De Satillieu à Pailharès

Aucun texte ne mentionne la continuation du chemin au-delà de Satillieu mais il y a fort à penser qu’à la fin du Moyen Age, la vallée de l’Ay ne constitue pas une impasse routière. Au contraire le chemin poursuivait probablement parcours en direction du sud soit vers le col du Faux, soit vers celui du Marchand où il rejoignait la route allant du sillon rhodanien au Velay par Lalouvesc. En effet, le péage du château de Mahun se lève en 1398 à Satillieu ce qui se comprendrait mal si la localité était située au fond d’une vallée sans issue donc sans passage autre que les circulations strictement locales ( 2603 ). Faute d’indication précise, nous retiendrons donc la possibilité qu’au-delà de Satillieu, le tracé de la route suive la vallée de l’Ay puis celle du Malpertuis jusqu’au col du Faux. L’absence de péage associé au château de Seray, dont le mandement se situe immédiatement au sud de la vallée de l’Ay, laisse penser que la route ne pénètre pas dans celui-ci mais circule au fond de la vallée uniquement. Le nom même du ruisseau, « Malpertuis », évoque les difficultés de passage du chemin dans une vallée relativement étroite.

Ensuite, au-delà du col du Marchand, en direction de Pailharès, le chemin est bien identifié, par le Tracol et la Garde puis Royer.

Il est difficile de savoir si cette voie présente une réelle importance. Elle ne semble pas constituer un axe d’importance interrégionale première à légal des vallées de la Cance et de la Deûme, mais il ne faut pas pour autant en faire un axe secondaire. Satillieu est d’ailleurs un poste de perception du péage de Mahun, château se trouvant à l’écart de toute route. Une transaction réglant un différend survenu en 1264 entre Aymar, seigneur de Beaudiner, et le seigneur de Mahun atteste ainsi des circulations empruntant cette route. Il est convenu par l’intermédiaire de Guigue, seigneur de Roche, que les vassaux du seigneur de Beaudiner seront exempts de tous droits de péage ou de pulvérage sur la terre de Mahun et tous les vassaux du seigneur de Mahun seront exempts de tous droits de péage ou de pulvérage sur la terre du seigneur de Beaudiner. En outre, les vassaux des deux seigneuries seront exempts de péage à Saint-Bonnet-le-Froid ( 2604 ). Il est significatif que les vassaux du seigneur de Beaudiner, seigneurie située sur les confins du Vivarais et du Velay, obtiennent des franchises pour le péage de Mahun qui est perçu à Satillieu et inversement, que les hommes de la seigneurie de Mahun, donc ceux du village de Satillieu, obtiennent des franchises pour les péages vellaves de Beaudiner et de Saint-Bonnet-le-Froid. Les circulations soutendant cette transaction évoquent directement les relations du Piedmont rhodanien avec le Velay par la vallée de l’Ay.

Plusieurs éléments permettent de supposer fortement que cette route existait dès le Xè siècle, au moins jusqu’à Satillieu et sans doute au-delà vers Pailharès. Tout d’abord, la villa que vocatur Satiliacus, située in agro Annonagicense, est mentionnée dès 996 dans le cartulaire de Saint-André-le-Bas ( 2605 ). Il est donc vraisemblable que le centre de la viguerie ait été relié à une villa périphérique de l’ager par une route, quel que soit son degré de développement. Dans ce même acte, figure aussi la mention comme confront d’une via publica passant par la villa de Satillieu. Certes, rien n’indique assurément que cette via publica soit la route qui nous intéresse ici, mais nous pouvons raisonnablement le présumer pour trois raisons.

Tout d’abord, le qualificatif de publica ne renvoit-il pas à une route liée au pouvoir public siégeant en la viguerie d’Annonay qu’elle rejoint ?

Le second élément plaidant en faveur de l’identification de la via publica de 996 avec la route de la vallée de l’Ay des trois derniers siècles du Moyen Age est le fait qu’en direction du sud, après Satillieu, elle rejoigne Pailharès, autre chef-lieu d’ager, ce qui justifierait le qualificatif de « public » employé en 996, cette route reliant les deux chefs-lieux de viguerie voisins.

Le troisième élément nous permettant de penser que cette route importante de 996 est bien la route reliant Annonay à Satillieu est d’ordre géographique. En effet, si l’on admet que la villa de Satillieu correspond pour l’essentiel à la paroisse de Satillieu, cette dernière ne devait pas s’étendre beaucoup plus loin que la seule vallée de l’Ay à laquelle la paroisse est confinée. La géographie de la villa, de fait très linéaire, ne laisse pas la place à une autre route importante, ni au Xè siècle, ni après.

Il ressort donc que cette route d’importance moyenne au cours des derniers siècles du Moyen Age est certainement l’héritière d’un axe d’origine publique reliant deux chefs-lieux d’agri. Peut-être faut-il voir dans cette origine « administrative » la raison de son faible développement entre les XIIIè et XVè siècles. Son orientation nord-sud dictée par son rôle initial non commercial ne correspond en effet pas, nous le verrons par la suite, aux courants d’échanges dominants qui eux, sont orientés est-ouest.

Notes
2603.

) AN, KK 1230.

2604.

) AN, H4 3082/1.

2605.

) Cartulaire de Saint-André-le-Bas, n°157, p. 115.