La route d’Antonin le Pieux

Route antique majeure du Vivarais, cette dernière relie le nord du sillon rhodanien (Vienne et Lyon) à Nîmes, d’abord par la rive droite du Rhône, puis par l’intérieur du Bas-Vivarais calcaire ( 1736 ).

De Limony au Teil, elle semble le plus souvent se confondre avec la route rhodanienne médiévale, sauf au niveau de Tournon où elle suit un tracé ignorant les villages de Vion, Saint-Jean-de-Muzols et Mauves, puis entre Cornas et Soyons, passant plus à l’est et évitant Cornas et Saint-Péray ( 1737 ). Dans la traversée de la cité de Vienne, puis de Valence, la route est jalonnée par plusieurs sites archéologiques où milliaires. Dès Ampuis, au nord du Vivarais, un milliaire de Maximin atteste son passage ( 1738 ), puis au niveau de Limony et d’Andance, des fouilles archéologiques anciennes l’ont mise au jour à deux reprises sur quelques mètres ( 1739 ). Ensuite, au sud d’Andance, le mausolée dit de la Sarrasinière, encore conservé en élévation sur plus de cinq mètres de hauteur, borde la route et lui présente sa façade est, initialement ornée de statues ( 1740 ). Plus au sud, au niveau d’Arras, ce sont deux milliaires qui jalonnent le passage ( 1741 ). L’un d’eux porte la distance XXXI milles depuis Vienne, attestant qu’il a été retrouvé en place. La voie arrive ensuite à Saint-Jean-de-Muzols, où elle apparaît au cadastre napoléonien sous le nom de Chemin de Varogne, toponyme désignant manifestement les routes antiques dans le nord du Vivarais ( 1742 ), puis elle passe à Tournon, où fut retrouvé un milliaire de Tacite ( 1743 ). Un pont existait peut-être alors sur le Doux, en amont de son confluent avec le Rhône, non loin du pont tardimédiéval. Cet ouvrage qui s’est effondré en 1252 passe pour être antique ( 1744 ), et on le rencontre généralement affublé du nom pseudoévocateur de Pont de César. Néanmoins, le caractère très ténu des vestiges et leur réutilisation comme fondation pour un barrage hydroélectrique interdit toute étude archéologique précise. On peut simplement remarquer que l’appareil de la maçonnerie des culées et des bases de piles, encore visible, semble être du même type que celui des ponts de Viviers et du Pouzin dont l’antiquité est assurée.

Plus au sud, les indices du passage de la route se font rares, au moins jusqu’à Soyons, où son inscription dans le plan du vicus est nette ( 1745 ). Signalons encore au passage de l’Eyrieux les vestiges du pont de Pontpierre, attesté dès 1280 ( 1746 ) et qui passe pour être antique. Néanmoins, là encore, le caractère ruiniforme des vestiges conservés (une culée en rive droite et quelques assises en rive gauche), ne permet pas d’affirmer quoi que ce soit et impose la prudence. Au Pouzin, la route traverse l’Ouvèze sur un pont dont le parfait état de conservation permet d’assurer qu’il est bien antique ( 1747 ). A partir de là, la route entre dans la cité d’Alba et son parcours est alors jalonné par de multiples milliaires d’Antonins : le tracé suit la vallée du Rhône jusqu’au Teil ( 1748 ). A ce niveau, la route longe la vallée du Frayol, où se trouve le milliaire IV ( 1749 ), puis arrive à Alba, chef-lieu de cité. Ensuite, la route passe à Saint-Jean-le-Centenier, puis, après une longue lacune dans la série des milliaires, arrive à Mirabel. Là, le milliaire X marque le carrefour où la route du Puy se sépare de la voie d’Antonin alors qu’elle oblique en direction du sud. Passant à Saint-Germain-d’Ardèche, Pradons, Ruoms, elle traverse l’Ardèche au droit de Vallon, pour continuer sur Nîmes par Salavas, Vagnas et Barjac ( 1750 ).

La voie dite d’Antonin est la route antique principale du territoire helvien. Elle a fait l’objet d’un bornage général et systématique, sans doute accompagné d’une remise en état ordonnée par la cité d’Alba dans les six premiers mois de l’année 145 de notre ère ( 1751 ). C’est d’ailleurs la seule qui ait reçu autant d’attention, aucun autre axe n’étant jalonné par autant de bornes. Reliant Lyon et Nîmes elle avait alors une importance dépassant de loin les limites de la cité d’Alba.

Notes
1736.

) L’ouvrage de base sur la route d’Antonin dans sa traversée du Bas-Vivarais est Rébuffat (R.), Napoli (J.) : Visite à la voie romaine des Helviens, op. cit. Nous y renvoyons le lecteur pour une présentation détaillée du parcours. La section nord, dans la traversée des cités de Vienne et de Valence, n’a fait l’objet d’aucune étude spécifique.

1737.

) Cf. t. II, p. 629, 632-633, 640-641.

1738.

) Blanc (A.) : Carte archéologique de la Gaule romaine, fascicule 15, Ardèche, op. cit., p. 30.

1739.

) Ibidem, p. 123 et 128.

1740.

) Fraisse (Ch.), Provost (M.) : Carte archéologique de la Gaule, Ardèche, op. cit., notice n°9.

1741.

) Corpus Inscriptionum Latinarum, t. XII, n°5562.

1742.

) Cf. t. II, p. 59.

1743.

) Blanc (A.) : Carte archéologique de la Gaule, fascicule 15, Ardèche, op. cit., p. 73, n°107.

1744.

) Blanc (A.) : « Les ponts gallo-romains et très anciens de l’Ardèche et de la Drôme », art. cité, p. 88.

1745.

) Darnaud (O.) : Le site médiéval de Soyons, VI è -XIII è siècles, recherches archéologiques et apports documentaires, op. cit., t. I, p. 49.

1746.

) AD 69, EP 128, pièce 1.

1747.

) Blanc (A.) : « Les ponts gallo-romains et très anciens de l’Ardèche et de la Drôme », art. cité, p. 86-87.

1748.

) Sur cette section, les milliaires nord n° XVII, XVI, XIV, XII, IX et VI ont été retrouvés.

1749.

) A son sujet, cf. Rébuffat (R.) : « Un milliaire romain neuf », art. cité.

1750.

) Sur la section sud, les milliaires n° XVII, XVIII, XX, XXI, XXII, XXIII, XXIV, XXVI, XXX, XXXI et XXXII ont été retrouvés.

1751.

) Napoli (J.), Rébuffat (R.) : « Les milliaires ardéchois d’Antonin le Pieux », art. cité, p. 65.