La ville de fondation

Les agglomérations de fondation, nées de décisions politiques, ne sont représentées en Vivarais que par deux exemples, dont un seul atteint le niveau de ville, le second demeurant un simple village. Les deux bastides sont fondées par un traité de paréage conclus à la fin du XIIIè siècle entre le roi et un puissant local alors que le pouvoir capétien s’affirme en Vivarais.

Chronologiquement, il s’agit d’abord de Villeneuve-de-Berg, fondée en vertu d’un acte de paréage conclu en 1284 entre Philippe III et l’abbé de Mazan, le territoire de Berg étant un domaine de cette abbaye ( 2191 ). Outre les questions de juridiction et de partage des droits seigneuriaux, l’acte prévoit la fondation d’une bastide, matérialisée dans un premier temps par une petite enceinte quadrangulaire de 60 à 70 mètres de côté. A l’angle sud-est de cette enceinte, s’élèvent un donjon carré et l’église Saint-Louis, confiée en 1286 à l’abbaye bénédictine de Cruas ( 2192 ). Pour parachever le travail et garantir les chances de réussite de ce nouveau pôle de peuplement, une charte de franchises est concédée aux habitants en 1290 ( 2193 ).

Ensuite, en 1291, Philippe le Bel conclut à son tour un paréage avec un seigneur laïc, Jarenton de Saint-Romain. Une seconde bastide, Boucieu, parfois désignée sous le nom de Villanove de Borcio est alors fondée. Elle est située au fond de la vallée du Doux, entre Tournon et Lamastre ( 2194 ). Des franchises lui sont accordées en 1294 ( 2195 ).

A partir du début du XIVè siècle, ces deux agglomérations deviennent des sièges administratifs et judiciaires royaux dont le ressort s’étend sur l’ensemble du Vivarais, ce qui leur confère des fonctions centrales à l’échelle du diocèse civil. En 1301, Villeneuve-de-Berg accueille un lieutenant du bailli de Velay, qui a en charge les questions vivaroises ( 2196 ). Parallèlement, de 1313 à 1318, les régions situées au nord du Doux sont rattachées à la nouvelle sénéchaussée de Lyon, mais cette situation ne dure pas. En 1320, un bailli de Vivarais, totalement indépendant de celui de Velay, est établi à Villeneuve. Il réunit pour la première fois dans sa juridiction toutes les régions appelées à constituer dorénavant le diocèse civil de Viviers. Boucieu devient alors une cour de justice secondaire où siège un vibailli représentant le bailli de Villeneuve ( 2197 ).

Pourtant, le développement des deux localités n’est absolument pas comparable, même si elles connaissent une évolution rigoureusement similaire dans leurs premières années : même mode de fondation, franchises presque identiques concédées à quatre ans d’écart seulement, fonctions administratives et judiciaires presque équivalentes. Rapidement Villeneuve prend un essor significatif, ce dont témoigne une vaste extension urbaine qui déborde des murailles initiales à l’ouest, pour couvrir une surface quatre fois plus vaste que celle de la bastide de 1284. La construction d’une grande enceinte urbaine quadrangulaire intervient à la charnière des XIVè et XVè siècles, ainsi que le laisse penser l’autorisation de fortifier concédée par le roi en 1396 ( 2198 ) et la mention en 1407 du fortalicum antiquum, correspondant à la bastide initiale ( 2199 ). Dans le même temps, Boucieu ne connaît aucun développement et demeure un modeste village centré sur son église, son château royal et la résidence du vibailli, structuré le long de deux rues autour desquelles la population ne s’installe pas en nombre, ainsi qu’en témoignent trois terriers de 1351, 1410 et 1463 ( 2200 ). L’échec flagrant de cette fondation est finalement entériné au début du XVIè siècle, lorsque le siège du vibailli du Haut-Vivarais est transféré à Annonay.

Notes
2191.

) AD 07, 3H 1, f°10v°. Traité publié dans Régné (J.) : « La première étape de la pénétration capétienne en Vivarais », art. cité.

2192.

) Grimaud (A.) : Histoire de Villeneuve-de-Berg, ancienne bastide royale, op. cit., p. 41-43.

2193.

) AN, JJ 46, f°127v°-129.

2194.

) Seule la traduction du paréage est connue, publiée par Poncer (J.-A.) : Mémoire historique sur le Vivarais, op. cit., t. I, p. 58-70.

2195.

) Ordonnances des rois de France, t. XIX, p. 519-520.

2196.

) Régné (J.) : Histoire du Vivarais, op. cit., t. II, p. 140-160.

2197.

) Ibidem, p. 150.

2198.

) Lettre d’autorisation royale concédée en 1396 [Devic (Cl.), Vaissette (J.) : Histoire générale du Languedoc, op. cit., éd. Privat, t X, p. 1874].

2199.

) Terrier cité sous la cote AD 07, G 74 par Grimaud (A.) : Histoire de Villeneuve-de-Berg, bastide royale, op. cit., p. 77. Néanmoins, aucun registre ne correspond actuellement à celui-ci sous la cote indiquée et le terrier n’a pu être localisé.

2200.

) AD 07, 1J 212, 213 et 214.