Les dérivés de via

Les dérivés de via constituent le second ensemble de toponymes désignant directement la route. A la différence des dérivés de strata, ceux de via posent toutefois de nombreux problèmes.

Le premier groupe des dérivés de via est clair. Ce sont des expressions intégrant directement via ou vie comme En la Via mentionné en 1336 à Astet ( 1643 ), La Vie en 1464 à Malarce ( 1644 ) et aux Salelles ( 1645 ), ou encore Soubz la Via, la même année à Vagnas ( 1646 ).

Le second groupe de dérivés de via ne pose, lui non plus, pas de problème. Il s’agit des composés bâtis autour du radical viol, comme La Violette, au Teil, ou encore Laviolle, actuellement chef-lieu de commune, et Cotaviol, à Bourg-Argental ( 1647 ). Néanmoins, c’est une structure rare que l’on ne rencontre qu’à deux reprises, en ne comptabilisant pas les termes désignant un carrefour sur lesquels nous reviendrons.

Pour les multiples lieux-dits Vialette, le problème est plus complexe. Certains auteurs ont systématiquement cherché à les rattacher à la présence d’une route importante, considérant qu’ils ne sont que la corruption vulgaire de via lata, voie large ( 1648 ). Si un exemple vivarois, celui de Lavilatte, village appelé Vialata en 1283 ( 1649 ), semble conforter cette étymologie, il n’est pas possible d’être aussi systématique. Présents dans tout le Vivarais, les Vialette sont extrêmement nombreux et ne semblent nullement être toujours liés à une route. Le seul dictionnaire topographique de l’Ardèche ( 1650 ), pourtant fort lacunaire et incomplet, n’en recense pas moins d’une vingtaine. Complété par nos propres dépouillements, ce sont plus de trente-cinq Vialette qui ont pu être identifiés, mais tous ne sont pas proches d’une route, même secondaire. Seuls onze d’entre eux peuvent s’y rattacher, ce qui est bien peu. Indépendamment d’une route, deux facteurs peuvent expliquer la multiplication de ces toponymes. Tout d’abord, d’un point de vue linguistique, le latin [VIL-] dans le domaine occitan auvergnat et sur ses marges, dont le Vivarais relève, devient [VIAL-] ce qui peut être à l’origine de nombreux toponymes n’ayant aucun rapport étymologique avec la route. Le latin villa devient alors l’occitan viala, origine de bien des confusions ( 1651 ).

Ensuite, ces toponymes renvoient à la limite grandement perméable séparant toponymie et anthroponymie. En effet, quiconque connaît la population ardéchoise actuelle ne peut que constater le nombre important de familles Vialette dont les déplacements ont tout à fait pu entraîner une migration du micro-toponyme.

Devant les multiples restrictions à apporter à notre corpus, les toponymes dérivés de via effectivement liés à une route ne représentent donc que 15 % de l’ensemble des toponymes désignant la route.

Notes
1643.

) AD 07, 42J 342, f°9.

1644.

) AD 07, C 606.

1645.

) AD 07, C 594.

1646.

) AD 07, C 591.

1647.

) Gonon (M.) : « Quelques toponymes de Bourg-Argental », art. cité, p. 94.

1648.

) Chevallier (R.) : Les voies romaines, op. cit., p. 168.

1649.

) AD 07, 3H 1, f°63v°.

1650.

) Charrié (P.) : Dictionnaire topographique du département de l’Ardèche, op. cit., p. 363-365.

1651.

) Nous remercions ici M. Georges Massot, linguiste, de nous avoir indiqué cette évolution pouvant être à l’origine de regrettables confusions.