Les grandes paroisses primitives

Il n’est pas toujours aisé de faire la différence entre une église domaniale et un centre de paroisse ancien, mais l’archéologie peut nous y aider, de même que l’analyse des vocables. Ainsi, du sud au nord du Vivarais, au moins six églises paroissiales du très haut Moyen Age peuvent être localisées en l’état actuel des recherches ( 2024 ). Il ne nous appartient pas ici de les présenter en détail, mais uniquement d’en dresser la liste afin d’envisager les relations qu’elles entretiennent avec le réseau routier. C’est d’abord, au sud, le groupe paroissial Saint-Julien et Saint-Jean de Salavas associé à une nécropole des Vè-VIIIè siècles, connu grâce à de nombreuses campagnes de fouilles archéologiques ( 2025 ). Non loin de ce dernier, à Ruoms, une église Notre-Dame est associée à une église Saint-Jean au Xè siècle, laissant penser à un groupe baptismal altimédiéval, d’autant que les vestiges de l’église Saint-Jean en question, aujourd’hui intégrés dans l’église paroissiale Saint-Pierre, présentent un plan polygonal évoquant celui d’un baptistère ( 2026 ). Plus proche du sillon rhodanien, Saint-Etienne-de-Mélas, non loin du Teil, a aussi probablement été une paroisse primitive ( 2027 ). Au pied des Cévennes, l’église Saint-Pierre, située au sud-est d’Aubenas, associée à un vicus et à de nombreuses inhumations de l’Antiquité tardive et du haut Moyen Age évoque aussi probablement l’existence d’une telle paroisse ( 2028 ). Dans le sillon rhodanien, à Meysse, un groupe baptismal des Vè-VIè siècles a été mis au jour sous l’église Saint-Jean-Baptiste du XIè siècle ( 2029 ). Au nord du Vivarais, une église paroissiale Notre-Dame, associée à un probable baptistère Saint-Jean, a été mise en évidence à Soyons, implantée au coeur d’un vicus ( 2030 ). Pour finir, un groupe paroissial a peut-être existé à Annonay, probable vicus, l’église Notre-Dame associant encore au XVIIIè siècle une chapelle Saint-Jean, située à quelques mètres au nord-est de cette dernière ( 2031 ).

Faute d’enquête spécifique, notre connaissance de ces églises est encore limitée, mais dans tous les cas, on remarquera l’étroite relation que ces édifices entretiennent avec le réseau routier : l’église de Salavas est au bord de la voie d’Antonin, de même que celles de Ruoms et de Mélas. L’église de Soyons est mitoyenne de la route rhodanienne, ainsi que celle de Meysse. Celle de Saint-Pierre-sous-Aubenas est au bord de la route du pied des Cévennes et celle d’Annonay est au carrefour de plusieurs axes montant du sillon rhodanien vers le Velay. Certes, notre connaissance de ces églises est très incomplète, ce qui affaiblit assurément ce type d’observation, mais cette implantation routière est sans doute à expliquer indirectement par le caractère « urbain » de ces églises. La majorité d’entre elles est en effet implantée dans un vicus assuré ou probable, comme Annonay, Ruoms, Saint-Pierre-sous-Aubenas ou Soyons, ce qui, par conséquence, peut expliquer leur proximité par rapport à un axe routier ( 2032 ). Seuls quelques cas, comme les églises de Salavas, Meysse et éventuellement Mélas semblent implantées loin de toute agglomération.

Notes
2024.

) On est donc bien loin de la trentaine retrouvée en Limousin par Michel Aubrun [Aubrun (M.) : L’ancien diocèse de Limoges des origines au milieu du XI è siècle, op. cit., p. 298-299], mais il est vrai que la question n’a encore jamais fait ici l’objet de recherches systématiques, ce qui permettrait sans conteste de compléter ce premier tableau très lacunaire.

2025.

) Les différentes campagnes de fouilles ont fait l’objet de publications régulières, mais le lecteur se reportera avec profit à l’ouvrage de synthèse récent Helmling (J.-R.) : Les églises disparues de Salavas, près de 2000 ans d’histoire incrits dans le site de la Gleizasse, op. cit.

2026.

) Les églises Saint-Etienne, Sancti Eventii (?), Sainte-Marie et Saint-Jean, situées à Ruoms, sont données à l’abbaye de Cluny dans la seconde moitié du Xè siècle [Cluny, t. II, n° 929 p. 39]. Toutes sont actuellement identifiées, sauf l’église Saint-Jean, associée à Notre-Dame dans la donation. Néanmoins, l’église actuellement mitoyenne de Notre-Dame est dédiée à saint Pierre. Edifice des XIIè-XIIIè siècles, son abside est le vestige d’un bâtiment antérieur de plan polygonal. On peut donc suggérer qu’il s’agit des vestiges d’un ancien baptistère Saint-Jean, dont le vocable a changé après la prise de possession par Cluny, ce dernier devenant la base de l’église Saint-Pierre. Aucune étude de synthèse n’existe encore sur Ruoms, mais le mémoire de maîtrise de Nicolas Clément, actuellement en cours à l’université Lyon 3, portant sur l’Antiquité tardive et le haut Moyen Age, apportera sans doute toute lumière sur la question.

2027.

) Saint-Jean (R.), Nougaret (J.) : Vivarais et Gévaudan romans, op. cit., p. 45-46.

2028.

) Laffont (P.-Y.) : Châteaux, pouvoirs et habitats en Vivarais, X è -XIII è siècles, op. cit., t. I, p. 62.

2029.

) Reynaud (J.-F.) : « Meysse, église Saint-Jean-Baptiste, ancien baptistère », art. cité, p. 211-213.

2030.

) Darnaud (O.) : Le site médiéval de Soyons, VI è -XIII è siècles, recherches archéologiques et apports documentaires, op. cit., p. 85-90.

2031.

) AD 07, C 785.

2032.

) L’implantation prioritaire des paroisses primitives dans les vici gallo-romains a déjà été constatée à plusieurs reprises, tout en étant particulièrement nette en Auvergne voisine. Cf. Fournier (G.) : Le peuplement rural en Basse-Auvergne durant le haut Moyen Age, op. cit., p. 193-194, Aubrun (M.) : L’ancien diocèse de Limoges des origines au milieu du XI è siècle, op. cit., p. 234-235.