Conclusion de la troisième partie

Nous avons remarqué que les routes vivaroises orientées est-ouest connaissaient un développement privilégié. Outre la géographie, qui certes facilite les circulations sur cet axe, il est certain que les échanges induisent des flux polarisés entre basses terres et montagnes, permettant de bien différencier les trafics « montants » des trafics « descendants ».

Les trafics « montants », partant du sillon rhodanien et des plaines à destination des plateaux, sont les plus variés. Par le sillon rhodanien arrivent de nombreux produits et denrées importées qui ensuite prennent la direction du Massif Central par les routes transversales du Vivarais. Retenons le premier d’entre eux : le sel, auquel il faut associer quelques denrées, négligeables en volumes comparés à celui-ci, mais qui concourent aux échanges. C’est aussi par le sillon rhodanien qu’arrive une part sans doute majeure du blé que le Vivarais doit importer ; il est redistribué ensuite à l’intérieur de la région par les routes transversales.

Le vin, produit en grandes quantités au pied des Cévennes et dans la région tournonaise, est aussi un trafic « montant », même si le nord du sillon rhodanien peut en exporter une certaine quantité, difficile à définir, par le fleuve. Le Massif Central dépourvu de vignes ou presque, au moins pour ses plus hautes terres, est ici un débouché majeur, permettant une véritable spécialisation viticole.

Dans l’autre sens, à la « descente », les produits sont moins variés : le bétail domine très largement. On est obligé de remarquer que ce commerce paraît très inégal, le Massif Central important beaucoup plus qu’il n’exporte mais le constat est affaibli par l’absence de données chiffrées. Problème strictement économique, il ne nous appartient pas de l’aborder ici. Notons toutefois que dans la mesure où les circulations semblent plus actives à la « montée » qu’à la « descente », devait inévitablement se poser des problèmes de fret de retour pour les muletiers, imposant peut-être un commerce triangulaire qui reste à définir.

Le Vivarais jouit donc de conditions particulièrement favorables. De par sa situation marginale, il participe à plusieurs domaines agricoles complémentaires et se trouve dans une position de frontière certaine entre deux régions dont les besoins se complètent. Ce que le Bas Languedoc et le sillon rhodanien produisent ou reçoivent, le Massif Central en est dépourvu (sel, vin, grains dans une certaine mesure, épices, fruits, poissons...) et, inversement, les régions de plaines sont déficitaires en viande ou en bétail de travail et demandent au Massif Central de subvenir à leurs besoins. Ainsi donc, de denses courants d’échange est-ouest traversent la région, concourant à un développement sélectif du réseau routier, à l’exception du Rhône, dont l’essor spécifique dépasse largement le cadre de la région, et du chemin de Régordane, voie de dédoublement du sillon rhodanien jusqu’au XVè siècle. En outre, hors du champ commercial, même le développement du pèlerinage de Notre-Dame du Puy participe à ce mouvement transversal sur les routes vivaroises.