De Vernoux à Chalencon

Après Vernoux, le chemin franchi la Dunière au vadum Draonerie, à proximité duquel, en 1200, les templiers de Valence possèdent deux terres ( 2868 ). Ce gué peut-être localisé non loin du hameau de Dunière, situé lui-même au sud du quartier de la Grange aussi mentionné dans l’acte. Sur le cadastre, figurent encore deux chemins continus pouvant correspondre à notre route.

message URL Chalencon5.gif
Carte n°67

Une première branche gagne le hameau au toponyme évocateur de Revicole, au bord de la Dunière ( 2869 ). A ce niveau, la route figurant sur la carte de Cassini effectue un grand détour vers le sud pour descendre au niveau de la rivière et la franchir par un pont qui, bien qu’il soit difficile à dater, évoque un ouvrage tardimédiéval ( 2870 ). Cette grande boucle, encore nettement cadastrée au début du XIXè siècle, évoque un aménagement postmédiéval, alors qu’un chemin rectiligne descend encore droit vers le pont depuis Revicole. Sans doute est-ce l’héritier du chemin médiéval dévalant la pente en droite ligne vers la rivière. Ce sentier, tout à fait praticable par une couble de mulet ne l’est absolument pas par un chariot chargé ce qui explique très bien la construction de la descente en lacet figurant sur la carte du XVIIIè siècle.

La seconde branche identifiée continue jusqu’au hameau de Dunière lui-même, en contrebas duquel elle traverse la rivière à gué. Remarquons ici que le gué en question nous fournit un bon exemple de toponyme lié à la traversée de l’eau. L’hydronyme, la Dunière, est devenu un petit toponyme situé au point de traversée de la rivière : la Dunière se transverse sur le gué de Dunière, au hameau de Dunière, cas que l’on rencontre en de nombreux autres points du réseau routier.

Une fois franchie la Dunière, ces deux chemins parallèles continuent vers Silhac en se rejoignant au niveau de Morison ( 2871 ). Bien que non documenté au Moyen Age sur cette section, il est difficile, eu égard au relief du secteur, d’envisager un autre tracé, sauf à lui assigner un profil particulièrement difficile et accidenté que la logique fait repousser.

A la sortie de Silhac, le chemin continue en direction de Chalencon où la route est mentionnée au XVè siècle ( 2872 ). Nettement identifiable sur le cadastre, il oblique vers le nord et passe par le hameau de Besse ( 2873 ). La porte par laquelle la route de Valence au Puy entre à Chalencon est dite en 1489 « Porte de Besse » ( 2874 ), preuve de l’orientation de la route et de son passage par ce lieu-dit. Le chemin actuel passant par Comberon et par Combes ( 2875 ) n’est pour sa part qu’un aménagement dont les travaux ont débuté en 1743, visant à améliorer l’arrivée à Chalencon, particulièrement difficile et raide au niveau de la Planche ( 2876 ).

Au Moyen Age, Chalencon est le centre économique du plateau de Vernoux, cette dernière localité, qui aujourd’hui dépasse Chalencon en importance, étant alors beaucoup plus modeste ( 2877 ). Outre la route conduisant de Valence au Puy, un autre axe important relie Chalencon à Privas. On le retrouve mentionné à de nombreuses reprises dans la documentation de la fin du Moyen Age. Un autre itinéraire d’importance secondaire en part aussi en direction de Boucieu au nord ( 2878 ). Chalencon est donc indéniablement un bourg en position de carrefour. L’importance de la route dans le développement de cette localité à la fin du Moyen Age se lie nettement dans le parcellaire : le bourg prend la forme d’une agglomération rue, centrée autour d’une rue principale qui n’est autre que le prolongement de la route une fois passée la Porte de Besse. Cette rue qui porte encore de nos jours le nom de « Rue Royale » prend en 1480 le nom évocateur de carreria recta ( 2879 ).

Remarquons ici que le premier château de Chalencon, le « château vieux » est situé loin du chemin, sur le versant sud du plateau dominant l’Eyrieux. Au contraire, le « château neuf » de Chalencon est au bord même de la route ( 2880 ). La succession des deux sites dans la seconde moitié du XIè siècle et l’abandon du château vieux seraient-ils à lier, entre autres facteurs, à la présence de la route et à son développement qui provoque un repentir des promoteurs du château vieux contrôlant trop difficilement la circulation routière depuis leur nid d’aigle isolé. Chalencon est en effet un centre de perception de péage important dès le XIIIè siècle au moins ( 2881 ), ce qu’a assurément facilité l’implantation du château et que n’aurait pas permis dans les mêmes conditions le site de château vieux.

Notes
2868.

) AD 13, 56H 5087.

2869.

) Vernoux, cadastre de 1824, section I1 dite de Vernoux.

2870.

) Cf. t. I, p. 123.

2871.

) Silhac, cadastre de1824, section D2 dite de Silhac.

2872.

) AD 07, C 196, f°518.

2873.

) Silhac, Cadastre de 1824, section C1 dite de Vaugeron.

2874.

) AD 07, C 196, f°518.

2875.

) Silhac, Cadastre de 1824, section A2 dite d’Uzanoux.

2876.

) AD 07, C 906.

2877.

) Sur le développement urbain de Chalencon, cf. vol. I, p. 478-479.

2878.

) Le chemin mentionné dans les textes de la fin du Moyen Age comme « route de Boucieu à Chalencon » n’est pas individualisé sur tout son tracé mais se confond avec de la route de Valence au Puy que nous décrivons de Vernoux à Chalencon.

2879.

) AD 07, 2E 18330, f°5.

2880.

) Sur les deux châteaux de Chalencon, cf. Laffont (P.-Y.) : Châteaux, pouvoirs et habitats en Vivarais, X è -XIII è siècles, op. cit. , vol. III, p. 70-72 et p. 88.

2881.

) Sur le péage de Chalencon, cf. t. I, annexe n°13.