Sans pour autant nier l’apport de chaque période au réseau viaire, il est certain que la route constitue un élément structurant fort du paysage qui s’inscrit dans la longue, voir la très longue durée. Après avoir dressé un tableau des routes vivaroises à la fin du Moyen Age, il est intéressant de savoir lesquelles sont issues de la période médiévale, ou combien, au contraire, sont tributaires d’axes plus anciens, antiques ou altimédiévaux. En effet, comme nous l’avons expliqué, le réseau routier tardimédiéval répond à des nécessités commerciales, qui orientent l’essentiel des itinéraires selon une direction est-ouest, reliant sillon rhodanien et Massif Central. Cependant, bien que lié aux nécessités de déplacement des deux derniers siècles du Moyen Age, le réseau routier que nous avons présenté est sans doute aussi tributaire de l’héritage des périodes précédentes qui lui impriment sa marque. Dès les années 1930, la question de la continuité entre réseau routier antique et réseau médiéval s’est posée, suite à une vive controverse entre Marc Bloch et Franck Imberdis dont les premiers numéros des Annales se sont faits l’écho ( 1721 ). Par-delà cette question, strictement limitée lorsqu’elle a été posée, se profilent aujourd’hui d’autres interrogations concernant la survivance des structures antiques tout au long du haut Moyen Age. Il ne nous revient pas de les aborder dans le cadre de notre travail, mais l’histoire routière peut permettre d’en préciser certains aspects à l’échelle de la région, tout en éclairant la situation tardimédiévale qui nous occupe.
Même si quelques antiquisants se sont attachés à cartographier les itinéraires vivarois antiques, ce travail a surtout été le fait d’érudits locaux et il reste pour l’essentiel à faire. Outre quelques études ponctuelles sur lesquelles nous reviendrons le moment venu, signalons ici les tableaux brefs mais suggestifs brossés par Roger Lauxerois ( 1722 ) et André Blanc ( 1723 ), et plus encore l’ouvrage déjà ancien de Pierre Arnaud ( 1724 ). Rappelons aussi que seule la voie dite d’Antonin le Pieux a fait l’objet d’une étude spécifique, s’attachant tant à son tracé ( 1725 ) qu’aux milliaires la jalonnant ( 1726 ). Pour l’essentiel, nous partirons donc de ces études, en les complétant par les éléments concernant les routes de la moitié nord du Vivarais et celles reliant le Velay et le Gévaudan depuis Alba, qui n’ont pas, jusqu’à présent, retenu l’attention. Il n’est toutefois pas dans notre propos de nous livrer à une étude longue des axes antiques, dépassant les limites de notre travail et nos compétences chronologiques, mais simplement de présenter les axes principaux afin d’en cerner la descendance éventuelle ( 1727 ).
) Cf. Imberdis (F.) : « Les routes médiévales, mythes et réalités historiques », Annales d’Histoire Sociale, 1939, p. 410-416 ; Bloch (M.) : « Réponse à l’article de Franck Imberdis intitulé : Les routes médiévales, mythes et réalités historiques », Ibidem, p. 416. ; La question est encore abordée dans les années 1960. Cf. alors Imberdis (F.) : « Les routes médiévales coïncident-elles avec les voies romaines ? », Bulletin Philologique et Historique, 1960, p. 93-98.
) Lauxerois (R.) : Le Bas-Vivarais à l’époque romaine. Recherche sur la cité d’Alba, op. cit., p. 117-129.
) Blanc (A.) : Carte archéologique de la Gaule romaine, fascicule XV, Ardèche, op. cit., p. 25-34.
) Arnaud (P.) : Les voies romaines en Helvie, op. cit. Cet ouvrage, s’il présente dans le détail le tracé des principaux axes antiques vivarois n’en pose pas moins un certain nombre de problèmes, principalement d’identification d’itinéraires. En effet, plusieurs axes retenus comme antiques par l’auteur ne nous semblent pas pouvoir prétendre à une telle ancienneté.
) Rébuffat (R.), Napoli (J.) : Visite à la voie romaine des Helviens, op. cit.
) Napoli (J.), Rébuffat (R.) : « Les milliaires ardéchois d’Antonin le Pieux », art. cité, p. 52-79.
) Cf. infra, carte des principales routes antiques.