B- De Valence à Saint-Agrève par Soyons, Toulaud et Vernoux, cartes n°64 à 66

Un autre axe venant du sud, arrivant de la vallée du Rhône par Toulaud, se greffer sur chemin précédemment décrit au niveau de Vernoux,. Il n’est toutefois pas très bien renseigné par nos sources, au moins sur la première partie de son tracé, de Soyons à Toulaud. Ensuite, de Toulaud à Vernoux, le chartrier de Pierregourde nous apporte plusieurs textes permettant de le situer avec précision. En 1470, l’iter regio est mentionné au lieu-dit Dysa, dans le mandement de Toulaud, comme confront d’une terre alors aux mains du seigneur de Pierregourde ( 2903 ), lieu qu’il faut certainement identifier avec le mas d’Ayes actuel ( 2904 ). Entre Toulaud et le Rhône, le tracé du chemin n’est pas renseigné, mais l’importance du port de Soyons pour la traversée du fleuve, quelques kilomètres en aval de Valence, laisse penser que ce chemin y conduit et que la population du plateau de Vernoux traverse prioritairement le Rhône à Soyons pour se rendre à Valence ( 2905 ).

De Soyons à Toulaud, les contraintes de relief sont fortes et ne laissent que peu de possibilité à un chemin pour passer : le fleuve est, en effet, ici bordé de falaises. Le départ de la vallée du Rhône ne peut donc se faire que par le nord de Soyons. Nous avons pu localiser deux axes.

Le premier quitte Soyons en contournant au plus près la Serre de Guercy sur laquelle se trouve l’oppidum du Malpas. Renseigné par aucun texte, la toponymie très évocatrice permet de restituer ce chemin avec une assez grande certitude. Le long de cette route, dans la montée vers Toulaud se trouvent en effet les lieux-dits Chaussa et Tracol qui tous deux renvoient à la présence de la route, auxquels il faut ajouter le Malpas que la route contourne ( 2906 ). Le chemin passant par ces deux lieux-dits continue ensuite sur le plateau de Toulaud par Forite puis arrive au village de Toulaud même ( 2907 ).

Le second tracé est pour sa part indiqué à plusieurs reprises durant tout le XVè siècle dans les terriers de l’abbaye de Soyons, passant au lieu-dit La Lauze, au nord du premier chemin ( 2908 ). De Soyons à la Lauze, la route actuelle décrit plusieurs lacets, mais il est net sur le cadastre que le chemin initial montait directement face à la pente, selon l’axe d’un sentier qui subsiste encore. Après la Lauze, la route gagne le rebord du plateau au niveau de La Corniche ce qui lui permet de contourner l’obstacle constitué par la Serre de Saint-Christol. Ensuite, le tracé est direct jusqu’à Toulaud, par le Creux du Char et La Grange.

Bien que passant immédiatement au pied du château de Toulaud, la route ne semble ici faire l’objet d’aucune taxation particulière ( 2909 ).

Ensuite, de Toulaud au lieu des Ayes où la route est mentionnée en 1470, un chemin de crête subsiste encore pouvant être l’héritier du chemin médiéval, la route actuelle ne semblant elle pas antérieure au XVIIIè siècle dans la mesure où elle serpente sur les flancs de la serre en multipliant les détours afin de s’adapter au roulage.

Au-delà du Col des Ayes, ce chemin de crête continue par le hameau de Bernard puis par Rome et Les Colanges ( 2910 ). Ensuite, il se poursuit très nettement par le quartier de Saint-André ( 2911 ) où il est mentionné en 1306 lors d’une transaction de bornage des possessions du seigneur de Crussol et du seigneur de Pierregourde ( 2912 ).

Au niveau du quartier de Saint-André, le chemin traverse le mandement de Pierregourde dans l’étendue duquel se lève un péage ( 2913 ). Néanmoins, ce dernier ne peut-être perçu au château de Pierregourde même, situé à l’écart des axes routiers importants puisqu’isolé à l’extrémité d’une serre rocheuse abrupte ( 2914 ). Nous ne savons néanmoins pas où se situaient les postes de perception.

Après Saint-André, la route entre sur le plateau de Vernoux et passe à la Serre des Fourches où elle est mentionnée sur le cadastre de 1824 comme la « route de Vernoux à Toulaud » ( 2915 ). Ce toponyme Serre des Fourches qui se trouve en limite du mandement de Pierregourde est certainement à rattacher à la présence de fourches patibulaires, symbole de la justice seigneuriale implanté de manière significative non loin de la route.

Cette route continue sur le plateau de Vernoux par le lieu-dit de Fontanet ( 2916 ), à peu de distance de Saint-André, où elle confronte une terre en 1333 ( 2917 ). Le cadastre permet ensuite de penser qu’elle passe par Mellière ( 2918 ) pour finir par rejoindre la route venue de Valence par Boffres non loin du Col de la Justice.

Il est difficile de cerner l’importance de ce chemin à la fin du Moyen Age. Toutefois, il est qualifié d’itinere regio en 1470 à Toulaud ( 2919 ), signe que ce n’est pas un chemin simplement ouvert pour les relations locales. En outre, le port de Soyons auquel arrive ce chemin n’est pas d’importance uniquement locale mais il participe aux relations de la ville de Valence en direction de l’ouest. La prolongation de la route de Toulaud de l’autre côté du Rhône, en direction de Valence, prend d’ailleurs à la fin du XVè siècle le qualificatif de « grand chemin » ( 2920 ).

La route de Soyons à Vernoux est donc un axe adjacent à l’itinéraire principal passant par Saint-Péray. D’importance moindre que ce dernier, elle n’en est pas moins empruntée par les marchands se rendant à Valence.

Notes
2903.

) AD 69, EP 119, pièce 14.

2904.

) Toulaud, cadastre de 1811, section E dite de Bonnet.

2905.

) Rossiaud (J.) : Réalité et imaginaire d’un fleuve. Recherches sur le Rhône médiéval, op. cit., t. I, vol. II, p. 436.

2906.

) Cf. Darnaud (O.) : Le site médiéval de Soyons, VI è -XIII è siècles, recherches archéologiques et apports documentaires, op. cit., p. 70.

2907.

) Toulaud, cadastre de 1811, section B dite de Toulaud.

2908.

) AD 26, 23H 40, f°21v°.

2909.

) Cf. Laffont (P.-Y.) : Châteaux, pouvoirs et habitats en Vivarais, X è -XIII è siècles, vol. 3, p. 356.

2910.

) Toulaud, cadastre de 1811, section F dite de Seauve.

2911.

) Boffres, cadastre de 1824, section F2 dite de Bras.

2912.

) AD 69, EP 122, pièce 9.

2913.

) Cf. t. I, annexe n°13.

2914.

) Sur le château de Pierregourde, cf. Laffont (P.-Y.) : Châteaux, pouvoirs et habitat en Vivarais, X è -XIII è siècles, op. cit., vol. III, p.249-250.

2915.

) Boffres, cadastre de 1824, section F2 dite de Bras.

2916.

) Boffres, cadastre de 1824, section G1 dite de Muans.

2917.

) AD 69, EP 128, pièce 2.

2918.

) Boffres, cadastre de 1824, section G2 dite de Muans.

2919.

) AD 69, EP 119, pièce 14.

2920.

) Rossiaud (J.) : Réalité et imaginaire d’un fleuve. Recherches sur le Rhône médiéval, op. cit., t. I, vol. II, p. 436.