L’implantation de nouvelles paroisses

Il est intéressant d’envisager le cas des paroisses du haut Moyen Age rencontrées sur le Plateau vivaro-vellave. En effet, vaste étendue mollement ondulée, le relief n’y constitue pas une contrainte forte, à la différence des Boutières et des Cévennes par exemple. Dans ces deux régions, le relief confiné peut à lui seul expliquer la proximité d’une route et d’une église, les deux s’implantant dans les seuls fonds de vallées praticables. Il est intéressant de constater que les vocables d’églises paroissiales qui jalonnent les routes traversant le Plateau sont tous du haut Moyen Age, sans prétendre préciser plus leur période de fondation. Ainsi, la route du Pouzin au Puy par Privas, d’origine antique, est-elle bordée, dans sa traversée des secteurs montagneux situés à l’ouest de Privas, par de nombreuses paroisses au vocable ancien. C’est d’abord Saint-Martin à Gourdon, au bord du Plateau, puis Saint-Bénigne à Mézilhac, Saint-Julien à Lachamp-Raphaël et Sainte-Eulalie au pied du Gerbier-de-Jonc, ou encore Saint-Pierre-aux-Liens à Laussonne, sur le versant vellave du plateau. A l’inverse, des paroisses plus éloignées de cet axe ne semblent pouvoir prétendre à une telle ancienneté, au moins à l’examen des vocables. C’est par exemple le cas de la paroisse Saint-Victor, d’Issarlès, située à une quinzaine de kilomètres plus au sud, ou encore de Saint-Robert, des Sagnes. Malheureusement, le vocable Notre-Dame, difficilement datable, est assez répandu dans ce secteur du Plateau, puisqu’on le rencontre au Béage, à Borée, au Cros, à Lachapelle-Graillouse. Notons toutefois qu’il est systématiquement hors de tout contexte routier, sauf au Béage, alors que les paroisses titrées de saints évoquant très probablement le haut Moyen Age sont toutes au bord de la route principale, ou à moins d’un kilomètre de cette dernière. Aucun Saint-Julien, Saint-Etienne, Saint-Martin, Saint-Gervais, Saint-Saturnin, etc. ne se trouve isolé au coeur du Plateau. Le constat fait sur le Plateau vivarois est similaire à celui dressé dans le nord du Massif Central autour de la voie d’Agrippa de Lyon à Saintes : les paroisses proches de la route semblent bien être les plus anciennes de la région ( 2043 ).

Les sources hagiographiques fournissent un exemple précis liant directement routes et fondations ecclésiales du haut Moyen Age, ou encore routes et évangélisation. Il s’agit de la présence de saint Agrève, évêque du Puy au début du VIIè siècle, au pied du mont Chiniac, devenu depuis Saint-Agrève. Les quelques détails fournis par la Vita Agripani permettent de penser qu’il résidait alors au pied du mont Chiniac, au bord du Plateau vivarois, pour conduire des actions évangélisatrices en direction des Hautes-Boutières et du nord du Velay ( 2044 ). A la lecture de la mission que s’était assigné Agrève, le choix du mont Chiniac comme résidence n’est pas anodin. Il est sans doute lié au fait que la route antique de Tournon à Saint-Paulien y passe, le lieu étant situé au bord du Plateau, au point de convergence de plusieurs vallées venues du Rhône, probablement parcourues par plusieurs diverticules routiers.

Notes
2043.

) Denimal (P.) : La voie aquitaine d’Agrippa de Lyon à Saintes, op. cit., vol. 1, p. 527-528

2044.

) Sur l’interprétation à donner de la présence de saint Agrève dans ce secteur et sur ses implications en matière d’évangélisation, cf. Fayard (A.) : Saint Agrève évêque du Puy et apôtre des Boutières, op. cit.