A partir de Pailharès, les trois chemins se rejoignent. Ensuite, nous retrouvons la route en 1416 à plusieurs reprises dans sa traversée de la paroisse de Pailharès indistinctement appelé chemin de Pailharès à Saint-Agrève ( 2816 ), de Flachet à Saint-Agrève ( 2817 ) ou de Saint-Félicien à Saint-Agrève ( 2818 ).
Après Pailharès en direction de Saint-Agrève, le chemin est encore mentionné au mas de Mahussier en 1416 ( 2819 ), puis ensuite, aucun texte ne nous permet de préciser son tracé. Aucun axe ne figure non plus sur les cartes du XVIIIè siècle, signe de l’importance alors toute secondaire de la route. Heureusement, sur le cadastre, la continuation de notre chemin après Mahussier est assez nette. Sa complète continuité ne pose pas de problème jusqu’au col du Buisson ; après Mahussier, le chemin continue par Le Faure ( 2820 ) puis par Adret et Saigne pour arriver au col du Buisson ( 2821 ).
Au-delà du col du Buisson, la descente vers le Doux est, elle aussi, renseignée par le cadastre. Le chemin y figure sous le nom de « chemin d’Agrève ( 2822 ) à Pailharès ». Il quitte le col en descendant vers Faugeas puis Agrève et Molières, non loin es rives du Doux ( 2823 ). Aucun pont n’est mentionné dans les textes médiévaux, ni ne figure sur le cadastre napoléonien. De même, il n’en existe aucun cet endroit de nos jours. Sur place, aucun vestige même ténu ne nous semble pouvoir accréditer l’idée qu’il y en ait eu un jour un.
Une fois le Doux traversé, vraisemblablement à gué ou sur une planche - ici il est encore près de sa source et ne constitue qu’un modeste ruisseau - le chemin entre dans la paroisse de Saint-Jeure-d’Andaure. Sur le cadastre de cette commune, figure le « chemin de Saint-Félicien à Saint-Jeure » suivit du « chemin de Saint-Jeure à Saint-Agrève » correspondant sans doute à notre route. Au bord du Doux, ce chemin fait face à celui de Molières, sur la paroisse de Pailharès. Très directement et de manière rectiligne, il remonte depuis Galey ( 2824 ) vers le lieu-dit de la Croix de Jeangrand ( 2825 ). Plus aucun sentier ne semble exister à l’heure actuelle sur cette section, mais le tracé est encore net au début du XIXè siècle. De la Croix de Jeangrand, toujours en droite ligne, le chemin gagne Saint-Jeure même, puis passant au hameau de Besset ( 2826 ), à l’Hermet et à La Clavière arrive Saint-Agrève. Au niveau de Besset, le toponyme « Tracoulaud », situé au sud de la route, peut laisser penser qu’un autre axe a existé sur quelques centaines de mètres, mais ni la documentation médiévale ni le cadastre ne nous en laissent percevoir le tracé. A Saint-Agrève, le chemin entre dans le bourg castral par la Porte de Vienne, nom évocateur qui ne laisse subsister aucun doute sur sa destination : la vallée du Rhône par Saint-Félicien ( 2827 ).
Nous n’avons aucune indication précise sur l’importance de cet axe à la fin du Moyen Age. Le nom de la porte par laquelle il sort de Saint-Agrève, la « Porte de Vienne », laisse toutefois penser qu’il n’était pas seulement utilisé par les circulations locales mais que cet axe avait une certaine importance dans les relations interrégionales unissant le sillon rhodanien au Velay : au-delà de Pailharès le chemin ouvre sur Vaudevent, le Piedmont annonéen et le nord de la vallée du Rhône. Toutefois, on peut constater que ce chemin a perdu de son importance après le Moyen Age. En effet, très raide, la descente de Saint-Jeure au Doux ne permet pas le passage d’un attelage et aucuns travaux ne semblent en avoir modifié le tracé au XVIIIè siècle, ce que corrobore son absence sur la carte de Cassini. Cela peut sans doute aussi expliquer l’absence de pont sur le Doux.
Cet axe est-il ancien ? Il est difficile de répondre à cette question mais remarquons que le castrum de Saint-Agrève se structure autour de trois axes sur lesquels ouvrent ces trois portes, notre route comptant parmi ces trois. Il semble donc que nous sommes en présence d’un carrefour routier antérieur à l’établissement du bourg castral, carrefour autour duquel l’habitat s’est structuré, sans doute à la fin du XIè siècle ou au XIIè siècle, les rues du castrum conservant le plan des trois axes préexistants ( 2828 ). Si notre route est antérieure au XIIè siècle, peut-on considérer qu’elle est du haut Moyen Age ? Elle ne sert jamais de limite de paroisse sur aucune partie de son parcours et tout au plus un texte nous apporte la preuve de l’existence du tronçon Saint-Félicien - Pailharès dès le milieu du Xè siècle. Dans les années 950-960, Otrannus et sa femme Eradis donnent à l’abbaye Saint-Barnard de Romans, dont l’archevêque de Vienne Teudbaldus est abbé, la moitié d’un manse situé dans l’ager de Pailharés in villa nominata Geviniano confrontée de superiore fronte via publica ( 2829 ). La villa nominata Geviniano, dans l’ager de Pailharès, peut correspondre à l’actuel lieu-dit de Gamon, à l’est du village de Pailharès, à la limite des communes de Saint-Félicien et de Pailharès. Dans ce cas, la via publica qui passe au nord de la villa est certainement la route de Saint-Félicien à Pailharès, que nous retrouvons à la fin du Moyen Age comme un segment de la route de Saint-Félicien à Saint-Agrève. Retenons en outre que cette via est qualifiée de publica, ce qui est rarissime en cette période. Peut-être prend-elle ce qualificatif car elle dessert le chef-lieu d’ager qu’est Pailharès comme nous l’avons déjà suggéré pour la route d’Annonay à Satillieu ?
Pour finir, remarquons que la paroisse de Pailharès ( 2830 ) se développe très curieusement en direction du Doux par une excroissance située au-delà du col du Buisson et qui justement suit le même axe que la route. Ne pourrait-on pas y voir un signe supplémentaire de l’ancienneté de la route. En effet, dans cette région peu peuplée avant les siècles carolingiens, il n’est pas inconcevable que des défrichements pionniers aboutissant à l’extension de la paroisse de Pailharès vers l’ouest se soient effectués prioritairement le long de la route ce qui lui donnerait de fait cette forme assez curieuse et cette structure très hétérogène. La situation est certainement encore plus nette sur l’itinéraire suivant avec le cas de la paroisse de Bosas. Tout ceci ne peut malheureusement que rester simple supposition faute d’éléments probants.
) AD 07, 1J 216, f°45v°.
) Ibidem, f°61v°.
) Ibidem, f°61v°.
) Ibidem, f°45v°, Pailharès, cadastre de 1837, section C2 dite du Village.
) Pailharès, cadastre de 1837, section C2 dite du Village.
) Pailharès, cadastre de 1837, sections D1 et D2 dite de Blache.
) Il s’agit ici du quartier d’Agrève, sur la paroisse de Pailharès par lequel passe notre route et non de Saint-Agrève.
) Pailharès, cadastre de 1837, section C dite de Agrève.
) Saint-Jeure-d’Andaure, cadastre de 1836, section B2 dite de La Suche.
) Saint-Jeure-d’Andaure, cadastre de 1836, section C1 dite de Saint-Jeure.
) Saint-Jeure-d’Andaure, cadastre de 1836, section A1 dite des Chazeaux.
) Sur la topographie urbaine de Saint-Agrève, cf. t. I, p. 505.
) Sur la chronologie de l’incastellamento en Vivarais, cf. Laffont (P.-Y.) : Châteaux, pouvoirs et habitats en Vivarais, X è -XIII è siècle, op. cit., vol. I, p. 348-350 où l’auteur montre que le castrum apparaît lentement dans la seconde moitié du XIè siècle pour devenir une réalité générale au XIIè siècle, les dernières fondations tardives intervenant avant le milieu du XIIIè siècle. Pour le cas spécifique de Saint-Agrève, ibidem, vol. III, p. 291-296.
) Chevalier (U.) : Cartulaire de Saint- Barnard, op. cit., n°34.
) Aucune étude spécifique n’a été conduite sur les limites de la paroisse de Pailharès. Néanmoins, nous avons pu observer dans la région que, le plus souvent, les limites paroissiales de la fin du Moyen Age et les limites communales actuelles correspondent.