Cette catégorie est la plus présente dans le corpus des toponymes désignant un point précis de la route, avec quarante-deux occurrences représentant 14,7 % du total. L’élément essentiel de la toponymie routière, outre les multiples Lestrade que nous avons présentés, est incontestablement constitué des Malpas ou Malus Passus, lesquels avec trente-quatre occurrences constituent 68 % des dénominations de passages remarquables recensés. A ces Malpas, il faut adjoindre encore les Malus Tractus, Malatray, Malpertu, Malpertuis et Malatrat représentant 13 % des toponymes liés à un passage spécifique. Remarquons ensuite, un cas isolé, le quartier de Malcost, toponyme attesté au sud de Privas dès 1459 ( 1663 ), retrouvé ensuite dans les années 1760-1780 sous la forme Côte de Malescot ( 1664 ). La topographie des lieux, une pente abrupte et instable gravie par la route de Privas à Villeneuve-de-Berg, justifie pleinement ce toponyme évocateur des difficultés du passage.
Un autre toponyme assez fréquent doit probablement être associé à un mauvais passage de la route. Il s’agit de La Destourbe et La Détourbe. Sept occurrences ont été identifiées. Le sens de ces toponymes ne se laisse pas clairement saisir. Sans doute faut-il le rattacher à l’occitan destorbar ou destorbamen ( 1665 ). On peut donc penser que ce toponyme rencontré directement en association avec les routes est lié à un désordre ponctuel de cette dernière, bourbier, passage raviné, pavé arraché, etc. La présence systématique de l’article renforce cette idée, renvoyant à un point précis de la route où un détour est imposé pour éviter un passage difficile.
Quelques rares autres termes à caractère imagé ou plaisant renvoient eux aussi à des difficultés de circulation ponctuelles, comme les composés de Devalar, dévaler, que l’on retrouve à deux reprises sous la forme En Devalenc ou Devalade pour désigner de fortes pentes. Plus imagée encore, signalons les côtes de Gastefere, au Cheylard en 1540 ( 1666 ) ou à Intres en 1841 ( 1667 ). Dans les deux cas, la très forte pente devait mettre à rude épreuve le ferrage des mulets de bât, ce dont témoigne l’onomastique, alors qu’en 1464 à Issamoulenc, elle est à l’origine du très imagé toponyme a Tire Cuol ( 1668 ). Nous n’avons par contre jamais rencontré de Vitaterne en Vivarais qui, dans le Sud-Ouest, désignerait un passage dangereux par contraction de vitam aeternam, symbole du péril gravissime menaçant le voyageur, sans que l’on puisse expliquer cette absence ( 1669 ). Néanmoins, nous doutons un peu de cette étymologie et du sens à donner au toponyme Vitaterne.
A l’opposé, il faut remarquer que les toponymes renvoyant à un bon passage sont rarissimes. Seuls deux Bonpas ont pu être repérés : l’un mentionné en 1314 à Antraigues ( 1670 ), l’autre à l’heure actuelle à Saint-Julien-Boutières. Si le mauvais passage se remarque et s’individualise au point de prendre un nom spécifique, le bon passage ne se distingue que rarement. Il est naturel de mettre en exergue les problèmes tout en passant le reste sous silence.
) AD 07, J 549, f°10v°.
) AD 07, C 773.
) Lévy (E.) : Petit dictionnaire provençal-français, op. cit., p. 120. Destorbar : troubler, déranger, de destorbamen , dérangement désordre, trouble.
) AD 07, 3E 157 bis.
) Cadastre napoléonien de Saint-Julien-Boutières.
) AD 07, C 562.
) Soutou (A.) : « L’Habit et l’Habitarelle », Revue internationale d’onomastique, 1956, p. 265-268.
) AD 43, 17H 160.