Chronologie des péages vivarois

Plus encore que pour le recensement simple des péages, nous devons rester prudents quant à leur période d’apparition. En effet, il est certain que les seules indications dont nous disposons, ou presque, sont les premières mentions du péage dans la documentation et non les dates réelles de création. Seules quelques dates assurées peuvent être avancées. Ainsi, on sait que le péage de Labeaume est fondé peu avant 1322 ( 1894 ), alors que la première mention de celui de Beauchastel, en 1226, doit correspondre à ses premières années d’existence ( 1895 ). En effet, il est précisé en 1299 qu’il a une quarantaine d’années d’existence ( 1896 ). Hormis ces quelques exceptions, on est dans l’impossibilité de cerner précisément la période d’institution de ces droits. On peut toutefois supposer que les premières mentions documentaires sont le reflet de la période d’apparition du péage. En effet, ces derniers sont attachés à des châteaux pour lesquels nous possédons généralement de nombreux hommages dès le XIIè siècle, détaillant à plusieurs reprises divers droits inféodés. Nous pouvons donc légitimement penser que si le péage n’y figure jamais, c’est qu’il n’existe pas encore, ou au moins qu’il n’a pas une importance significative. En outre, alors que la documentation ecclésiastique témoigne de plusieurs exemptions de péages accordées au XIIè siècle, aucune ne concerne des droits perçus en Vivarais, mais seulement sur ses marges rhodaniennes ou languedociennes, ce qui est un signe de la rareté des péages locaux pour cette époque. Réparties par périodes de cinquante ans, les premières mentions de péages manifestent des évolutions chronologiques nettes qu’il est difficile d’attribuer au seul essor documentaire.

Remarquons aussi que la chronologie des premières mentions de péages est similaire à celle des premières inféodations expresses de routes que nous avons déjà évoquées. ceci laisse penser que l’axe de circulation prend alors une valeur certaine, qui rend intéressant un contrôle plus étroit. Celui-ci s’exprime en élevant la route au rang d’élément de fief ou de fief à part entière, mais aussi en la taxant de manière frénétique.

Sans doute faut-il aussi rapprocher les deux seules manifestations d’intérêt du pouvoir souverain pour la route, déjà évoquées, de ce mouvement de création de péages. Rappelons qu’en 1147, Conrad III confirme à l’évêque de Viviers le pedaticum utraque strata telluris et fluminis Rhodani ( 1897 ) alors qu’en Valentinois, Frédéric Ier confirme les droits régaliens de l’évêque Odon, rappelant qu’il est interdit à tous de prélever des péages dans le diocèse, de l’Isère à Montelier et de Crest à la villa de Soyons ( 1898 ). Certes, ces concessions s’inscrivent dans un cadre politique plus large, mais on ne peut ignorer que les détenteurs, ou prétendus détendeurs, de droits publics trouvent alors nécessaire de les faire confirmer par l’empereur. Deux faux diplômes confirment cette évolution. En 1151, Silvion de Clérieux se serait fait confirmer divers biens et droits par l’Empereur Conrad III qui lui donne pouvoir d’établir des péages sur terre et sur eau à La Voulte et à Conflans (1899). Il s’agit d’un faux diplôme, suivi en 1204 d’un second, en faveur de Giraud et Lambert Adhémar, seigneurs de Montélimar et de Rochemaure, par lequel l’Empereur Frédéric leur concède les péages par eau et par terre de Montélimar et de Rochemaure (1900). Probablement rédigés au XIVè siècle, ces faux laissent penser deux féodaux désireux d’asseoir leurs droits, en forgent les preuves. Ils habillent ainsi d’une certaine légitimité leurs péages adultérins et parent leurs origines d’un caractère public. La date portée par ces faux renvoie dont sans doute directement à la période de multiplication des péages. Pour finir, c’est à la même période, en 1219, qu’éclate à nouveau le conflit, déjà évoqué, mettant en jeu les différents prétendants aux droits comtaux vellaves, cristallisé autour des péages du sud-est du Velay. La tension semble augmenter autour des péages entre 1150 et 1250, signe probable de leur réelle multiplication. Le Vivarais semble donc connaître un essor des péages un peu postérieur à celui constaté dans d’autres régions où ils ont fait l’objet d’une étude pour les XIè-XIIè siècles, comme l’Anjou ( 1901 ), ou la Sologne ( 1902 ), ce qui est difficile à expliquer. Ne pourrait-on pas proposer que l’essor des circulations intervient lui aussi un peu plus tard que dans ces régions ? La rareté des sources sur ces périodes interdit de la vérifier.

Notes
1894.

) AD 34, A 5, f°89.

1895.

) AD 07, 1E 1583.

1896.

) AD 34, A 5, f°89.

1897.

) Babey (P.) : Le pouvoir temporel de l’évêque de Viviers au Moyen Age, op. cit., P-J n° II, p. 309.

1898.

) AD 26, 12 G 108.

1899.

) AD 38, B 3517, à propos de la critique de ce document, cf. Fournier (P.) : Le royaume d’Arles, op. cit., p. 13 note 1.

1900.

) AN, H4 2960. En 1204 l’empereur n’est pas Frédéric, mais Philippe 1er, ce qui permet de nourrir quelques doutes sur l’authenticité d’un diplôme qui par ailleurs n’est connu que par une copie du XIVè siècle et par plusieurs copies du XVIIIè siècle.

1901.

) Bienvenu (J.-M.) : « Recherches sur les péages angevins aux XIè et XIIè siècles », art. cité, p. 209.

1902.

) Guérin (I.) : « Péages terrestres et fluviaux de la Sologne médiévale », art. cité, p. 235.