Conclusion de la quatrième partie

La route est en elle-même une structure de peuplement que l’on ne peut ignorer, puisque la domination humaine sur une région passe nécessairement par les circulations et les communications. Pour pouvoir être envisagé avec rigueur, la relation route-habitat doit être considérée globalement, en prenant en compte tous les pôles de peuplement, et non en érigeant en exemples quelques châteaux, églises ou villes sélectionnés en fonction de la démonstration à illustrer. C’est là une difficulté du travail, puisqu’aucune étude ne porte sur l’implantation paroissiale ou sur la ville en Vivarais, seul le château ayant fait l’objet d’attentions soutenues. Il est toutefois possible d’envisager trois cas de figure.

Le premier cas est celui où la route attire les implantations humaines. L’exemple des églises du haut Moyen Age est très révélateur de ce point de vue, même si en l’état actuel de la recherche sur ces édifices, il est difficile de tirer des conclusions assurées. Il apparaît néanmoins que dans les régions d’occupation antique limitée et nouvellement mises en valeur dans le courant du haut Moyen Age, la route constitue le vecteur de la pénétration humaine. Les premières paroisses s’implantent ainsi à proximité des principaux chemins et finissent parfois par se structurer elle-même autour de ces axes. La route attire indéniablement aussi le château, non pas d’un point de vue stratégique et militaire, mais bien comme une source de revenus, au travers des péages, et un enjeu de pouvoir. Le rôle de la route culmine dans l’essor urbain. A quelques rares exceptions près, explicables par un développement antique ou altimédiéval, ou par des fonctions très particulières, centre de pouvoir royal ou exploitation minière par exemple, les villes sont directement en relation avec la route. Elles sont même tout particulièrement implantées à la conjonction des routes et de la frontière géographique entre plaine et montagne, sur des carrefours.

Si la route attire souvent le peuplement, dans un certain nombre de cas plus rares, c’est l’inverse qui se produit. Quelques paroisses issues du haut Moyen Age peuvent provoquer le déplacement d’un axe routier, de même que quelques castra, mais ce n’est jamais vrai d’un simple château. En effet, le voyageur n’a aucun intérêt à passer à proximité d’un lieu qui ne représente pour lui qu’un péage et des contraintes, mais nullement l’espoir de contacts commerciaux. Pareillement, on peut penser que les villes, à partir du moment où leur développement est assuré, captent un certain nombre d’axes routiers. Cependant, difficiles à cerner, ces déplacements sont sans doute très limités, intervenant sur quelques centaines de mètres, voir éventuellement quelques kilomètres. Par contre, il est certain que la ville peut participer de manière décisive à asseoir l’importance d’une route la desservant, si ce n’est à la faire naître.

Pour finir, il se peut aussi que la route et l’habitat n’entretiennent manifestement aucune relation privilégiée. C’est le cas des églises et des paroisses dans les régions d’ancienne occupation, ces dernières étant implantées, selon leur statut, en fonction de la géographie des vici ou des centres domaniaux. On ne peut pas non plus affirmer que la route joue un rôle particulier dans le développement de castra, leur implantation relevant d’autres facteurs, essentiellement sociaux.

Les limites de la documentation disponible ne permettent pas d’être plus précis en la matière. La chronologie des origines des différents pôles de peuplement reste floue, renseignée au mieux par quelques bribes documentaires que seule l’archéologie serait, dans une certaine mesure, à même de combler. Néanmoins, ce n’est pas cette dernière qui apportera des renseignements globaux sur tous les sites concernés, tout au plus, pourra-t-elle fournir quelques exemples remarquables à partir desquels il sera toujours difficile de généraliser. Par ailleurs, celle-ci ne nous renseignera pas sur les motivations qui poussent à venir habiter au bord d’une route, ou sur celles qui imposent qu’une nouvelle église soit implantée le long d’un chemin. La connaissance des réseaux routiers n’en demeure pas moins une clef essentielle pour comprendre la cohérence de la géographie du peuplement.