a- Abbayes, commanderies, chartreuses et routes

La question se pose dès le haut Moyen Age, mais il est bien difficile, pour ne pas dire impossible, de l’envisager dès cette période par manque absolu ou presque de renseignements. Seuls trois établissements sont attestés ou fondés dès le VIIè siècle. Un monastère de moniales est alors implanté à Mélas. Probablement sous, ou non loin, de l’église Saint-Etienne, mais sans que l’on puisse préciser son emplacement, il est connu par une notice figurant dans la Carta vetus ( 2045 ). Où qu’il soit autour de cette église, cet établissement est très proche de la principale route antique de la région, la voie d’Antonin, dont nous avons expliqué qu’elle continue probablement à être empruntée jusqu’au coeur du haut Moyen sur toute sa longueur, et ne perd que partiellement de son importance par la suite ( 2046 ). Un autre monastère est mentionné dans la Carta vetus, situé au lieu de Cassariense, identifié comme étant Chassiers, non loin de Largentière ( 2047 ). Dans ce cas, il est possible que le monastère soit proche de la route conduisant à Valgorge et au-delà vers la région de Luc et le Gévaudan ( 2048 ). Pour finir, retenons aussi l’exemple de l’abbaye de Saint-Chaffre, certes vellave, mais située en limite du Vivarais. saint Eudes, moine de Lérins et fondateur de ce monastère dans la première moitié du VIIè siècle ( 2049 ), jette son dévolu sur un lieu situé dans une région faiblement peuplée, sans doute de christianisation limitée, et implante son monastère le long d’un axe routier important : la route d’Alba à Saint-Paulien, qui devient par la suite la route de Viviers au Puy. Nous ne connaissons pas la règle suivie par ces congrégations du très haut Moyen Age, seule l’abbaye de Saint-Chaffre adoptant la règle bénédictine dans les décennies qui suivent sa fondation ( 2050 ). Plus tardivement, l’abbaye bénédictine de Cruas, fondée à la fin du VIIIè siècle ou au tout début du IXè siècle ( 2051 ), est, elle aussi, en bordure immédiate de la route rhodanienne qui longe la clôture abbatiale à l’ouest ( 2052 ). Il en est de même pour l’abbaye de moniales de Soyons, sans doute fondée au Xè siècle, située au sud du vicus et en bordure de route rhodanienne longeant l’établissement à l’est ( 2053 ).

Pour leur part, les abbayes cisterciennes ne sont pas dans la même situation que les établissements bénédictins. L’abbaye de Mazan est isolée à l’écart de tout axe important, alors que celle des Chambons est à quelques distances seulement de la route de Largentière à Luc, mais sans être toutefois implantée directement sur son tracé. De même, les couvents de moniales cisterciennes voisins du Vivarais, comme Clavas et Mercoire, s’ils ne sont pas loin de plusieurs axes routiers, semblent s’en tenir le plus à l’écart possible, comme la chartreuse de Bonnefoy, seul établissement de cet ordre implanté en Vivarais. Ceci correspond d’ailleurs aux principes fondateurs de ces deux ordres.

Les commanderies templières et hospitalières de Jalès, Trignan et Devesset constituent chacune des cas de figure différents. La commanderie de Jalès est directement implantée au coeur d’un carrefour routier majeur du Bas-Vivarais, alors que celles de Trignan et de Devesset sont distantes de quelques kilomètres, de trois à cinq, des routes importantes, respectivement de la route rhodanienne et de la route de Tournon au Puy par Saint-Agrève, ou d’Annonay au Puy par Saint-Bonnet-le-Froid.

La différence est donc nette entre les obédiences monastiques, pour autant que l’on puisse en juger sur un aussi petit nombre d’établissements, et elle ne surprend pas. Les bénédictins acceptent la présence de la route, alors que cisterciens et chartreux s’en tiennent prudemment à l’écart, parfois même comme dans le cas de Mazan, à plusieurs kilomètres. On ne peut donc retenir, comme en Forez voisin, qu’en Vivarais les plus importants établissements religieux sont systématiquement implantés en bordure des axes routiers majeurs, toutes les situations se rencontrant ( 2054 ).

Notes
2045.

) Régné (J.), Rouchier (J.) : Histoire du Vivarais, op. cit., t. I, p. 638.

2046.

) Cf. t. II, p. 295-296.

2047.

) Régné (J.), Rouchier (J.) : Histoire du Vivarais, op. cit., t. I, p. 638.

2048.

) Cf. t. II, p. 496-503.

2049.

) Sur la fondation de l’abbaye de Saint-Chaffre et son fondateur, cf. Fayard (A.) : « Aux origines du Monastier », art. cité, et Fayard (A.) : « Théofrède du Monastier », art. cité.

2050.

) Pacaut (M.) : « Les bénédictins de Saint-Chaffre, rapport introductif », art. cité, p. 18.

2051.

) Régné (J.), Rouchier (J.) : Histoire du Vivarais, op. cit., t. I, p. 643-644.

2052.

) Cf. t. II, p. 

2053.

) Darnaud (O.) : Le site médiéval de Soyons, VI è -XIII è siècles, recherches archéologiques et apports documentaires, op. cit., p. 113-128.

2054.

) Debout (M.) : « Les routes et l’implantation des monastères en Forez du Xè au XIIIè siècles », art. cité, p. 60-61.