La structuration des paroisses

Axe d’évangélisation sur lequel s’implantent les premières églises, la route joue aussi sans doute un rôle dans la structuration des paroisses. De ce point de vue, la forme de certaines paroisses peut surprendre mais se comprend en les étudiant en parallèle avec le réseau routier.

C’est tout d’abord le cas de la paroisse Notre-Dame de Pailharès, qui à la fin du Moyen Age semble déjà avoir les mêmes limites que la commune actuelle. Globalement assez compacte autour de l’église Notre-Dame, limitée de façon cohérente par le relief dans toute sa partie est, elle présente une longue excroissance vers l’ouest, qui se développe sur plus de deux kilomètres et bascule au-delà du col du Buisson sur la vallée du Doux, quittant le haut bassin de la Daronne où se trouve le coeur de la paroisse. On constatera que cet appendice encadre relativement étroitement la route d’Annonay à Saint-Agrève et qu’il en suit le tracé, le toponyme Agrève encore présent le long du tracé renvoyant peut-être à la présence du saint martyr dans la région au VIIè siècle.

La paroisse de Bosas, proche de Pailharès, constitue un autre exemple remarquable. Tout comme Pailharès, la paroisse Saint-Pierre de Bosas est de forme homogène, à l’exception d’une digitation de plus d’un kilomètre de longueur pour seulement 250 à 500 mètres de largeur, qui s’en sépare en direction du sud. Aucun élément orographique ou hydrographique ne dicte cette excroissance qui encadre au plus près la route de Boucieu à Saint-Félicien.

Nous pouvons encore retenir l’exemple de la paroisse Saint-Germain, à l’est du Puy (actuelle commune de Saint-Germain-Laprade) qui s’étire très longuement le long de la route de Saint-Agrève au Puy sans que sa forme soit commandée par des impératifs orographiques.

Ces trois cas laissent penser que la route, à un moment qu’il n’est pas possible de préciser faute d’étude spécifique sur l’histoire de ces paroisses, a servi d’axe d’expansion de la paroisse. Remarquons que dans le cas de Pailharès, l’excroissance topographique constatée s’étend dans des secteurs inhospitaliers, à l’écart des bassins fertiles, sur des espaces en forte pente dont on peut penser qu’ils ont fait l’objet d’une mise en valeur plus tardive que le centre paroissial, ce qui expliquerait alors que la route ait servi de « guide » aux défrichements et à l’expansion de la paroisse. La paroisse ne s’étend pas ici jusqu’à la route comme on le rencontre souvent dans les régions de christianisation ancienne et de fort peuplement antique ou altimédiéval, mais elle s’étend autour de la route.

A l’inverse, on peut aussi penser que dans un certain nombre de cas, la route a joué le rôle d’axe de résistance lors de démembrements liés à la création des paroisses voisines. Cependant, seul un travail systématique de restitution des paroisses du haut Moyen Age, accompagné d’une comparaison avec le réseau routier contemporain, pourrait permettre éventuellement de multiplier de tels cas, constatés ici fortuitement, d’affiner leur analyse et de les ancrer dans une chronologie plus précise, mais cette tâche, bien que sans doute féconde, était hors de portée ici.

La relation route-église et route-paroisse est donc complexe, multiforme, l’état de nos connaissances sur le réseau ecclésial altimédiéval ne permettant pas de tirer des conclusions très fines et assurées. Il ressort que la route a plus souvent attiré l’église que l’inverse, mais ce constat est avant tout valable pour les régions nouvellement mises en valeur au haut Moyen Age, l’interaction route-église paraissant très limitée dans les régions d’occupation plus ancienne.