b- De Saint-Didier-de-Crussol à Chalencon

A Saint-Didier, en 1340, une terre des hospitaliers de Saint-Jean-de-Jérusalem de Valence, dont le membre de Grozon n’est pas loin, confronte l’itinere publico de Saint-Didier à Chalencon ( 2975 ). A ce niveau, notre chemin croise la route de Valence au Puy par Lamastre.

Ensuite, le chemin passe par le hameau de Vialette puis par Barjac pour gagner le Noyaret qui en 1294 porte le nom de transcollum ( 2976 ), évocateur du passage de la route. Le relief forme ici un petit ensellement par lequel s’insinue la route. De là, la route continue vers le sud-ouest et passe ensuite à Charraters, où elle confronte en 1347 une terre de la grange de Grozon des hospitaliers de Valence ( 2977 ). Le lieu-dit Charraters est certainement à identifier avec le hameau Charratier. Après, passant par Les Fanges, un sentier est encore nettement cadastré et conduit à Châteauneuf-de-Vernoux puis de là à Vernoux où notre axe rejoint la route de Boffres à Chalencon.

A ce niveau, la route traverse le mandement de Châteauneuf-de-Vernoux dans l’étendue duquel se prélève un péage aux deux derniers siècles du Moyen Age ( 2978 ).

Cette route est avant tout régionale, utilisée à l’échelle du plateau de Vernoux et de ses abords. Elle n’est jamais qualifiée de route royale, mais toujours de simple itinere publico. Hormis Chalencon au sud, principale bourgade du plateau, le gros village de Vernoux lui-même et Boucieu, cour de justice royale au nord, elle ne passe par aucun centre majeur et ne traverse que de modestes villages. D’une importance commerciale limitée, cet axe doit sans doute une large part de son trafic à la présence de la cour de justice royale de Boucieu à partir de 1329 et jusqu’au XVIè siècle ( 2979 ). Sans toutefois surestimer l’attraction qu’a pu exercer ce « centre administratif », notons que son ressort s’étend au sud jusqu’à Chalencon, terminus de la route. En ce sens, cette route de Chalencon à Boucieu s’apparente tout à fait à la route d’Annonay à Boucieu que l’on rencontre au nord du Doux et qui passe par Vaudevent ou Satillieu puis par Saint-Félicien et Bosas, conduisant de la cour de justice aux marges nord de son ressort.

Non loin de la route de Boucieu à Chalencon se dressent les vestiges d’un pont enjambant le Duzon au nord du village de Saint-Sylvestre. Il figure sur les cartes sous le nom de « pont romain ». A l’heure actuelle, il n’en subsiste que l’intrados de l’arche bâti en granit local mal équarri reposant sur deux culées à avant-becs triangulaires. Rien ne nous semble devoir accréditer la vénérable antiquité dont il est généralement paré mais qui a toutefois été mise en doute après un examen architectural sérieux ( 2980 ). Dans une région pas ou très peu occupée durant l’Antiquité, rien ne permet de penser que nous soyons sur le tracé d’une « voie antique » dont les pavages seraient encore visibles au sortir du pont contrairement à ce qui a encore été récemment écrit ( 2981 ). Un tel pavage encore au jour à l’heure actuelle n’a aucune chance d’être antique mais se rattache plus certainement au XVIIIè ou au XIXè siècle, probablement comme le pont.

Globalement, il apparaît donc que le plateau de Vernoux est traversé par un axe principal reliant Valence au Puy en passant par Boffres, Vernoux, Chalencon et Saint-Agrève. Cette route occupe une place tout à fait prépondérante dans les relations interrégionales, place que traduit son rang de route royale au XVè siècle. Autour de cet axe principal gravitent plusieurs autres routes. La plus importante d’entre elles relie Valence à Lamastre par Grozon. Les autres chemins identifiés permettent pour l’essentiel de gagner ces deux axes principaux depuis la vallée du Rhône, ce qui donne au réseau viaire local l’aspect d’un éventail entre le Rhône et Vernoux. Pas moins de cinq autres chemins, doublant l’axe principal sur ses vingt premiers kilomètres, passent par la région de Saint-Laurent-du-Pape au sud, ou par Toulaud plus au nord.

Si l’importance des routes traversant le plateau de Vernoux d’est en ouest à la fin du Moyen Age ne fait pas de doute, leur ancienneté dans le Moyen Age est plus difficile à cerner. Aucun texte ne vient nous indiquer l’existence de l’une d’entre elle avant le XIIIè siècle et l’état du peuplement de la région nous incite à penser que nous sommes dans un secteur encore largement inhabité avant les siècles carolingiens et l’implantation d’un chef-lieu de viguerie à Chalencon. Seule la route Valence - Saint-Agrève qui passe à Chalencon semble connaître un premier essor précoce, dès les VIIIè ou IXè siècles. Pour les autres, il faut certainement attendre les XIè ou XIIè siècles avant de voir se développer des axes jusqu’alors cantonnés à un rôle de sentiers locaux.

Notes
2975.

) AD 26, 40H 376, f°48.

2976.

) AD 69, EP 122, pièce n°7.

2977.

) AD 13, 56H 5108.

2978.

) Cf. t. I, annexe n°13.

2979.

) Régné (J.), Rouchier (J.) : Histoire du Vivarais, op. cit., t.II, p. 157.

2980.

) Blanc (A.) : « Ponts gallo-romains et très anciens de l’Ardèche et de la Drôme », art. cité, p. 94.

2981.

) Lagrange (F.) : « Les ponts romains. Diffusion des techniques et politique routière », art. cité, p. 123.