Nous avons déjà évoqué la question de la répartition des possessions de l’abbaye de Saint-Gilles dans le sud du Vivarais, aux confins du Gévaudan et de l’Uzège, lorsque nous avons décrit le chemin de Régordane. Rappelons rapidement que ce dernier conduit du Puy à Saint-Gilles, et qu’à ce titre, il devient un axe de pèlerinage important à partir des XIè-XIIè siècles. Sur cette base, il a donc souvent été suggéré que Saint-Gilles a souhaité s’est assuré le contrôle du chemin de pèlerinage par l’implantation spécifique de prieurés et d’églises en plusieurs lieux biens choisis ( 2059 ). Sont généralement retenus comme preuves les prieurés et églises de Villefort (chapelle Saint-Loup et paroissiale Saint-Victor), Prévenchères, Portes et Capcèze. Néanmoins, cette remarque est le fruit d’une approche sélective de la documentation et du patrimoine égidien. En effet, ne sont retenues ici que les implantations mitoyennes de la route, les autres étant passées sous silence, ce qui permet sans difficulté de démontrer le postulat de départ. La bulle de confirmation des possessions de l’abbaye accordée par Innocent II en 1208 permet de cartographier les possessions de Saint-Gilles dans la région, la prise en compte de tous les établissements dépendants de Saint-Gilles modifiant sensiblement la lecture de l’implantation de cette abbaye. Outre les quelques établissements déjà évoqués et situés rigoureusement sur le tracé de la Régordane, il faut prendre en compte ceux des Vans, de Robiac, de Cruzières (Saint-André), de Brésis, des Assions, de Malbosc (paroissiale et chapelle du castrum) et Chambonas qui ne sont pas du tout sur le chemin, ni, pour la plupart, sur un chemin adjacent. L’implantation de Saint-Gilles n’est plus alors linéaire le long du chemin de Régordane, mais prend une forme grossièrement ovoïde et compacte. L’interprétation faite change donc également, puisque la route n’est plus un axe de développement, toutes ces églises évoquant les donations ou restitutions d’un lignage aristocratique, ou d’un groupe de lignages, intervenues avant le XIIè siècle. Faute de source, on ne peut préciser de quel lignage il s’agit, la proximité des domaines des Sabran, des Barjac et des Châteauneuf au XIIIè siècle laissant penser qu’il a pu s’agir de l’un d’eux. La route ne joue plus alors de rôle positif et direct dans les choix d’implantation de Saint-Gilles qui sont tributaires des sentiments développés par l’aristocratie régionale en faveur de tel ou tel monastère.
Constatons seulement que les Vans, l’un des plus importants prieurés de Saint-Gilles dans la région, est situé le long d’une route, comme ceux de Macheville, de Mariac et d’Ucel, dépendants de Saint-Chaffre.
) Girault (M.) : Le chemin de Régordane, ancienne route d’Alès au Puy, op. cit., p. 24 et ss