a- De Beauchastel à Dunière

Il quitte la vallée du Rhône au niveau de Beauchastel qui un point de passage permettant à la route longeant le Rhône de traverser la rivière Eyrieux par un bac existant dès la fin du XIIIè siècle au moins ( 2982 ).

Pour finir, signalons l’existence d’un péage prélevé dans la traversée du mandement de Beauchastel apparu, semble-t-il, dès le milieu du XIIIè siècle ( 2983 ).

Au sortir de Beauchastel, le cadastre ne nous indique l’existence que d’un seul et unique chemin se dirigeant vers la vallée de l’Eyrieux, passant au pied du castrum et du coteau sur lequel celui-ci est établi ( 2984 ). Aucune limite parcellaire rectiligne ni aucun autre élément ne nous laisse penser qu’un autre axe ait pu exister dans la plaine de l’Eyrieux entre le cours de la rivière et le coteau. Ceci est très logique : la rivière connaissant des crues extrêmement violentes, il aurait été dangereux de trop s’en approcher, et cheminer plus haut sur le versant aurait compliqué le tracé. Le passage ancien s’est donc fait le plus loin possible des flots mais pas trop haut sur le coteau ; seule la route actuelle, établie à l’abri d’une solide digue, peut longer l’Eyrieux sans risque. Passant par Le Colombier puis Barlet, la route arrive ensuite à Saint-Laurent-du-Pape où elle est mentionnée sous le nom d’itinere publico en 1435 ( 2985 ).

Au-delà de Saint-Laurent-du-Pape, notre route est mentionnée comme confront sous le nom de strata publica au niveau dal Pont Peyre en 1303 ( 2986 ), identifiable au pont ruiné de Pontpierre ( 2987 ). De Saint-Laurent à Pontpierre, le cadastre permet de proposer un tracé passant par Hauteville ( 2988 ) et Terra ( 2989 ), pratiquement identique à la route actuelle sauf modifications ponctuelles aisément identifiables et datables de 1787 ( 2990 ). Ainsi, au niveau de Pontpierre, une strata veteris est mentionnée en 1280 dans une transaction entre Hugues de Pierregourde et Jaucerand de la Tourette portant sur les limites des seigneuries de la Tourette et de Pierregourde ( 2991 ). A la lecture des points de repère donnés en 1280, la limite des deux seigneuries est clairement localisable et constitue encore de nos jours la limite des communes de Saint-Laurent-du-Pape et de Saint-Fortunat. La localisation des bornes fixées en 1280 permet de penser que cette strata veteris n’est autre que notre route du Rhône au Puy. Il est en effet dit que la limite part de la route vieille et gravit ensuite la Leuze, actuellement la serre de Lieuzet. Pourquoi est-elle qualifiée de route vieille ? Il faut certainement y voir la conséquence d’une modification ponctuelle du tracé intervenue depuis peu à la fin du XIIIè siècle, explicable par la topographie de la vallée de l’Eyrieux aux abords de Pontpierre. Au droit de la serre de Lieuzet sur laquelle passe la limite, la rivière forme un brusque méandre vers le nord, méandre dont le tracé n’a, semble-t-il, cessé d’évoluer et de se creuser ainsi qu’en témoignent graphiquement les différences constatables entre le cadastre napoléonien ( 2992 ) et la carte I.G.N. actuelle ( 2993 ). Géomorphologiquement, la large plage alluvionnaire qui occupe l’intérieur du méandre en est la conséquence. Le bornage de 1280 permet en outre de savoir que la vieille route passe au bord même de l’Eyrieux. Les deux routes de 1280, nouvelle et ancienne, ne sont donc séparées que d’une centaine de mètres. L’ancienne ayant été coupée par le déplacement de l’Eyrieux dans la seconde moitié du XIIIè siècle, la nouvelle a alors été construite plus haut sur la pente, plus loin de l’eau. Elle correspond à la route de la fin du Moyen Age qui figure encore sur le cadastre de 1812.

Passé Pontpierre et le méandre de l’Eyrieux, le chemin continue en direction de Saint-Fortunat où il sert de confront à une terre reconnue à Antoine Bernard, petit seigneur foncier local ( 2994 ). Sur les deux à trois kilomètres séparant Pontpierre de Saint-Fortunat, le chemin n’a que peu de possibilités de divaguer : il est contenu entre l’Eyrieux au sud et le très abrupt versant de la vallée au nord. Il est donc vraisemblable qu’il suive le même tracé que la route figurant au cadastre napoléonien passant par le hameau de Raymondon ( 2995 ). Outre les contraintes de relief qui ne laissent subsister qu’une étroite bande de terre praticable, la route figurant au cadastre napoléonien s’inscrit en tous points très bien dans le parcellaire, signe de son ancienneté au début du XIXè siècle. Notons toutefois qu’au niveau de Raymondon et de Mondon, l’Eyrieux a déjà, en 1812, gagné sur plusieurs parcelles et qu’elle semble menacer la route au point de la couvrir partiellement en quelques points ( 2996 ). On peut donc supposer que le chemin médiéval passait plus près de l’Eyrieux et qu’il a disparu ou qu’il est en train de disparaître au début du XIXè siècle du fait des déplacements du cours de l’Eyrieux.

A ce niveau, la route traverse le mandement de la Tourette, dans lequel se prélève un péage à l’extrême fin du Moyen Age, mentionné pour la première fois en 1489 ( 2997 ). Le château de la Tourette n’est toutefois pas situé à proximité immédiate de la route mais se trouve au sommet du coteau de la vallée de l’Eyrieux, dans une position très excentrée ( 2998 ) qui ne lui permet pas de contrôler les circulations et implique l’existence de postes de perception que nous ne pouvons toutefois pas localiser, ni grâce à la documentation médiévale, ni grâce à la toponymie.

Peu après Saint-Fortunat où elle est mentionnée en 1400 ( 2999 ), la route passe au village de Dunière, au niveau duquel elle franchit la rivière du même nom, affluent de l’Eyrieux en rive gauche. Nous avons ici le cas caractéristique où l’hydronyme devient le toponyme du lieu où la rivière est franchie. Au droit du village, sur l’axe même de la route, figure encore un hameau appelé « La Planche » ( 3000 ), souvenir du ponceau de bois qui a dû servir à traverser la rivière avant l’établissement du pont de pierre. Cette « planche » est mentionnée comme confront de biens hommagés au comte de Valentinois en 1489 ( 3001 ). A l’heure actuelle, à l’emplacement du toponyme subsistent encore trois rochers aux sommets artificiellement aplanis, émergeant de l’eau d’un mètre à un mètre cinquante en moyenne et pouvant très bien supporter les planches en question. Celles-ci s’appuyaient au niveau des berges sur des massifs de maçonnerie dont celui de rive gauche est encore partiellement visible bien que très dégradé. Pour sa part, le pont, attesté pour la première fois en 1334 ( 3002 ), n’est pas établi au niveau de la planche mais une centaine de mètres en amont, au lieu-dit « Le Pont » ( 3003 ). Il est toutefois difficile à l’heure actuelle d’en retrouver les traces, exceptées quelques plaques de mortier et quelques pierres encore scellées à la roche en rive droite. Néanmoins, sur le cadastre napoléonien figurent encore en ce lieu deux piles accompagnées de cette mention évocatrice de l’état de l’ouvrage : « demi pont de Dunière »...

Notes
2982.

) AD 69, EP 132, pièce n°12.

2983.

) AN, H4 3188.

2984.

) Beauchastel, cadastre de 1812, tableau d’assemblage.

2985.

) AD 69, EP 124, pièce 15.

2986.

) AD 69, EP 124, pièce 1.

2987.

) Saint-Fortunat, cadastre de 1812, section C dite de Monge.

2988.

) Saint-Laurent-du-Pape, cadastre de 1812, section C2 dite de Hauteville.

2989.

) Saint-Laurent-du-Pape, cadastre de 1812, section D dite de Terra.

2990.

AD 07, C 778.

2991.

) AD 69, EP 128, pièce 1.

2992.

) Saint-Fortunat, cadastre de 1812, tableau d’assemblage, sections C dite de Monge.

2993.

) Cartes au 1/25000è : n°3036 ouest Saint-Péray et n°3037 ouest La Voulte.

2994.

) AD 07, 1E 179.

2995.

) Saint-Fortunat, cadastre de 1812, tableau d’assemblage, sections C dite de Monge.

2996.

) Saint-Fortunat, cadastre de 1812, section F dite du Serre.

2997.

) AD 07, C 196, f°519.

2998.

) Laffont (P.-Y.) : Châteaux, pouvoirs et habitats en Vivarais, X è -XIII è siècles, vol. III, p. 150.

2999.

) AD 07, 1E 179.

3000.

) Les Ollières, cadastre de 1812, section A2 dite de Monteil.

3001.

) AD 07, C 196, f°533.

3002.

) AD 07, C 196, f°177.

3003.

) Les Ollières, cadastre de 1812, section B dite de la Traverse.