Par Boucieu et les rives du Doux

La bastide de Boucieu, de création tardive puisque fondée en 1291 ( 2691 ), est postérieure à la route et n’est reliée à cette dernière que par deux axes descendant au fond de la vallée du Doux. Ceux-ci sont mentionnés à plusieurs reprises à Boucieu même en direction de Tournon, comme en direction de Lamastre et du Puy.

En direction de Tournon, en 1410, la carreria de Boucieu à Tournon longe le Doux au sortir de Boucieu ce qui nous donne une indication de sa direction générale ( 2692 ). Ici, la route est désignée par le terme rarissime en milieu rural, de carreria, et non par la très courante via, ou encore par itinere. Sans doute faut-il voir dans ce choix le fait que nous soyons très proches du bourg et que la route est encore considérée comme le prolongement de la rue centrale de Boucieu. En 1463, un acte nous permet de mieux situer le passage de la route dans Boucieu. Un jardin situé in eodem loco Borcii, est confronté par la carreria antiqua eisdem loci qua itur de ipso loco Borcii ad locum Turnone ( 2693 ). Au sortir de Boucieu en direction de Tournon, la route se heurte rapidement aux gorges du Doux qui lui impose de quitter les berges de la rivière et de venir se raccorder rapidement à l’axe principal passant par Colombier-le-Jeune. Sur le cadastre, figure encore un chemin pouvant correspondre à notre route. Celui-ci constitue le prolongement de la rue principale de Boucieu vers l’est. Il passe par les lieux-dits de Fay ( 2694 ), puis de Tracoulaud ( 2695 ), déformation diminutive du Tracol que l’on rencontre fréquemment le long des routes. Pour finir, il se rattache à l’axe principal au niveau du hameau de Dielle.

Depuis Boucieu, un autre chemin part en direction de Lamastre désigné en 1300 alors qu’il passe au territoire de Saint-Chaffre, à côté de la dite villeneuve [de Boucieu], subtus lo bachas in quo aqui adaquntur iuxta strata seu viam per quam itur a dicta villa [de Boucieu] ad civitatem Aniciensis ( 2696 ). C’est la seule mention médiévale que nous en ayons. Le cadastre et la documentation du XVIIIè siècle permettent de proposer un tracé. Le lieu-dit de Saint-Chaffre a disparu du cadastre napoléonien, toutefois, le toponyme de la Chapelle ( 2697 ) peut nous rappeler le souvenir de la présence des moines de Saint-Chaffre. Ce lieu-dit est justement situé sur un sentier encore partiellement cadastré en 1832. Ce sentier est cité au XVIIIè siècle, lorsqu’il est envisagé de modifier le tracé des chemins du secteur, modifications qui aboutiront à l’établissement des itinéraires actuels. Il est alors noté qu’un chemin descendait de la route de Tournon à Lamastre vers Boucieu. Il se séparait de la grande route au niveau de Ratier, mais est dit « perdu », totalement embroussaillé au XVIIIè siècle ( 2698 ). Ce peut donc bien être notre chemin médiéval délaissé, abandon que viennent sceller les travaux du XVIIIè siècle. Au sortir de Boucieu, ce chemin est dans le prolongement de la rue principale. Il descend non loin du Doux passant par le Moulin du Roi, puis devant le pont et enfin au quartier de la Chapelle dont nous avons parlé ( 2699 ). A ce niveau, il remonte directement en direction de Rattier en passant par les Prés et Rochegude. A Rattier, il retrouve la route principale de Tournon au Puy ( 2700 ).

Sur cette section, le qualificatif « royal » qui s’applique à l’axe Tournon - Le Puy porte au niveau de Boucieu sur le chemin détourné qui passe par la bastide de Boucieu même. Ainsi, les deux axes desservant Boucieu sont qualifiés dès le milieu du XIVè siècle d’itinere regio ( 2701 ) ou encore d’iter regium ( 2702 ). Qu’en est-il du chemin direct sur cette section : perd-il son qualificatif ou non ? Aucun texte ne nous l’indique, mais il est net ici que nous avons à faire avec ces deux chemins desservant Boucieu à deux routes postérieures à l’axe principal, qui lui continue droit et sert ici de limite de paroisses, signe de son ancienneté relative dans le Moyen Age.

Il semble qu’un péage ait été perçu dans la traversée du mandement de Saint-Romain, péage relevant successivement du château de Saint-Romain, puis de Boucieu même après la fondation de la bastide royale à la fin du XIIIè siècle. Nous ne savons néanmoins pas où il était levé. Le péage transféré à la bastide pouvait tout à fait être levé sur la rue principale de la bourgade qu’emprunte la route. Cependant, avant ce déplacement, alors que le péage était attaché au château de Saint-Romain, il est nécessaire d’envisager la présence d’un autre poste de perception que le château lui-même qui est très à l’écart, un à deux kilomètres au nord de la route ( 2703 ). Seule semble en effet passer à proximité du château la route d’intérêt local conduisant à Colombier-le-Vieux.

Notes
2691.

) Sur Boucieu-le-Roi, cf. t. I, p. 481-482.

2692.

) AD 07, 1E 213, f°6v°.

2693.

) AD 07, 1J 214, f°28.

2694.

) Boucieu-le-Roi, cadastre de 1837, section B1 dite de Boucieu.

2695.

) Tracolas à l’heure actuelle, Boucieu-le-Roi, cadastre de 1837, section C1 dite de Fontfreyde.

2696.

) AD 43, 17H 24, n°8.

2697.

) Boucieu-le-Roi, cadastre de 1837, section A1 dite de Montchal.

2698.

) AD 07, C 786.

2699.

) Boucieu-le-Roi, cadastre de 1837, section B1 dite de Boucieu.

2700.

) Boucieu-le-Roi, cadastre de 1837, section A1 dite de Montchal.

2701.

) AD 07, 1J 212, peau 22.

2702.

) Ibidem, peau 16.

2703.

) Sur le château de Saint-Romain, au lieu-dit de Mordane, cf. Laffont (P.-Y.) : Pouvoirs, châteaux et habitats en Vivarais, X è -XIII è siècles, op. cit., vol. III, p. 332.