Les qualificatifs statutaires

Ce premier groupe correspond aux qualificatifs ayant trait au statut juridique de la route. C’est le plus présent, constituant 56,5 % des qualificatifs retenus.

Le premier de ces qualificatifs, le plus développé, est la mention publicus qui suit le nom de la route, comme itinere publico, strata publica, ou via publica. Il est difficile de savoir à quelle réalité il renvoie. Sans doute cette dernière varie-t-elle selon les périodes, mais aucun document ne nous permet d’en préciser le sens exact. On pourrait formuler a priori deux propositions d’interprétation : soit le chemin est public par destination, entendons par là ouvert à tout public, à l’opposé d’un droit de passage restreint, soit il faut comprendre qu’il dépend des pouvoirs publics. Faute de sources juridiques explicites, on peut chercher à savoir si la notion même de chemin public connaît les mêmes évolutions que le pouvoir public lui-même. Nous avons donc comptabilisé les occurrences d’axes dits publics et celles de chemins sans autre précision. Afin de pouvoir totalement encadrer la mutation féodale, susceptible d’expliquer une nette variation du nombre de routes dites publiques, il aurait été intéressant de pouvoir débuter ce calcul au IXè siècle, mais la documentation ne nous permet pas d’établir un calcul valable avant le milieu du Xè siècle. Précisons aussi que les données fournies pour le XIIè siècle sont très lacunaires, comme l’est la connaissance de ce siècle en Vivarais, alors que les principaux cartulaires ecclésiastiques se tarissent, avec la fin de celui de Saint-Barnard de Romans, ou de Saint-Chaffre du Monastier. Seul le cartulaire de la chartreuse de Bonnefoy vient très partiellement combler cette lacune pour la fin de la période retenue. Nous avons donc préféré, devant le très faible nombre d’occurrences retrouvées, ne pas livrer un résultat auquel une base de calcul très limitée ôte toute valeur.

L’adéquation entre évolution du pouvoir public et mentions de routes publiques est nette, et rejoint le constat dressé en Provence orientale, où les routes publiques sont celles sur lesquelles l’autorité comtale continue de s’exercer longtemps et de manière explicite ( 1610 ). Alors que le premier se fragmente tout en étant usurpé par l’aristocratie, les références au caractère public des routes deviennent plus rares, au point qu’elles ne concernent finalement plus, entre 1050 et 1200, qu’une très petite minorité des cas repérés. Devant une telle évolution, il est indéniable que la référence au caractère public des axes est bien liée à leur statut, et non simplement à la faculté d’y passer librement par opposition à de simples droits de passages ou chemins d’exploitation. Cet effondrement des références au statut public de la route, concomitante avec la désagrégation des pouvoirs publics intervenant dans la région dans un large Xè siècle, marque sans doute le déclin définitif de la voirie antique, la route entrant alors dans une nouvelle ère ( 1611 ). De 1250-1300, le nombre de routes dites publiques est à nouveau en hausse, la sollicitude de l’administration royale en Languedoc pour la question se faisant sentir surtout à partir de la seconde moitié du XIVè siècle, évolution qui peut aussi se constater dans les régions voisines, comme la Provence ( 1612 ). Il faut ici associer à publicus le qualificatif de royal, que l’on rencontre à trente-sept reprises sur les routes les plus importantes. Fruit de la politique royale vis-à-vis des routes, il est rigoureusement absent avant 1350, surgissant brutalement alors, pour se stabiliser ensuite, et concerne en moyenne 20 % des occurrences retenues jusqu’à la fin du Moyen Age.

Notes
1610.

) Grassi (M.-C.) : Les voies de communication en Provence orientale de l’époque romaine à la fin du XVIII è siècle, op. cit., p. 145.

1611.

) Rouche (M.) : « L’héritage de la voirie antique », art. cité, p. 31.

1612.

) Grassi (M.-C.) : Les voies de communication en Provence orientale de l’époque romaine à la fin du XVIII è siècle, op. cit., p. 144.