaissent sans doute pas aussi bien les lieux, ce qui peut les inciter à ne suivre que les axes principaux. C’est d’ailleurs sur ces derniers que l’hôtel-dieu a implanté des hôpitaux, jalonnant les passages les plus difficiles. Celui de Saint-Agrève est situé sur le Plateau au débouché des routes montant de la vallée du Rhône, de même que celui de Montpezat, alors que celui de Montpastour, est situé en altitude, près d’un col qui est probablement, à l’heure actuelle, l’un des points du tracé de la Régordane où la « burle », véritable blizzard local se fait le plus sentir en hiver.

Le pèlerinage de Notre-Dame du Puy, qui se développe entre les Xè et XIIè siècles attire indéniablement des milliers de personnes, qu’il s’agisse d’aller au Puy ou d’y passer avant de continuer vers Saint-Gilles ou vers Saint-Jacques. Ces dernières parcourent alors les routes vivaroises, la région jouissant de ce fait, comme pour le sel, d’une véritable « rente de situation » qui aboutit à favoriser le développement de certains axes, au détriment d’autres, qu’il n’est toutefois pas aisé de déterminer.

Notes
1577.

) AD 07, 39J 358.

1578.

) Hamy (E.-T.) éd. : Le livre de la description des pays de Gilles le Bouvier, dit Berry, premier roi d’armes de Charles VII, Roi de France, publié pour la première fois avec une introduction et des notes et suivi de l’itinéraire Brugeois, de la Table de Velletri et de plusieurs autres documents géographiques inédits ou mal connus du XV è siècle, op. cit., p. 183.

1579.

) AD 43, hôtel-dieu, 1B 537.

1580.

) Jugnot (G.) : « Les chemins de pèlerinage dans la France médiévale », art. cité, p. 58-59.