Un tracé antique ?

Le cadastre ancien nous permet de suivre son tracé sur une grande part de son parcours. Le chemin quitte la vallée du Rhône au niveau du petit port de Silon puis gravit rapidement le coteau en direction du château de Revirand pour ensuite cheminer sur le plateau séparant les vallées de l’Ay et de la Cance par Corme. Sur cette section, le chemin est dit sur le cadastre napoléonien « Chemin du port de Silon à Corme » ( 2616 ) et il présente à plusieurs reprises sur le terrain deux ornières nettes, quoi que peu profonde ( 2617 )..

Après Corme, le chemin est ensuite appelé « Varogne » ou « Verogne » selon les planches du cadastre ( 2618 ). Il continue sous cette appellation par le sud du hameau de Thoué, puis passant au nord d’Ardoix il arrive à La Croisette et Prat. Ensuite, toujours sous le nom de Verogne ou de Varogne, il entre sur la commune de Quintenas où il passe au lieu de Centuron ( 2619 ) pour finir par rejoindre la vallée de l’Ay et Satillieu par Prapérier.

La route reliant Silon à Satillieu, qui a été popularisée par l’érudition sous le nom de « Varogne », nom figurant sur le cadastre est probablement un axe d’origine antique. L’étymologie présentée pour Varogne voudrait que ce soit la contraction de Via Rodania, bien qu’aucun texte ancien ne nous ait jamais livré une telle appellation ( 2620 ). Constatons que le nom de Varogne ne s’applique pas uniquement à la route reliant le port de Silon à Satillieu qui nous occupe ici, mais qu’il désigne aussi la voie d’Antonin le Pieux qui chemine le long du Rhône, comme par exemple à Saint-Jean-de-Muzols ( 2621 ). Dans ce dernier cas, l’itinéraire en question est effectivement une voie romaine bien reconnue et assurée. Autre argument toponymique, le nom Satillieu, destination de la route, est d’origine antique, formé sur le nom d’homme Satillius complété du suffixe -acum ( 2622 ). Plusieurs sites antiques, ou indices de sites, jalonnent la route et ses abords comme à Corme, Ardoix, Rome, Manoha ou encore Pestrain ( 2623 ). Remarquons aussi que le tracé de la route passe à quelques centaines de mètres seulement au nord du village d’Ardoix mais n’effectue aucun détour pour y passer, de même qu’il évite Saint-Romain-d’Ay en passant au sud. Deux réseaux de chemins radioconcentriques très nets se développent autour de ces deux paroisses pour desservir leur terroir mais le chemin de Varogne ne s’y inscrit jamais. Il leur est tout à fait étranger et manifestement antérieur.

Notes
2616.

) Ardoix, cadastre de 1832, tableau d’assemblage.

2617.

) Les plus nettes sont visibles face au château de Revirand, lorsque la route marque un brusque virage vers le nord. Le substrat granitique pourtant très résistant est ici entaillé sur une dizaine de centimètres de profondeur.

2618.

) Ardoix, cadastre de 1832, section de Manoha feuille A2, section d’Ardoix feuille D1 ou section de Corme et Thoué feuille B1.

2619.

) Quintenas, cadastre de 1832, tableau d’assemblage.

2620.

) Guigal (M.) : « Les faux blocs à cupules de la Varogne », art. cit., p. 38.

2621.

) Le « chemin de Varogne » figure sur le cadastre napoléonien et le lieu-dit de Varogne traversé par la voie d’Antonin figure aussi sur la carte I.G.N. 1/25000è n°3035 ouest Tournon, au confluent du Doux et du Rhône.

2622.

) Dauzat (A.) et Rostaing (C.) : Dictionnaire étymologique des noms de lieux en France, op. cit., p. 645.

2623.

) Renseignements Christelle Fraisse, Centre de Documentation Archéologique d’Alba-la-Romaine.